Rencontre avec Julie Barrette et Oriana
Le travail de rue: un filet social discret, mais vital
L’objectif du travail de rue est d’accompagner les gens dans n’importe quelle sphère de leur vie, et ce, grâce à une approche intimiste et informelle.
C’est ce que nous expliquent Oriana, travailleuse de rue à Saint-Georges et Julie Barrette, directrice de la Maison des jeunes Beauce-Sartigan. EnBeauce.com les a rencontrées à l’occasion de la Semaine du travail de rue.
Au cours de l’année 2023, les deux travailleuses de rue qui étaient en poste, Maude et Oriana, ont croisé le chemin de plus de 6 000 personnes; 81 % de ces personnes étaient âgées entre 12 et 17 ans, 9 % entre 18 et 35 ans et 10 % avaient plus de 35 ans. Elles ont eu également 424 rendez-vous avec des clients.
Les semaines varient énormément en fonction de la demande, mais Oriana peut rencontrer entre trois et six personnes par semaine environ. Les premiers mois de l’année sont souvent de plus grosses périodes, ou lors de la dépression saisonnière à l’automne. « Cette année, après les Fêtes, on a eu vraiment beaucoup de demandes. Il y a eu des périodes où elle avait des aides alimentaires à faire presque deux fois par jour », a expliqué Julie.
Les dépannages alimentaires sont souvent un prétexte pour pouvoir créer un premier contact avec des personnes qui utiliseront, par la suite, le service de travail de rue.
Notons justement qu’en 2023, il y a eu 90 dépannages alimentaires en collaboration avec Moisson Beauce ainsi que 50 dépannages alimentaires d’urgences gérées par la travailleuse de rue. « Si Moisson Beauce est fermé et que c’est une urgence majeure, je peux leur faire une épicerie rapide par exemple », a précisé Oriana.
L’écoute avant tout
« Les sujets abordés en rencontre sont très variés parce que ça dépend de chacun », a expliqué la travailleuse de rue. « C’est surtout les besoins de base et un important besoin d’écoute. »
Les relations interpersonnelles (avec la famille ou les amis) est le sujet le plus abordé (13,6 %), viennent ensuite notamment les relations amoureuses (10,2 %), les problèmes financiers (8,2 %), le travail (7,1 %) ou encore le logement (4,5 %). Il y a aussi beaucoup de suivi en santé mentale avec des personnes qui ont parfois quitté le système traditionnel et qui sont à la recherche d’une approche plus informelle.
« On essaie de les raccrocher au réseau, mais il faut parfois travailler longtemps pour une seule et unique personne, pour l’amener à reconsulter », a souligné la directrice qui est également très impliquée dans le travail de rue, puisqu’il est géré par son organisme. « Surtout qu’on se fie au rythme de la personne », a ajouté Oriana. « Ce n’est pas un service traditionnel, donc les gens sont parfois plus à l’aise à faire appel au travail de rue. On ne fait pas de rencontre formelle, on a une certaine proximité et un lien de confiance, surtout avec les personnes marginalisées. »
Un service méconnu et sous-estimé
« Le service de travail de rue a réellement sa place dans la société d’aujourd’hui. On ne pourra jamais valoriser notre travail parce que ce n’est pas le but, mais on le voit dans les yeux de notre client quand on l’aide! (...) »
En ce sens, les deux collègues travaillent fort pour représenter le travail de rue. Oriana se déplace dans les organismes communautaires, dans les écoles et même dans les festivals. Elle fait également de la rue où il est possible de la croiser aux passerelles ou près du Skatepark par exemple. Elle est aussi très présente sur les réseaux sociaux. « Il faut que les gens sachent que ce service existe et qu’il est à portée de main », a-t-elle appuyé. Elle peut parfois être référée par du bouche-à-oreille entre personnes qui connaissent ses services, ou par le CLSC, la DPJ ou par d’autres intervenants. « Nous, on va faire en sorte que cette personne ait les services adaptés à sa situation. Des fois ça va être une rencontre, mais ça peut aussi être sûr du long terme. Ça dépend vraiment des besoins du client », a indiqué Julie. « Et de sa volonté! On ne va pas forcer la personne à faire un suivi, on écoute la personne et son rythme », a ajouté Oriana.
Les fins de semaine de Beauce Carnaval représentent une période importante pour rencontrer des jeunes, la travailleuse de rue y fait de l’observation, des rencontres et de la prévention de méfaits. « C’était super intéressant parce que, par exemple, un jeune que je connaissais m’a présenté à ses amis, puis ils sont revenus me voir dans la soirée pour me parler. J’étais présente pour eux et maintenant ils savent qui je suis. » "TR Ori" va au Beauce Carnaval pour faire notamment de l’observation, des discussions, de la sensibilisation et de la réduction de méfaits.
Notons que, bien que le travail de rue soit associé à la Maison des jeunes Beauce-Sartigan, il est présent surtout à Saint-Georges et Saint-Martin. « Mais ce n’est pas vrai qu’on peut couvrir toute la MRC Beauce-Sartigan, malheureusement. J’aimerais pouvoir dire que oui, mais le budget et les ressources ne nous le permettent pas », a assumé la directrice. « Si on réussit juste pour une personne, ça suffit à dire que ce service est essentiel! Est-ce que le gouvernement devrait investir davantage? La réponse est oui. »
Pour Oriana, ce travail est une véritable vocation et c’est ce qu’il faut pour assumer seul le travail de deux personnes. « C’est un job atypique, on n’a pas une journée pareille. L’éthique me représente beaucoup, l’approche en suivant le rythme de la personne, qu’on lui donne le pouvoir sur les choix de sa vie et on fait la différence dans leur vie. Je pense que je vais faire ça pendant un bout de ma vie ! »
En ce moment, la Maison des jeunes est également à la recherche d’une deuxième ressource, parce que selon Julie Barrette: « il devrait y avoir minimalement deux travailleuses de rue dans chacune des MRC de Chaudière-Appalaches, actuellement on est loin du compte.. »
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