Étude réalisée à l'Université Laval
Le stress au travail pourrait doubler le risque de fibrillation auriculaire
Par La Presse Canadienne
Les facteurs de stress psychosocial au travail pourraient doubler le risque de souffrir de fibrillation auriculaire, la forme la plus courante d'arythmie cardiaque, montrent des travaux réalisés à l'Université Laval.
«Un risque presque doublé sur un suivi de près de vingt ans, c'est vraiment gros, a dit l'une des auteures de l'étude, la chercheuse Mathilde Lavigne-Robichaud. Ça nous indique qu'il y a un impact de l'environnement psychosocial au travail sur la santé cardiovasculaire, et c'est vraiment un indicateur précoce de maladie dans la chaîne causale des maladies cardiovasculaires.»
Mme Lavigne-Robichaud et ses collègues ont suivi en moyenne pendant 18 ans quelque 5900 cols blancs répartis presque moitié-moitié entre des hommes et des femmes. Le stress au travail ― par exemple, des demandes intenses (et parfois contradictoires), des échéanciers serrés et un faible pouvoir décisionnel ― a été mesuré avec différents outils validés.
Les auteurs ont aussi contrôlé leurs résultats pour tenir compte des caractéristiques socioéconomiques, du mode de vie et de différents facteurs de risque cliniques de leurs participants.
«On a vraiment mis beaucoup d'efforts méthodologiques dans cette étude là pour se rapprocher le plus près possible d'une relation causale, a dit Mme Lavigne-Robichaud. Donc une fois qu'on a contrôlé pour tous ces facteurs, on se rend compte que c'est vraiment la relation entre les stressants psychosociaux au travail et la fibrillation auriculaire qui s'explique.»
Les chercheurs ont recensé 186 cas de fibrillation auriculaire auprès de leurs sujets pendant la durée de l'étude, dont 51 qui sont survenus avant la retraite.
L'analyse a révélé que les employés qui ont déclaré avoir subi une forte pression au travail avaient un risque 83 % plus élevé de développer une fibrillation auriculaire par rapport aux travailleurs non affectés par les facteurs de stress; ceux qui percevaient un déséquilibre effort-récompense présentaient un risque 44 % plus élevé que les travailleurs qui ne signalaient pas ce déséquilibre; et les perceptions combinées d'un stress professionnel élevé et d'un déséquilibre effort-récompense étaient associées à un risque accru de 97 % de fibrillation auriculaire.
«Les mécanismes précis par lesquels les facteurs de stress psychosociaux au travail augmentent le risque de (fibrillation auriculaire) ne sont pas bien compris», écrivent les auteurs dans le Journal of the American Heart Association.
Toutefois, poursuivent-ils, «certains mécanismes physiopathologiques peuvent directement ou indirectement prédisposer ou déclencher» la fibrillation auriculaire. Il a par exemple été démontré que l'exposition à des facteurs de stress psychosociaux au travail peut prédisposer au développement de conditions cliniques courantes associées à la fibrillation auriculaire, comme l'hypertension, le diabète et la rigidité artérielle.
En outre, le système nerveux autonome peut jouer un rôle plus direct dans l'initiation et le maintien de la fibrillation auriculaire, étant donné que des poussées de l'activité sympathique et parasympathique ont été associées à l'apparition de la fibrillation auriculaire.
«C'est vraiment davantage au niveau biologique, a indiqué Mme Lavigne-Robichaud. Les stressants psychosociaux au travail vont augmenter la sécrétion d'hormones qui vont par exemple augmenter la contraction ou le rythme, le pouls cardiaque, et sur une longue durée, l'effet délétère va se se manifester.»
Des études avaient précédemment associé une exposition à un stress au travail et à un déséquilibre entre les efforts et la récompense reçue à un risque plus élevé de maladie coronarienne. Cette étude est toutefois la première à s'intéresser spécifiquement à une association avec la fibrillation auriculaire.
Ces résultats, estime Mme Lavigne-Robichaud, rappellent qu'il est important, aussi bien pour les employés que pour les employeurs, de s'attaquer aux facteurs de stress en milieu de travail, d'autant plus que les effets délétères ne pourront être ressentis que vingt ou trente ans plus tard.
«Si on commence à travailler dans la vingtaine jusque vers 60 ans, on comprend qu'on parle d'une exposition très prolongée, pas d'une exposition ponctuelle, a-t-elle dit en conclusion. Et quand on additionne tous ces petits stresseurs qu'on rencontre en milieu de travail, c'est là que l'impact est vraiment très délétère et qu'on se retrouve avec des risques doublés.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.