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Pier Dutil

Des gens courageux

durée 18h00
30 décembre 2024
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Par Pier Dutil

À l’aube d’une nouvelle année, j’aimerais vous présenter des gens qui ont fait preuve de courage suite à une situation dont ils n’étaient pas responsables.

Mais avant, je vais vous demander de me suivre dans une histoire pour l’instant fictive, mais qui pourrait nous permettre d’évaluer notre propre courage.

Le 51e état de Trump

Comme moi, vous avez sans doute lu et entendu les élucubrations de Donald Trump concernant la possibilité de faire du Canada le 51e état des États-Unis. Je sais, cela ne risque pas de se produite, mais suivez-moi quand même.

Suite à son assermentation à titre de 47e Président américain, Donald Trump décide d’envahir le Canada avec la puissance de son armée. 

Nous qui demeurons à seulement quelques kilomètres de la frontière américaine serons parmi les premiers à voir défiler les troupes américaines bombardant tout sur leur passage, détruisant nos installations publiques (écoles, hôpitaux, résidences pour personnes âgées, etc.), atteignant même de nombreux civils qui perdent la vie.

La situation décrite plus haut se reproduit tout le long de la frontière canado-américaine et il ne fait pas de doute que les Américains finiront par vaincre la faible résistance d’une armée canadienne qui manque de soldats et dont les équipements tombent en décrépitude.

Évidemment, la communauté internationale s’insurge face à cette invasion du territoire canadien et des pays comme la Pologne, l’Allemagne et l’Italie ouvrent leurs portes aux citoyens canadiens qui souhaitent quitter le pays.

Si ce scénario, que je reconnais être irréaliste, se produisait demain matin, comment réagiriez-vous?

Vous restez pour combattre? Vous acceptez l’invitation d’autres pays et quittez le Canada? Ou, tout simplement, vous restez sur place et attendez de voir comment tout cela se terminera?

Le rôle d’Élise Dion

Si tout ce qui précède dans cette chronique est de la pure fiction, permettez-moi maintenant de vous présenter des gens qui ont eu à vivre pour vrai une telle situation et qui ont choisi de venir s’établir chez nous, en Beauce.

Il s’agit de sept Ukrainiennes et Ukrainiens que j’ai pu rencontrer grâce à la précieuse collaboration d’Élise Dion, une Beauceronne comme vous et moi qui, après avoir vu à la télévision des images de destruction massive de plusieurs régions en Ukraine, a décidé de s’impliquer pour aider à accueillir ici des victimes de cette guerre qui n’en finit plus de finir après près de trois ans.

Élise a constaté que le Canada s’était dit disposé à accueillir des Ukrainiens et, forte de son expérience en ressources humaines et de ses nombreux contacts avec les employeurs beaucerons, elle a décidé de contribuer à accueillir chez nous des gens qui fuyaient la guerre. 

Croyez-le ou non, mais les efforts d’Élise ont permis à quelque 120 Ukrainiennes et Ukrainiens de venir s’établir ici. Quand on dit qu’une seule personne ne peut rien changer à des drames humains qui surviennent ailleurs sur la planète, les efforts d’Élise prouvent le contraire. D’accord, Élise a pu compter sur des bénévoles qui se sont joints à elle, mais elle a tout de même le mérite de ne pas s’être contentée d’observer le drame à la télévision.

Qui sont ces Ukrainiennes et Ukrainiens

Ils sont 120 à avoir choisi la Beauce pour venir s’y établir. Selon Élise, à peine 20 ont quitté la région pour choisir d’aller s’établir dans une autre province, notamment à cause du problème de la langue. Certains parlaient déjà anglais, ce qui facilitait les choses.

Des 100 autres toujours ici, j’en ai rencontré sept la semaine dernière. La rencontre s’est déroulée presque totalement en français. Ils proviennent toutes et tous de régions attaquées par l’armée russe. Ils ont pu voir de leurs propres yeux la destruction de leurs villes.


De gauche à droite : Yevhenia, Ruslam, Oksana, Julia, Elena, Konstantin et Nikita

Chez ce groupe de sept, j’ai retrouvé un ingénieur en électricité et bachelier en histoire, un travailleur d’usine, une employée de banque, une pharmacienne, une étudiante de secondaire IV, une maman et un étudiant de la 6e année du primaire.

Pourquoi ont-ils quitté? Principalement pour une question de sécurité et, chez les parents, pour offrir un meilleur avenir à leurs enfants. Pourquoi la Beauce? Pour les opportunités d’emplois, à cause d’une connaissance déjà établie ici, à cause du coût de la vie moins élevé que dans une grande ville comme Montréal, pour les disponibilités de logement, etc.

Que font-ils? Les deux étudiants poursuivent leurs études. Les autres travaillent dans des usines, en hôtellerie, poursuivent leur formation en français à temps plein ou partiel et la maman s’occupe de sa progéniture.

Malheureusement pour les professionnels (ingénieur et pharmacienne) leur formation n’est pas reconnue par les ordres professionnels, ce qui les empêche de travailler dans leurs domaines.

Contrairement à ce que plusieurs pensent, ils ne se font pas vivre par l’état. Ils travaillent, paient des impôts et des taxes, consomment dans nos commerces. En somme, ce sont des citoyennes et citoyens comme vous et moi qui contribuent à enrichir la communauté beauceronne.

Et, détail non négligeable, ils ont déjà enrichi leur groupe de quatre bébés qui sont des citoyens canadiens

Des différences importantes

Évidemment, la vie en Beauce et la vie en Ukraine comportent d’importantes différences. La difficulté première est reliée à la langue. Il faut reconnaître que le français n’est pas une langue facile à apprendre. C’est cependant plus facile pour les jeunes, certains parlant même un français avec des accents beaucerons.

Les deux étudiants trouvent que les programmes scolaires d’ici sont plus faciles que ceux en Ukraine. Quant aux travailleurs d’usine, on trouve que l’on ne travaille pas beaucoup d’heures comparativement aux semaines de six jours et de 50 à 60 heures en Ukraine. Ils n’en reviennent pas non plus du nombre de congés fériés payés. Enfin, les Ukrainiens se disent très bien rémunérés, estiment que les revenus nets sont suffisamment élevés pour leur permettre de réaliser des économies. Deux familles ont déjà procédé à l’achat de maisons

On est également surpris par les grandes facilités du crédit. «Tu entres à la banque et tu ressors avec une carte de crédit» d’affirmer l’un deux.

À part les difficultés reliées à la langue, on déplore beaucoup de lourdeur au niveau de la bureaucratie, de la difficulté à avoir accès au système de santé, à un permis de conduire.

Si la guerre prend fin un jour en Ukraine, prévoient-ils retourner dans leur pays d’origine? La réponse est unanime chez les sept personnes rencontrées : «NON». Peut-être un bref retour pour visiter la famille, mais, à moins d’une surprise, c’est ici qu’ils prévoient refaire leur vie.

Le titre de ma chronique faisait référence à des gens courageux et mon introduction imaginant une invasion américaine au Canada poursuivait un but précis. Ces Ukrainiennes et ces Ukrainiens qui, après réflexion, ont décidé d’abandonner maison, logements, meubles, véhicules et souvent même familles, ils sont partis avec seulement quelques-uns de leurs biens dans des valises pour accepter de recommencer une nouvelle vie dans un pays inconnu sans aucun point de repère. On ne parle pas ici de réfugiés vivant dans des camps de misère comme on en retrouve dans plusieurs régions du monde et qui n’ont rien à perdre.

À mes yeux, ces gens font preuve d’un immense courage et ils méritent notre plus grand respect. Considérons-nous chanceux qu’ils aient choisi notre région pour refaire leur vie et accueillons-les les bras grands ouverts.

Dans les mêmes circonstances, ferions-nous preuve du même courage pour abandonner tout ce que nous possédons et repartir à zéro ailleurs? À chacune et chacun de répondre.

Visionnez tous les textes de Pier Dutil

Pensée de la semaine

Je dédie la pensée de la semaine aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens qui ont choisi de s’établir chez nous :

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