Pier Dutil
C'est le bordel à Ottawa
Par Pier Dutil
J’aurais lu un livre ou visionné un film dans lesquels survenait les mêmes évènements que nous avons tous pu observer à Ottawa récemment et je me serais dit que l’auteur ou le scénariste avait beurré épais.
Pourtant, les événements survenus lors des dernières semaines au Gouvernement canadien sont malheureusement réels et, pendant ce temps, les Canadiennes et les Canadiens assistent impuissants à cette tragédie dont les acteurs sont les dirigeants politiques que nous payons pour gérer le pays.
La débandade libérale
Depuis plus d’un an, tous les sondages menés auprès de l’électorat canadien prédisent une véritable débandade au Parti Libéral du Canada (PLC) et une impopularité croissante de son chef et actuel Premier Ministre, Justin Trudeau.
Comme si cela n’était pas suffisant, le PLC a perdu dernièrement toutes les élections partielles dont certaines dans ce que l’on qualifiait de châteaux forts libéraux.
On a même eu droit à un début de mutinerie au sein du caucus libéral, une vingtaine de Députés.es demandant à Justin Trudeau de se retirer.
Et pour ajouter aux mauvaises nouvelles, au cours des derniers mois, huit ministres ont, tour à tour, démissionné ou annoncé leurs départs : Sean Fraser (logement), Randy Boissonnault (langues officielles), Marie-Claude Bibeau (revenu national), Carla Qualtrough (sport et activité physique), Filomena Tassi (développement économique du sud de l’Ontario), Dan Vandal (affaires du nord), Pablo Rodriguez (transport et lieutenant politique au Québec) et Seamus O’Regan (travail et ainés).
La goutte qui fait déborder le vase
Lundi dernier, la démission de Chrystia Freeland est la goutte qui a fait déborder le vase. Madame Freeland n’est pas n’importe qui. C’était la ministre des Finances, celle que Justin Trudeau avait aussi élevée au rang de Vice-Première Ministre.
Les circonstances de cette démission résultent d’une bourde monumentale de Justin Trudeau. À trois jours de la présentation de la mise à jour économique que devait présenter Chrystia Freeland à la Chambre des Communes, via une conversation ZOOM, voilà que Justin informe sa ministre qu’il prévoit lui enlever son ministère dans les jours qui suivront, le tout dans le cadre d’un remaniement ministériel.
Il lui annonce même le nom de son successeur, Mark Carney, l’ancien Gouverneur de la Banque du Canada, alors que ce dernier n’a toujours pas confirmé qu’il acceptait le poste en question.
Et, comme prix de consolation, Justin Trudeau offre à Madame Freeland un poste de responsable des relations canado-américaines, un ministère sans portefeuille, sans employés, en somme du n’importe quoi. Comme manque de classe de la part du Premier Ministre, difficile de trouver mieux.
Une lettre assassine
Après réflexion, Khrystia Freeland rédige une lettre de démission dans laquelle elle assène à Justin Trudeau un uppercut qui ne pardonne pas. Madame Freeland devenait par le fait même la neuvième ministre à quitter le Cabinet.
Elle écrit : «Au cours des dernières semaines, nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour le Canada» » Elle poursuit : «Il faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre et qui font douter les Canadiens que nous reconnaissons à quel point ce moment est grave.»
Cela équivaut à tout un désaveu de la ministre des Finances à l’égard de son Premier Ministre.
Cette petite lettre, couvrant à peine une page 8 1/2¨ X 11¨, a ébranlé les colonnes du temple libéral comme un séisme.
La réaction de Justin
Dans les heures qui ont suivi la démission de Madame Freeland, Justin Trudeau s’est tapi dans son bureau, refusant de commenter la nouvelle. Il a vite convoqué une réunion de son caucus pour tenter d’éteindre l’incendie, mais ce ne fut pas un succès puisque de 50 à 60 Députés.es ont laissé entendre qu’ils souhaitaient le départ de leur chef, alors qu’ils n’étaient qu’une vingtaine un mois auparavant.
Devant des partisans et généreux donateurs libéraux, Justin Trudeau s’exclame : «J’adore le Canada.» Malheureusement, Justin, le Canada, lui, ne t’adore plus.
Il a vite procédé à la nomination de son fidèle ami, Dominic LeBlanc, au poste de ministre des Finances et, dans les jours qui ont suivi, il a procédé à un remaniement de son Cabinet.
Quatre ministres déjà en poste ont reçu une nouvelle affectation et huit nouveaux Députés.es ont accédé au Cabinet. Parmi ces nouveaux ministres, à part David J. McGuinty, il s’agit d’illustres inconnus.es. Et McGuinty est avant tout connu parce qu’il est le frère de Dalton McGuinty Junior qui a été Premier Ministre de l’Ontario de 2003 à 2013. Ce n’est pas là un Cabinet qui va permettre de renverser le courant pour les Libéraux.
Rester ou partir
Pendant que se déroulaient tous ces évènements, il y avait en arrière-plan un éléphant dans la pièce : Justin Trudeau continuera-t-il à s’accrocher ou décidera-t-il de se retirer?
À part lui, personne ne connaît la réponse et tenter de faire une prédiction aurait autant de chance de réussite que de lancer une pièce de monnaie dans les airs tout en tentant de prédire de quel côté elle retombera.
Je ne sais pas combien de temps durera le réflexion de Justin Trudeau, mais, à moins d’être masochiste, ce dernier devrait faire part de ses intentions à la population canadienne dans les plus brefs délais. Parce que, pendant tout ce temps, le Parlement canadien est paralysé, rien ne se passe, des projets de loi attendent de faire l’objet d’un vote et les partis d’opposition déchirent leurs chemises, menaçant de renverser le Gouvernement libéral minoritaire.
Pierre Poilievre plane au-dessus du cadavre en devenir de Justin Trudeau comme un oiseau de proie, Jagmeet Singh, après avoir contribué à maintenir les Libéraux au pouvoir durant des années, se dit maintenant prêt à leur appliquer le coup fatal pour les renverser et Yves-François Blanchet se contente d’observer la scène dans l’attente d’une grande finale.
Quant à nous, citoyens canadiens, le triste spectacle auquel nous assistons impuissants, nous mènera plus tôt que tard à une élection générale où les choix seront peu alléchants.
C’est une triste fin d’année politique au Canada à laquelle nous assistons et c’est ce qui se produit quand les dirigeants politiques choisissent de se comporter comme des chefs de partis plutôt que comme des chefs d’état.
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Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine à tous les élus.es de tous les niveaux :
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