C'est M. Albert Giroux qui a fondé le café Black Cat dans les années '30. Celui-ci était l'arrière petit-fils de Nicolas Giroux un trappeur qui est considéré comme le fondateur de Saint-Prosper; c'est d'ailleurs en son honneur qu'on a appelé la route qui mène à Saint-Prosper «le rang Saint-Nicolas». Albert a suivi le cheminement typique du beauceron débrouillard de l'époque: un homme sans instruction mais qui savait compter. Né en 1907, il quitta la maison familiale à 13 ans, pour aller «pleumer du pulp» en Abitibi. Après quelques années de ce dur métier, il est devenu cuisinier dans les chantiers.
À la fin de la vingtaine, dans les années '30, il est revenu dans la région et s'est acheté une grande bâtisse le long de la rivière, sur la 1re avenue, au pied de la 118e rue, où il a créé le café Black Cat (1re photo, dans les années '30). Dans les débuts, il l'appelait Chat Noir, voyez la 2e photo, que j'ai agrandie à deux reprises pour que vous puissiez y lire le nom pointé par la flèche (photo 2). Il n'a pas cessé de l'améliorer et de l'agrandir au fil des ans, tant qu'il en fut propriétaire. On entrevoit son immeuble lors d'une parade religieuse à l'occasion de l'année sainte, en 1950 (photo 3).
Une jeune serveuse qu'il avait embauchée, Thérèse Duquet de Saint-Romain, est devenue son épouse en 1940. Son café était dans un secteur commercial très achalandé, comme on le constate à la photo 2. Il n'a pas été épargné par les problèmes, son sous-sol étant souvent inondé au printemps. Pendant de nombreuses années il a exploité son commerce avec succès. De plus, il louait des espaces commerciaux pour diverses activités, dont un local de barbier, un cordonnier, des taxis (le poste de taxis «Dominion», ancêtre du Taxi 22), deux chaises de cireurs de chaussures et une salle de pool.
Et surtout, il louait de nombreuses chambres pour les travailleurs à revenus modestes. En fait, M. Giroux a graduellement transformé son immeuble en fusionnant avec la bâtisse voisine et il a même ajouté un étage à l'édifice, pour offrir un plus grand nombre d'appartements en location, comme on le constate à la 4e photo. Manquant de temps, il a cessé d'opérer lui-même le restaurant au cours des années '50 et l'a plutôt loué à M. Jean-Paul Gilbert. C'était un homme d'affaire persévérant. Grâce à ses nombreux revenus de location, il est devenu très à l'aise.
Hélas, son imposant immeuble de 3 étages sur la 1re avenue a été la proie des flammes le vendredi Saint 20 avril 1962. Ce fut une perte totale. En plus du restaurant, il y avait un commerce de linge usagé (L. Larochelle), un salon de barbier (Marie-Louis et Roger Labbé) ainsi que de nombreuses chambres et des logements au second étage (photo 5). Il ne se laissa pas décourager, au contraire, il a reconstruit en l'améliorant et a décidé de prendre une semi-retraite (en 1962 à l'âge de 55 ans), pour s'occuper de la gestion de son édifice, soit des locaux commerciaux du rez-de-chaussée et de la location des logements du 2e étage. Il conserva la partie gauche pour un restaurant (qu'il louait, photo 6) et loua la partie droite au marchand de meubles Gérard Poirier (photo 7) qui avait ouvert ailleurs son commerce en 1952. M. Donat Gilbert y avait aussi ses bureaux.
Parallèlement à ses activités immobilières, M. Giroux était aussi propriétaire d'une petite ile juste au bord de la rivière, en face du Manoir Chaudière, dont il vendait du gravier aux entrepreneurs de travaux routiers. Son ile fut expropriée vers 1965, pour aménager le vaste terrain où sera plus tard érigée Place Centre-Ville. M. Giroux est décédé le 3 juillet 1969 à l'âge de 62 ans. Plus tard, en 1969, des procédures d'expropriation furent entreprises par les autorités concernant son immeuble commercial pour y faire passer la 118e rue servant de sortie pour le nouveau pont, au nord de l'actuel Rock Café sur la 1re avenue. Il ne reste donc plus rien de cet édifice. Un souvenir: une ancienne boite d'allumettes en bois provenant de son commerce (photo 8 ).
Dernier fait important à souligner: lui et son épouse ont eu huit enfants, dont trois paires de jumeaux: un garçon et une fille, deux filles puis deux garçons, fait rarissime qui a fait la manchette des plus grands journaux de toute la province en 1948. Quelle vie trépidante! Ce ne sont pas toujours les gens les plus célèbres qui ont une vie aussi extraordinaire, quel homme exceptionnel!
Photo 1 courtoisie de Daniel Ménard. Photos 2 à 7 du Fonds Claude Loubier. Texte et recherches de Pierre Morin.
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