Savoir partir
Pier Dutil
Après plusieurs années en politique, certains élus finissent par croire qu’ils sont devenus indispensables et que la terre risque de cesser de tourner s’ils se retirent. Tant au fédéral, au provincial qu’au municipal, on connaît tous des élus qui ont fait un mandat de trop.
La semaine dernière, nous avons eu deux exemples de dirigeants politiques qui ont adopté des positions diamétralement opposées : Valérie Plante et Justin Trudeau.
Valérie Plante
Mercredi dernier, la Mairesse de Montréal, Valérie Plante, a pris tout le monde par surprise en annonçant qu’elle ne solliciterait pas un troisième mandat lors des élections municipales de novembre 2025. Pourtant, en septembre dernier, elle avait affirmé qu’elle prévoyait être candidate à sa propre succession.
Pour justifier son changement de cap, Valérie Plante a déclaré : «Je ne suis pas capable de garantir aux Montréalais le même niveau d’énergie pour quatre années de plus.» À la fin de son mandat, Valérie Plante aura 51 ans.
Des adversaires de Madame Plante et des observateurs de la scène politique montréalaise se sont permis d’avancer d’autres motifs susceptibles d’avoir influencé la décision de la Mairesse, à savoir des sondages défavorables, de la contestation à divers niveaux et ainsi de suite.
Des sondages défavorables, Valérie Plante en a affronté lors de ses deux élections à la Mairie de Montréal en 2017 et 2021 alors qu’elle affrontait Denis Coderre. Pourtant, elle l’a vaincu à deux reprises en obtenant à chaque fois plus de 50 % des votes.
Peu importe que l’on aime ou non Valérie Plante et même s’il est trop tôt pour faire le bilan de ses deux mandats à la direction de la ville de Montréal, il faut saluer sa décision et le fait de la faire connaître un an avant la tenue du prochain scrutin, laissant ainsi amplement de temps aux membres de son parti de se choisir un nouveau chef.
Ça laissera également du temps à certaines personnes, pas encore impliquées en politique municipale, qui pourraient être intéressées maintenant que la porte est ouverte.
L’année dernière, une autre femme, Jacinda Arden, Première ministre de la Nouvelle-Zélande, avait annoncé son retrait de la politique lors de son deuxième mandat. Madame Arden dirigeait son pays depuis un peu plus de 6 ans et n’avait que 42 ans.
Tant dans le cas de Valérie Plante que dans celui de Jacinda Arden, encore dans la fleur de l’âge, ces deux femmes donnent une leçon à certains politiciens mâles qui, même à plus de 70 ans, s’accrochent au pouvoir.
Justin Trudeau
Toujours mercredi dernier, Justin Trudeau a affronté la grogne qui régnait et qui règne toujours au sein de son parti, déclarant qu’il refusait de se retirer et qu’il serait toujours à la tête du parti Libéral lors des prochaines élections susceptibles de survenir n’importe quand, mais, au plus tard en octobre 2025.
Depuis des mois, Justin Trudeau est confronté à des sondages indiquant clairement que le parti Conservateur de Pierre Poilievre domine largement les intentions de vote des électeurs canadiens dans toutes les provinces à l’exception du Québec. Cela assurerait l’élection d’un Gouvernement conservateur majoritaire.
De plus, le statut minoritaire du Gouvernement Trudeau fait en sorte que ce dernier peut être renversé n’importe quand, provoquant ainsi une élection générale. Au cours des dernières semaines, tant les Conservateurs que les Bloquistes ont menacé le Gouvernement libéral avec des motions de confiance qui ont accaparé la grande majorité du temps de la Chambre des Communes.
Et pendant ce temps-là, d’importants projets de loi attendent d’être débattus et adoptés pour solutionner divers problèmes.
Fait pour le moins exceptionnel au sein du parti Libéral du Canada, la grogne d’un groupe de Députés a été rendue publique. On avait plutôt l’habitude de laver son linge sale en famille chez les Libéraux.
Alors que des commentaires isolés de certains Députés émergeaient ici et là à l’occasion, voilà que la fronde a pris de l’importance lorsqu’il a été question d’une lettre signée par plus d’une vingtaine de Députés, lettre dans laquelle on demandait à Justin Trudeau d’envisager un éventuel retrait, laissant ainsi la place à l’élection d’un nouveau chef susceptible de redorer le blason des Libéraux.
Lors du caucus de mercredi dernier, qui a duré plus de trois heures, certains Députés auraient fait part de leur insatisfaction à l’égard du leadership de Justin Trudeau. On lui aurait même remis la fameuse lettre en question, mais sans les signatures des Députés mutins.
Quel courage de la part de ces braves qui n’hésitent pas à parler sous le sceau de la confidentialité, mais qui n’osent pas s’afficher publiquement, à l’exception du Député de Charlottetown, Sean Casey.
En réalité, la grogne des quelque 24 Députés libéraux sur un total de 153 relève avant tout de leur peur de perdre leurs sièges lors de la prochaine élection.
Et pendant ce temps-là, Justin Trudeau s’accroche, refuse de quitter et affirme que c’est lui qui dirigera son parti lors du prochain scrutin. À la sortie du caucus de mercredi dernier, Justin Trudeau osait affirmer que le parti Libéral en sortait «,,,fort et uni.» Il est probablement le seul à penser ainsi et cette attitude est la preuve que le Premier ministre est complètement déconnecté de la réalité.
Si la position de Justin Trudeau semble inébranlable au moment d’écrire ces lignes (dimanche matin), il sera intéressant de voir ce que feront les Députés contestataires. Rentreront-ils tout simplement dans le rang en attendant le déclenchement des élections? Oseront-ils voter contre la ligne de parti lors d’un prochain vote de confiance aux Communes? Auront-ils le courage de se retirer du parti Libéral et de siéger comme indépendants?
Quant à Justin Trudeau, procédera-t-il à un remaniement de son Cabinet suite à la décision de quatre Ministres qui ont annoncé qu’ils ne seraient pas candidats à la prochaine élection? Osera-t-il proroger les travaux de la Chambre des Communes pour revenir plus tard avec une nouvelle session parlementaire?
Les prochaines semaines promettent d’être très intéressantes à suivre.
Quand je compare les décisions de Mesdames Plante et Arden qui ont choisi de se retirer à celle de Justin Trudeau qui s’accroche, je me demande si les femmes en politique ne font pas preuve de plus de sagesse que leurs confrères lorsque vient le temps de partir.
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Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine aux dirigeants politiques qui s’accrochent au pouvoir :
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