Le bordel de l'immigration
Pier Dutil
L’immigration est un sujet chaud qui ne laisse personne indifférent. Pour certains, on en accueille trop, alors que pour d’autres on n’en accueille pas assez.
Depuis de nombreuses années, l’immigration fait l’objet de nombreux litiges entre le Gouvernement fédéral et celui de la province de Québec. Peu après son arrivée au pouvoir à Ottawa en 2015, Justin Trudeau a ouvert les portes du Canada à toutes celles et ceux qui désiraient y refaire leur vie.
Qui sont-ils?
Quand on parle d’immigrants, il faut savoir faire la distinction entre diverses catégories. Il y a les immigrants réguliers qui, à partir de leur pays d’origine, font une demande pour immigrer au Canada et attendent toutes les autorisations avant de s’amener chez nous.
Il y a aussi les travailleurs étrangers temporaires qui, souvent recrutés par des employeurs, viennent combler des emplois disponibles sur nos fermes, dans nos usines, nos commerces ou ailleurs. En 2023, ils étaient 167 475 au Québec. En Beauce, on en compte quelques milliers.
Il y a aussi les étudiants étrangers que l’on retrouve dans nos Cégeps et universités. Souvent, à la fin de leurs études, ils font une demande pour demeurer ici et travailler. En 2022, on en comptait 93 370 au Québec.
Enfin, il y a les demandeurs d’asile. Ce sont ceux qui arrivent illégalement, sans avoir fait de demandes préalables, qui se disent en danger dans leur pays d’origine et qui souhaitent s’installer au Canada. C’est souvent cette catégorie qui soulève des litiges entre les Gouvernements d’Ottawa et de Québec. En 2023, le Québec en a reçu 160 651.
Récemment, une autre catégorie a fait des étincelles entre Ottawa et Québec, à savoir les réunifications familiales. Il s’agit d’immigrants installés ici qui souhaitent faire venir d’autres membres de leurs familles (époux, épouses, enfants et autres).
Une juridiction partagée
Au Canada, l’immigration est une juridiction fédérale, mais, depuis 1991, le Québec a obtenu certains pouvoirs pour procéder au choix des immigrants intéressés à s’établir sur son territoire, notamment pour protéger sa langue officielle, le français.
Le partage de cette juridiction est régulièrement cause de conflits entre les deux Gouvernements. On ne s’entend pas sur le nombre d’immigrants à accueillir, sur les coûts à partager et ainsi de suite.
Même au Québec, les cibles d’immigrants à accueillir varient selon les partis. Alors que la CAQ est disposée à en accueillir entre 50 000 et 60 000 annuellement, le PLQ en cible 70 000, QS 80 000 et le PQ 35 000.
En ce qui concerne les demandeurs d’asile qui avaient pris l’habitude d’entrer au pays par le célèbre chemin Roxham et qui s’installaient en presque totalité à Montréal, c’est le Québec qui devait assumer les dépenses en attendant que leur sort soit fixé à savoir s’ils pouvent demeurer ici ou s’il on les retournait là d’où ils venaient.
Depuis que le chemin Roxham a été fermé, la majeure partie des demandeurs d’asile arrivent à l’aéroport Montréal-Trudeau. Depuis quelques années, Québec estime que ces nouveaux arrivés ont coûté un peu plus de 1 milliard de dollars (1 G$) pour les loger, inscrire leurs enfants dans des écoles, les soigner, etc. Québec voudrait être compensé par Ottawa, d’où les litiges.
Pouvoir les intégrer
Il importe de mentionner qu’accueillir des immigrants par milliers au Canada et au Québec est facile. Là où la situation se complique, c’est au niveau de leur intégration.
Il faut les loger et tout le monde est conscient qu’une crise du logement frappe le Canada en entier de ce temps-ci. Les immigrants n’en sont pas les seuls responsables, mais ils contribuent à accentuer le problème.
Afin d’inscrire tout ces nouveaux arrivants dans des cours de francisation, le Québec a dû créer 1237 classes, ce qui équivaut à 52 nouvelles écoles. Tout cela alors que l’on manque déjà de professeurs dans nos écoles régulières.
On a besoin d’immigrants
Comme je le mentionnais en début de chronique, certains souhaitent que l’on accueille moins d’immigrants, alors que d’autres souhaitent en accueillir davantage.
Mais il y a une situation au Canada et au Québec que l’on se doit de connaître. Avec un taux de natalité parmi les plus bas au monde à 1,6 par femme fertile et avec une population vieillissante, le Québec va vite manquer de bras si l’on n’accueille pas des immigrants. Déjà on ne parvient pas à combler les quelque 175 000 postes vacants recensés à l’automne 2023.
La question à se poser face à l’immigration n’est pas de savoir si, oui ou non on a besoin d’immigrants, mais plutôt de déterminer combien doit-on en accueillir de façon à parvenir à bien les intégrer et à en faire des citoyens qui contribueront à assurer l’avenir du Québec et du Canada.
Je n’ai pas l’intention dans cette chronique de tenter de départager les responsabilités entre les diverses instances gouvernementales, mais je souhaite que nos politiciens cessent d’utiliser l’immigration à des fins purement politiques.
Parler d’immigration, c’est parler de la vie d’êtres humains qui cherchent à améliorer leur propre sort, tout en contribuant à améliorer le nôtre.
Il ne faudrait pas oublier que nous sommes toutes et tous des descendants d’immigrants qui ont choisi de s’établir en Amérique il y a de cela un peu plus de 400 ans.
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Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine à celles et ceux qui ont peur de l’immigration :
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