Chu tanné!
Pier Dutil
Je sais. Ce n’est pas du bon français. Mais ça exprime mieux ce que je ressens présentement dans le cadre des négociations entre le Gouvernement et ses employés syndiqués. Écrire je suis tanné ne serait pas suffisant, alors, je persiste et je signe : CHU TANNÉ!
Mémoire courte
Suite à la signature des dernières conventions collectives, je me rappelle très bien du discours des chefs syndicaux qui se réjouissaient des gains obtenus. On se pétait les bretelles, disant avoir arraché au Gouvernement des améliorations importantes aux niveaux salarial et de l’organisation du travail.
À peine deux ou trois ans plus tard, à entendre ces mêmes chefs syndicaux, on croirait que les employés de l’État sont exploités et que leurs conditions de travail sont celles d’esclaves.
Je comprends que l’on veuille améliorer ses conditions de travail et cela est tout à fait légitime. Mais, de grâce, arrêtez de vous lamenter.
Jusqu’à présent, les syndiqués bénéficient de l’appui populaire dans leurs revendications. Mais, les grèves qui se prolongent perturbent à ce point la vie des enfants, des étudiants, des malades, enfin de l’ensemble des familles que cet appui risque fort de s’atténuer si les grèves se poursuivent.
Ce n’est pas les revendications qui commencent à nous écoeurer, ce sont plutôt le discours et les grèves prolongées, en somme, les moyens utilisés pour faire pression sur le Gouvernement, alors que ce sont les citoyens qui en font réellement les frais.
Le discours syndical
Depuis le début des moyens de pression, on a entendu des chefs syndicaux décrier les offres du Gouvernement. Je comprends que les premières offres sur la table ne soient pas satisfaisantes et que l’on aspire à mieux.
Mais il n’est pas nécessaire d’utiliser un vocabulaire de confrontation, qualifiant ces offres de «bouette», de «merde», «d’insultantes», alouette.
On ne doit pas oublier que chaque un pourcent d’augmentation représente un montant de 600 M$ qui seront défrayés par les contribuables.
Faites-vous à l’idée que, dans des négociations, on doit lâcher du lousse à un moment donné. Une entente est le résultat de compromis de la part des deux parties assises à la table de négociation. Que vous le vouliez ou non, vous êtes condamnés à vous entendre et le plus tôt sera le mieux.
Chu tanné de ce discours de confrontation, de ces exagérations verbales.
Le discours gouvernemental
Le discours n’est pas plus édifiant du côté gouvernemental. Quand j’entends François Legault parler d’une entente imminente et du retour des élèves dans les écoles aujourd’hui, lundi, je ne peux m’empêcher de penser, M. Legault, fermez-la! Vous jetez de l’huile sur le feu et vous mettez une pression indue sur Sonia Lebel et son équipe de négociation.
Depuis qu’il fait de la politique, François Legault affirme et répète que sa priorité, c’est l’éducation. Si tel est le cas, M. Legault devrait savoir que l’éducation, elle se transmet par des enseignants qui devraient pouvoir compter sur des salaires intéressants et, surtout, sur des classes où on ne passe pas son temps à faire de la discipline et à gérer des élèves qui ont des troubles de comportement et/ou d’apprentissage pour lesquels les enseignants n’ont pas été formés.
Depuis des années, on a favorisé l’intégration des élèves à problème au sein des groupes réguliers. Cela a eu pour effet de compliquer la vie des enseignants. Il faudrait revenir aux classes spéciales dirigées par des enseignants qui ont suivi une formation adéquate pour s’occuper de ces cas lourds.
Durant la pandémie, François Legault flattait les employés de la santé, les appelant même ses «anges gardiens». Si on a vraiment apprécié le dévouement de ces employés, le temps serait peut-être venu de leur donner des conditions de travail qui reflètent leur dévouement. Il n’est pas normal que les infirmières québécoises soient parmi les moins bien payées au Canada.
Chu tanné de ce double discours du Gouvernement qui flatte ses employés, mais qui résiste à leur donner des conditions de travail attirantes et stimulantes. À un moment donné, Monsieur Legault, il faut que les bottines suivent les babines.
Assez, c’est assez
En date d’aujourd’hui, les enseignants de la FAE sont en grève depuis 18 jours. 18 jours au cours desquels des enfants ne reçoivent aucun service scolaire. C’est une catastrophe et des milliers d’enfants subiront des torts irréparables.
Ce ne sont pas les plus brillants qui souffriront davantage. Ils finiront par se rattraper. Ce ne sont pas non plus ceux qui ont des problèmes d’apprentissage qui feront les frais de cette grève, car, il faut bien le reconnaître, ces derniers, dans une large proportion, ne réussissent pas.
Les plus affectés seront les élèves moyens qui bûchent pour finir par réussir, cela suite à des efforts constants. Pour eux, 18 jours de grève, c’est un véritable drame.
Chers enseignants, si vous avez vraiment à cœur le bien de vos élèves, retournez dans vos classes OPC pendant que vos dirigeants syndicaux, qui ont des salaires supérieurs aux vôtres, continueront à mener les négociations. Ainsi, vous cesserez de vous appauvrir et de vous endetter pour des années à venir et vos élèves pourront recevoir les services dont ils sont en droit de s’attendre.
Comme le suggérait récemment le pédiatre bien connu Gilles Julien, l’éducation devrait être considéré comme un service essentiel
En santé aussi on assiste à des drames. En fin de semaine dernière, j’ai été choqué d’apprendre que des patients souffrant de cancer n’ont pas eu droit à leurs traitements de radiothérapie et/ou de chimiothérapie à cause des grèves. Non seulement ces patients doivent vivre avec la menace d’une maladie qui pourrait être mortelle, subissent tout le stress qui accompagne un tel état et mettent tous leurs espoirs dans des traitements susceptibles de les guérir. Mais voilà qu’on reporte ces soins. À mes yeux, c’est presque criminel. Et cela est sans compter tous les rendez-vous et toutes les interventions reportés pour des milliers d’autres.
Fermez-la
Chers dirigeants syndicaux, chers membres du Gouvernement, pourriez-vous, s’il-vous-plaît vous la fermer durant une semaine. Cessez de déblatérer contre la partie adverse, de chercher à obtenir la «clip» du jour qui fera la manchette à l’ouverture des bulletins de nouvelles.
Vous savez toutes et tous que vous devrez faire des compromis pour en arriver à une entente. Alors, mettez sur la table vos offres et vos demandes finales et entendez-vous au plus sacrant pour que celles et ceux qui paient vos salaires puissent recevoir les services auxquels ils sont en droit de s’attendre.
Chu Tanné!
Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine aux négociateurs syndicaux et gouvernementaux :
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