Quand le jugement prend le bord (2)
Pier Dutil
Il y a à peine deux semaines, ma chronique faisait état de cas où des personnalités publiques avaient fait preuve de manque de jugement dans leurs agissements.
Encore cette semaine, l’actualité nous a placés face à de nouveaux cas où le jugement semble avoir pris le bord. J’ose espérer que ce n’est pas une mode qui est en train de se développer.
Magali Picard
Alors que les membres de la FTQ sont impliqués dans des négociations ardues avec le Gouvernement du Québec et qu’ils s’apprêtent à faire la grève, Magali Picard, la Présidente de la FTQ, a décidé de quitter le Québec pour une semaine afin de participer à la COP 28, la conférence sur les changements climatiques, à Dubaï, aux Émirats arabes unis.
Son séjour fut de très courte durée puisque la grogne ressentie dans la population et auprès de ses membres a pris des proportions qui ne laissaient d’autres choix à Madame Picard que de rentrer au pays OPC.
Pour justifier son passage à Dubaï, la Présidente de la FTQ a mis de l’avant les préoccupations de sa centrale syndicale pour la lutte contre les changements climatiques, ce qui est tout à fait légitime.
Mais, à choisir entre être présente à une conférence internationale annuelle où l’on dénombre quelque 70 000 participants et rester près de ses membres, celles et ceux qui paient son salaire, alors qu’ils se battent pour améliorer leurs conditions de travail, il me semble que la décision était facile à prendre.
Madame Picard est rapidement rentrée au bercail, mais ce n’est pas par esprit de solidarité avec ses membres. C’est uniquement parce que la grogne généralisée ne lui a pas laissé le choix. Ce manque de jugement lui collera à la peau longtemps, jetant un doute sur sa faculté de jugement.
La Fédération autonome de l’enseignement (FAE)
Les dirigeants et les quelque 65 500 membres de la FAE ont opté pour la grève générale illimitée et boycottent les cours depuis plus d'une semaine. Même si les négociations semblent progresser, au moment d’écrire ces lignes, les syndiqués ont décidé de maintenir leur débrayage.
Il importe de préciser que durant ces jours de grève, les membres ne touchent aucune rémunération. On a choisi de faire la grève à ses frais.
Cette décision est tout à fait légitime et les syndiqués l’ont prise en toute connaissance de cause. Cela dénote à quel point ils sont déçus de leurs conditions de travail et des offres actuelles.
Cependant, je m’interroge sur la pertinence de la FAE de tenir seule ce combat, alors que les autres syndicats impliqués dans les négociations ont opté pour des débrayages sporadiques qui pénalisent moins leurs membres financièrement.
Lorsque les négociations aboutiront à une entente, et cela finira par arriver, les membres de la FAE obtiendront les mêmes conditions que les autres syndiqués du secteur de l’enseignement. Ils n’obtiendront pas plus parce qu’ils ont fait la grève générale illimitée. Et si cette grève devait durer encore quelques semaines, les syndiqués affiliés à la FAE pourraient se retrouver dans une position financière précaire qui ne pourra être corrigée par les augmentations salariales obtenues.
Mais, comme je le mentionnais précédemment, les membres de la FAE ont pris leur décision en connaissance de cause. À eux de l’assumer présentement.
Québec solidaire
Lors de leur récent congrès, les membres de Québec solidaire ont adopté une résolution qui fait jaser.
La résolution en question stipule que, lors d’éventuelles élections partielles à venir, Québec solidaire s’engage à ne présenter que des candidatures féminines.
Si tu es un militant au sein de QS et que tu y milites depuis plusieurs années, si tu as toutes les aptitudes pour devenir Député et si tu as le goût de te présenter à une éventuelle élection, oublie ça si tu es un homme.
Les membres de QS d’un comté pourront continuer à choisir leur candidate, mais désormais, le choix devra être fait uniquement parmi des candidatures féminines. Il n’y a plus de place pour un mâle.
Pour justifier cette décision, les dirigeants et les membres de QS disent vouloir atteindre la parité entre hommes et femmes au sein de leur caucus. Présentement, sur les 12 Députés que compte QS à l’Assemble nationale, on retrouve huit hommes et quatre femmes.
Viser la parité des sexes au sein de son caucus est une intention tout à fait légitime pour QS, mais est-ce que cela doit se faire en interdisant aux hommes d’être candidats?
Une fois de plus, on parle de discrimination positive, comme si ces deux mots pouvaient aller ensemble. Personnellement, je ne connais aucune discrimination qui puisse être positive.
Une première femme a fait son entrée à l’Assemblée nationale en 1961. Il s’agissait de Claire Kirkland Casgrain. À l’élection d’octobre 2022, 58 femmes ont été élues Députées, ce qui représente une proportion de 46,4 % des 125 membres de l’Assemblée nationale. On est sur le point d’atteindre la parité et c’est bien ainsi. Mais cette progression ne s’est pas effectuée en éliminant les candidatures masculines.
Selon moi, il y a une différence entre favoriser et imposer des candidatures féminines et c’est là que la résolution des membres de QS dépasse les bornes.
Pensée de la semaine
En cette période où le jugement semble trop souvent faire défaut, je nous dédie, à toutes et tous, la pensée de la semaine :
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