D'une paye à l'autre
Pier Dutil
Un sondage Léger, publié récemment, indiquait qu’une proportion de plus en plus importante de consommateurs canadiens et québécois vit d’une paye à l’autre.
Comme moi, vous pouvez constater de semaine en semaine que tout coûte plus cher. Et, malheureusement, je ne vois pas le jour où la situation s’améliorera.
Tout coûte plus cher
Depuis deux ans, le taux d’inflation au Canada atteint des sommets que l’on n’avait pas connus depuis une quarantaine d’années.
Selon Statistique Canada, sur deux ans, l’inflation atteint 11,3 % au pays. Cela signifie que ce que l’on payait 100 $ nous coûte aujourd’hui 111,30 $. Il s’agit là d’une moyenne.
Certains biens et services ont connu des hausses de beaucoup supérieures. Ainsi, le prix de l’essence est en hausse de 23,1 %, l’alimentation coûte 18,5 % de plus et le logement vient chercher dans nos poches 11,6 % de plus.
Et, si vous avez eu le malheur d’avoir contracté une hypothèque à taux variable au cours des dernières années, votre paiement mensuel pourrait avoir augmenté de 37,2 %. Cela représente plusieurs centaines de dollars de plus à chaque mois.
Finalement, que ce soit pour manger, se loger et se déplacer, il nous en coûte beaucoup plus cher.
Si les consommateurs étaient parvenus à faire des économies durant la pandémie alors que les sorties étaient limitées au minimum et que les Gouvernements fédéral et provincial avaient mis de l’avant des programmes pour soutenir l’économie en versant de l’argent aux consommateurs, ces économies ont vite fondu depuis.
Attendre sa paye
Le sondage Léger, dont j’ai fait mention au début de cette chronique, indiquait que 47 % des Canadiennes et des Canadiens vivent d’une paye à l’autre. À 38 %, cette proportion est un peu moins prononcée auprès des Québécoises et des Québécois, mais il s’agit là d’une proportion importante de la population dont les finances sont précaires.
Dans un article du Journal de Québec du 10 septembre dernier, les journalistes Francis Halin et Martin Jolicoeur traitaient de travailleuses et travailleurs qui disaient devoir occuper un deuxième emploi pour finir par joindre les deux bouts. Au Canada, ils seraient environ un million dans cette situation.
Jusqu’à tout récemment, le manque de main-d’œuvre vécu dans la plupart des entreprises permettait aux travailleurs de facilement se trouver un deuxième boulot.
Mais, on commence à ressentir un certain ralentissement dans plusieurs secteurs et la pénurie de main-d’œuvre devient soudainement moins alarmante. Alors que l’on comptait 212 100 emplois disponibles à la fin du premier trimestre de 2023 au Québec, le nombre était passé à 195 700 à la fin du deuxième trimestre, une diminution de 16 400. Tout porte à croire qu’un deuxième emploi sera bientôt plus difficile à trouver.
Et les salaires?
Toujours selon Statistique Canada, si l’inflation a atteint 11,3 % sur deux ans, les salaires moyens ont connu une hausse de 10,3 %. Là encore, il s’agit d’une moyenne. La différence de 1 % peut nous sembler minime, mais elle représente tout de même un appauvrissement pour les travailleurs.
Et que dire des centaines de milliers de retraités dont les fonds de retraite ne sont pas indexés? Plusieurs d’entre eux doivent se serrer la ceinture.
Lors d’une rencontre récente avec un entrepreneur du domaine de la restauration et de l’hôtellerie, ce dernier me confiait que, depuis quelques mois, ses employés, payés aux deux semaines, avaient fait une demande pour que la paye leur soit désormais versée à toutes les semaines.
Quant aux employés qui travaillent sur une base temporaire durant deux ou trois jours par semaine, il se sont informés à savoir s’il serait possible d’être payés à tous les jours. Un chausson avec ça?
Si l’économie ralentit et que le chômage augmente, on devra s’attendra à des lendemains difficiles.
Réduire ses achats
La situation présente oblige les consommateurs à faire des choix. Les sommes supplémentaires que l’on doit consacrer à l’hypothèque, à l’alimentation et à l’essence, pour ne mentionner que ces trois secteurs, ne sont plus disponibles pour d’autres achats.
Des propriétaires de commerces d’alimentation constatent déjà une diminution de la valeur du panier d’épicerie. Les gens se privent de certaines denrées, achètent davantage les marques maison et fréquentent de plus en plus les magasins à escompte comme Dollarama.
Malheureusement, comme c’est toujours le cas lors des crises économiques, ce sont toujours les plus vulnérables qui souffrent davantage.
Au Canada, comme au Québec, les banques alimentaires voient leur clientèle augmenter et leurs denrées diminuer. Ça n’annonce rien de bon.
Il n’est donc pas surprenant de constater que, selon un sondage récent de la Banque Royale, l’incertitude financière est devenue la principale préoccupation des Canadiennes et des Canadiens
Évidemment, comme toute autre crise économique antérieure, on finira par passer à travers, mais cela ne se fera pas sans victimes.
Si vous trouvez le temps long de ce temps-ci, passez à votre institution financière et empruntez 100 000 $. Vous verrez comme les mois passent vite.
Pensée de la semaine
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