Menteurs ou incompétents
Pier Dutil
MENTEURS OU INCOMPÉTENTS
Ça ne vole pas haut à Ottawa de ce temps-ci.
Des ministres disent ne pas avoir été informés sur des sujets importants, des fonctionnaires prétendent ne pas avoir reçu des courriels et des documents à transmettre à leurs patrons et des dirigeants de la sécurité canadienne affirment avoir bel et bien informé les ministères impliqués au sujet de dossiers litigieux.
On se croirait revenu au temps de l’émission télévisée «Qui dit vrai?»
Un ministre contredit
Dans le dossier de l’ingérence chinoise dans le processus électoral canadien, dossier qui ne cesse de rebondir, le ministre de la sécurité publique en poste à l’époque, Bill Blair, a nié avoir été informé au sujet des tentatives d’intimidation effectuées par le parti communiste chinois sur le député conservateur Michael Chong et sur les membres de sa famille qui habitent Hong Kong. M. Blair a même ajouté avoir pris connaissance de cette affaire dans les journaux.
Or, lors de sa comparution devant une commission parlementaire, le patron du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), David Vigneault, a contredit le ministre affirmant : «Le SCRS, et spécifiquement moi, avons partagé l’information au ministère de la Sécurité publique avec la directive très précise de la partager avec le ministre.»
Difficile d’être plus clair. M. Vigneault s’implique personnellement en déclarant : «… spécifiquement moi…»
À partir de cette affirmation, qui vient nettement en contradiction avec les propos de Bill Blair, il n’existe que deux possibilités : ou bien les employés du cabinet du ministre Blair ont décidé de ne pas informer leur ministre malgré la recommandation du SCRS, ou bien le ministre a été informé et refuse de l’admettre.
Un autre cas
Au cours des derniers jours, le cas du transfert d’une prison ontarienne à sécurité maximale à une prison québécoise à sécurité moyenne du prisonnier Paul Bernardo, un dangereux tueur et violeur, a mis à mal le nouveau ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.
Ce dernier a affirmé ne pas avoir été informé de ce transfert. Or, encore là, il a été clairement prouvé que le personnel des bureaux du premier ministre Trudeau et du ministre Mendicino avait été informé depuis des mois.
Comme dans le cas cité précédemment, nous nous retrouvons avec les deux mêmes options. Ou bien et ou bien…
À la défense du ministre Mendicino dans cette affaire, ce dernier ne pouvait intervenir dans la décision de transférer Bernardo d’une prison à un autre, décision qui relève de l’autorité des pénitenciers canadiens. En prenant connaissance de cette répartition des pouvoirs, on est encore plus en droit de se demander pourquoi on tente de nier avoir reçu l’information, une information somme toute plutôt banale dans les circonstances.
Modus operandi
Ces jeux de cache-cache semblent être devenus un modus operandi, une façon de faire, au sein du Gouvernement Trudeau.
La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, prétendait ne pas avoir pris connaissance d’un courriel l’informant que l’un de ses employés prévoyait assister à une réception à l’ambassade russe à Ottawa alors que le Gouvernement canadien est en froid avec la Russie à cause de l’invasion russe en Ukraine.
Également, un courriel raté par le bureau du ministre du Développement international, Harjit Sajjan, lors de l’évacuation d’employés canadiens de l’Afghanistan, courriel qui l’informait que la sénatrice Marilou McPhedran distribuait des documents de voyage non conformes à des Afghans.
Enquête publique à venir
Suite à la démission du rapporteur spécial de Justin Trudeau, David Johnston, dans l’affaire de l’ingérence du Gouvernement chinois, il faut s’attendre à ce que l’on accepte finalement la tenue d’une enquête publique. C’est ce que l’on peut conclure suite aux récents propos du ministre des Affaires intergouvernementales, de l’infrastructure et des Collectivités, Dominique Leblanc, propos relatifs à des noms de personnes susceptibles de présider une telle enquête.
Le bureau du premier ministre Trudeau pourrait se retrouver dans l’eau chaude à ce moment. Alors que Justin Trudeau disait ne pas avoir été mis au courant d’informations nombreuses transmises par le SCRS, sa cheffe de cabinet, Katie Telford, lors de sa comparution devant le comité de la procédure et des affaires de la Chambre des Communes, déclarait ne jamais rien cacher au premier ministre. Comme dans les autres cas cités dans cette chronique, ou bien, ou bien…
Trudeau en porte-à-faux?
Suite à toutes ces affaires qui ne cessent de hanter le Gouvernement libéral, se pourrait-il que la position de Justin Trudeau soit menacée?
Justin Trudeau n’est pas parvenu à faire élire un Gouvernement libéral majoritaire au cours des deux dernières élections. Présentement, les sondages indiquent clairement que les Conservateurs de Pierre Poilièvre devancent les Libéraux suffisamment pour espérer une victoire tout au moins minoritaire.
Les grands bonzes du parti libéral ont commencé à s’agiter dans les coulisses et il est présentement possible d’entendre des commentaires suggérant un changement de chef. Pour l’instant, ces commentaires se font sous le sceau de la confidentialité, mais il n’y a jamais de fumée sans feu.
Même si Justin Trudeau affirme haut et fort qu’il dirigera les troupes libérales au prochain scrutin, le tapis pourrait lui glisser sous les pieds. Prochainement, il pourrait tenter de sauver sa position en procédant à un remaniement ministériel, mais un simple jeu de chaises musicales ne suffit pas à rendre compétents des ministres incompétents.
La session parlementaire doit normalement prendre fin cette semaine, mais je ne crois pas que cela sera suffisant pour éteindre les nombreux incendies allumés par les mensonges et/ou l’incompétence manifestes de nos dirigeants à Ottawa.
A force d’être pris pour des valises, les Canadiennes et les Canadiens sont en droit de se demander si le pays est gouverné par des menteurs ou des incompétents.
Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine aux dirigeants politiques fédéraux :
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