Bande de pas civilisés!
Pier Dutil
BANDE DE PAS CIVILISÉS!
Un phénomène relativement nouveau prend de plus en plus d’importance dans le monde de la restauration et auprès des professionnels de la santé.
Il s’agit du «no show», soit le fait que des personnes ne se présentent pas aux restaurants ou dans les clinique médicales après avoir fait une réservation ou avoir pris un rendez-vous.
Dans les restaurants
Tout au long de la pandémie, les restaurants du Québec ont été fortement malmenés. On les fermait, on les ouvrait en limitant le nombre de convives, on les fermait à nouveau puis on les ouvrait encore en exigeant que les clients possèdent un passeport vaccinal. Comme résultat, plusieurs propriétaires ont choisi de fermer définitivement, alors que d’autres ont choisi de se battre pour survivre.
Pendant ce temps et depuis un retour à la normale, le monde de la restauration doit affronter un nouveau problème qui ne cesse de croître : les clients qui ne se présentent pas après avoir fait une réservation. Et cela sans prévenir.
Je comprends qu’un évènement perturbateur peut survenir et modifier les plans d’un client. Mais, dans un tel cas, la moindre des choses à faire consiste à aviser le restaurateur de son absence.
L’Association Restauration Québec (ARQ) publiait récemment des chiffres troublants. Suite à un sondage auprès de ses membres, l’organisme indiquait que 32,9 % de ses membres vivaient cette situation fréquemment, alors que 44,5 % étaient confrontés à ce problème à l’occasion. Seulement 2,8 % des restaurateurs déclaraient n’avoir pas eu à subir un tel désagrément.
Pour les propriétaires de restaurants, les impacts sont importants. Il y a d’abord une perte de revenus. Les places réservées non respectées ne peuvent être comblées par d’autres clients à brûle- pourpoint. Si le restaurant devait être rempli, il est probable que l’on ait dû refuser des réservations à d’autres clients qui auront choisi d’aller ailleurs.
De plus, le propriétaire qui s’attendait à accueillir un nombre précis de clients a embauché du personnel et a préparé un menu en conséquence. Ce sont là des frais irrécupérables, une perte sèche. Toujours selon l’ARQ, dans certains cas, les pertes peuvent être évaluées à plusieurs centaines de dollars par semaine, voire même à plus de 1 000 $ dans certains cas.
Pourtant, il suffirait de deux minutes pour passer un coup de fil et annuler sa réservation et tout le monde s’en porterait mieux.
Malheureusement, les restaurateurs n’ont pas le droit d’exiger des frais d’annulation car, selon l’Office de Protection du Consommateurs, «nul n’est censé se faire justice soi-même.» Admettez avec moi que c’est frustrant.
Au mieux, le restaurateur peut mettre le nom de certains récidivistes sur une liste noire qui lui permettra de ne plus accepter de réservations provenant de ces clients non fiables.
Dans les cliniques médicales
Le phénomène «no show» n’affecte pas que les restaurants. Depuis un certain temps, les cliniques médicales font également face à ce problème.
Nous savons tous à quel point il est difficile d’obtenir un rendez-vous auprès de son médecin de famille. Pourtant, tel que rapporté par Le Soleil et Radio-Canada récemment, la Fédération des Médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) faisait état de plus de 177 000 rendez-vous annulés entre avril 2021 et décembre 2022. Et cela n’est que la pointe de l’iceberg puisque seulement le tiers des quelque 6 000 médecins ont publié des données à cet effet.
La FMOQ affirme que plus de 20 000 clients annulent leurs rendez-vous sur une base mensuelle dans les cliniques médicales du Québec. On qualifie ce phénomène de véritable «fléau».
Chez les médecins spécialistes, le problème existe également et près de 10 % des rendez-vous pour une consultation ne sont pas respectés. Il en est ainsi pour certains examens dans les hôpitaux.
Et pendant ce temps-là, des centaines, voire des milliers de malades attendent pour un rendez-vous. Dans le cas des cliniques médicales, on a le droit d’exiger des frais d’annulation et certaines le font.
Ça se fait aussi ailleurs
N’allez surtout pas croire que cette mauvaise habitude ne se retrouve que dans les restaurants et dans les cliniques médicales.
C’est également le cas chez les coiffeuses, les esthéticiennes, les garagistes-mécaniciens, les optométristes, etc. Quand j’entends les gens se plaindre de la difficulté à avoir des rendez-vous auprès de professionnels ou de préposés à certains services et que j’apprends qu’une bande de pas civilisés n’honorent pas leurs rendez-vous et n’osent pas en aviser les responsables, les quelques cheveux qui me restent sur le ciboulot se dressent.
J’aimerais connaître un ou une de ces pas civilisés.es pour lui soumettre la situation suivante : Si tu m’invites à souper chez toi et que j’accepte ton invitation, tu vas acheter des denrées, peut-être même une bonne bouteille de jus de raisin alcoolisé, tu vas cuisiner et faire tout en ton pouvoir pour m’accueillir agréablement. Et si, sans t’aviser, pour une raison ou une autre, je décidais de ne pas me présenter à l’heure convenue, est-ce que tu m’inviterais à nouveau? Poser la question, c’est y répondre.
J’ose espérer que le «no show» n’est pas appelé à se répandre et que la bande de pas civilisés qui l’utilisent auront un jour à en payer le prix. Il suffirait d’un minimum de savoir-vivre pour que ce phénomène se résorbe. Mais pour que cela se produise, il faudra que l’on cesse de se concentrer sur son nombril et que l’on fasse preuve de respect envers les autres.
Permettez-moi de rêver...
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Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine aux victimes du «no show» :
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