Une bombe s'abat sur Vallée-Jonction
Pier Dutil
UNE BOMBE S’ABAT SUR VALLÉE-JONCTION
La rumeur courait depuis un certain temps déjà, mais on n’osait y croire. Pourtant, vendredi dernier, le couperet est tombé lorsque le président d’Olymel, Yanick Gervais, a annoncé la fermeture définitive de l’usine de Vallée-Jonction, semant la consternation chez les 994 employés et dans la communauté beauceronne.
Manque de classe
La direction d’Olymel a fait preuve d’un manque de classe peu commun lors de l’annonce de cette nouvelle. D’abord, on a laissé fuir la nouvelle la veille dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ainsi, les employés ont appris la perte de leurs emplois dans les médias.
Deuxièmement, on n’a pas eu la décence d’aviser le syndicat représentant les employés comme cela se fait généralement dans de telles circonstances. Et, finalement, aucun dirigeant d’Olymel n’a daigné se présenter à Vallée-Jonction vendredi. On s’est contenté d’annoncer la nouvelle au siège social de l’entreprise à St-Hyacinthe.
Aucune rencontre d’un haut dirigeant avec les employés, aucune rencontre avec les médias régionaux et aucune rencontre avec la Mairesse et les Députés du coin. Franchement, l’aspect relation publique laisse grandement à désirer à la haute direction d’Olymel.
Pourtant, on devrait commencer à avoir de l’expérience dans l’annonce de fermeture d’usines chez Olymel puisqu’en un peu plus d’un an, on en est à la quatrième fermeture après celles de Laval, de Blainville et de St-Hyacinthe.
Pourquoi ?
Quand un tel drame survient, on se demande toujours pourquoi et on cherche des coupables. Dans le cas qui nous concerne, les raisons sont multiples.
Le marché mondial du porc a subi d’importantes modifications au cours des dernières années. La Chine est devenue un très important producteur pour satisfaire ses propres concitoyens, réduisant ainsi ses importations. La Russie a cessé ses importations en réaction aux mesures de boycottage prises à son égard par le Canada suite à l’invasion de l’Ukraine.
L’usine de Vallée-Jonction devenait de plus en plus désuète et, pour la remettre aux exigences du jour, il aurait fallu y investir quelque 40 millions de dollars (40 M$).
En 2021, les employés ont tenu une grève de quatre mois qui s’est résolue avec une importante augmentation des salaires. Il importe de mentionner qu’en 2005, les employés de Vallée-Jonction avaient consenti des diminutions de salaires et des conditions du fonds de pension pour aider l’entreprise en difficulté.
Comme un peu partout ailleurs, l’usine peinait é recruter du personnel. Au cours des derniers 16 mois, l‘entreprise a perdu 230 employés. Alors que la capacité d’abattage était de 35 000 porcs par semaine, on n’en abattait plus que 28 000. Même si on était parvenu à embaucher un peu plus d’une centaine de travailleurs étrangers, cela ne suffisait pas.
Enfin, au cours des deux dernières années, Olymel a perdu plus de 400 MS. Une telle situation exige des mesures correctives qui font mal. Une entreprise ne peut perdre de l’argent à chaque année et continuer ses opérations comme si de rien n’était. L’entreprise a investi plusieurs millions de dollars pour améliorer la productivité de certaines usines qui demeurent en production à Yamachiche, à L’Ange-Gardien et à St-Esprit. Rappelons qu’Olymel est responsable de l’abattage de 80 % des porcs au Québec.
Des victimes multiples
Une fermeture d’usine affecte d’abord et avant tout ses employés qui perdent leur gagne-pain. La fermeture de l’usine de Vallée-Jonction se fera en deux temps. Le quart du soir prendra fin le 15 septembre, alors que le reste des opérations cessera le 22 décembre. Tout un cadeau de Noël !
Les producteurs de porc de la région subiront eux aussi un impact négatif. En effet, ils devront envoyer leurs porcs dans des usines plus éloignées, ce qui contribuera à accroître les coûts de transport. Quand on sait que les producteurs de porcs sont déjà dans une situation précaire, la moindre augmentation des coûts prend une grande importance.
À part les employés et les producteurs de porcs, il y aura d’autres victimes collatérales. Je pense ici, entre autres, aux fournisseurs de l’usine, aux commerces de Vallée-Jonction, à la municipalité de quelque 1 900 habitants. On dit que pour chaque emploi direct à l’usine, on compte près de trois emplois indirects dans la région. C’est une masse salariale de plusieurs dizaines de millions de dollars qui disparaîtra d’ici la fin de 2023.
La fermeture de cette usine est donc une catastrophe pour Vallée-Jonction et la Beauce. Déjà que la municipalité avait été frappée par la fermeture d’une importante entreprise en 1991, soit Les Souliers La Vallée inc, anciennement connue sous l’appellation Valley Shoe.
Que nous réserve l’avenir ?
Une fois le choc absorbé, il faudra se tourner vers l’avenir afin de trouver des solutions visant à amoindrir les impacts de cette fermeture.
Même si l’entreprise dit qu’elle offrira des plans de relocalisation pour des employés de Vallée-Jonction qui seraient intéressés à aller combler les quelque 700 postes vacants dans d’autres usines, ce n’est pas tout le monde qui souhaite déménager sa famille.
Les milliers de postes vacants dans les usines beauceronnes pourraient attirer les travailleurs d’Olymel. Mais cela implique recommencer ailleurs dans des conditions parfois désavantageuses. Avec un taux de chômage de moins de 2 % en Beauce, les possibilités de trouver un nouvel emploi existent réellement.
Comptant un peu moins de 2 000 habitants, la municipalité de Vallée-Jonction pourrait subir un certain exode de sa population, ce qui affecterait également les commerces locaux. Rappelons que l’usine d’Olymel rapporte aux environs de 100 000 $ annuellement en taxes foncières.
Finalement, on peut se questionner à savoir s’il y aura un jour un ou des repreneurs pour l’usine actuelle. Même si on parvenait à créer une certaine activité industrielle dans l’usine, on sera bien loin des 994 emplois perdus.
Les Beaucerons ont la réputation de savoir se serrer les coudes dans l’adversité. La région a longtemps été considérée comme la paradis de la PME et on était même allé jusqu’à la qualifier de «Petit Japon québécois» il y a quelques dizaines d’années.
Espérons que les forces vives de la région, supportées par les pouvoirs publics, sauront se mobiliser pour surmonter cette difficile épreuve et réduire au minimum les impacts négatifs.
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Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine à toutes les victimes directes et indirectes de la fermeture de l’usine d’Olymel à Vallée-Jonction :
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