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Lettres aux chefs de partis

durée 18h00
4 octobre 2022
duréeTemps de lecture 5 minutes
Par
Pier Dutil

LETTRES AUX CHEFS DE PARTIS

Au moment d’écrire cette chronique à l’aube mardi matin, l’écrasante victoire de la CAQ, accompagnée d’un morcellement jamais vu des partis d’opposition, indique clairement que notre système électoral uninominal à un tour laisse grandement à désirer. *

MONSIEUR LEGAULT

Permettez-moi d’abord de vous féliciter pour votre éclatante victoire. L’élection de 90 Députés vous accorde une majorité permettant de diriger l’État québécois sans risques.

Mais cette victoire, elle comporte des éléments que vous ne devrez pas ignorer. En ne faisant élire qu’une seule Député caquiste sur l’île de Montréal, cela signifie que près de la moitié de la population du Québec ne vous a pas soutenu. Le Québec est donc profondément divisé. Je comprends que cela n’est pas de votre faute, car les Montréalais étaient libres de choisir des candidats caquistes eux aussi. Cependant, en tant que Premier Ministre, vous devrez trouver le moyen de vous rapprocher des Montréalais.

Lors de votre discours de victoire, vous vous êtes présenté comme un rassembleur, allant même jusqu’à avancer que vous souhaitez travailler en étroite collaboration avec les partis d’opposition. J’ose espérer que vos bottines suivront vos babines.

Après les célébrations résultant de votre éclatante victoire, la gestion de votre équipe ne sera pas nécessairement facile. Tous vos Ministres ont été réélus et s’attendent probablement à retrouver leur limousine. Mais vous avez recruté des candidatures vedettes qui sont élues et qui, elles aussi, aspirent à un poste au sein du cabinet. Ça fait beaucoup de monde à satisfaire. Et un Député vedette qui se retrouve sur les banquettes arrière, ça risque de manifester son mécontentement à l’occasion. La gestion de votre énorme caucus pourrait représenter tout un défi.

Mais, au lendemain de votre victoire, je ne voudrais pas être rabat-joie. Je vous souhaite un fructueux mandat.

MADAME ANGLADE

En rentrant dans vos terres hier soir, je vous ai presque entendu pousser un «OUF» tonitruant. D’abord, vous avez réussi à sauver votre siège, ce qui n’était pas acquis. Puis, votre parti maintient son statut d’opposition officielle, ce qui doit vous rassurer.

Mais ces deux éléments de consolation ne doivent pas vous faire oublier que, sous votre direction, le PLQ a connu sa pire performance depuis plus de 70 ans. Et au parti libéral, un chef perdant n’a pas une espérance de vie très longue. 

Autre élément inquiétant pour vous et votre parti, à l’exception des comtés de Pontiac et de La Pinière, tous vos Députés se retrouvent sur l’île de Montréal, principalement dans l’ouest dans des comtés identifiés aux anglophones qui votent rouge depuis presque toujours. Votre parti a été largement boudé dans tout le reste du Québec.

Tout un défi vous attend pour tenter de reconstruire le PLQ, le seul parti toujours existant au Québec depuis la Confédération. Je vous conseille de longer les murs afin d’éviter les poignards dans le dos que certains libéraux n’hésiteront pas à vous lancer.

GABRIEL NADEAU-DUBOIS

Malgré une bonne campagne et l’élection d’un Député de plus qu’en 2018, le taux de voix obtenu a reculé d’un pourcent. De plus, sur les 11 Députés élus huit sont de Montréal, deux de Québec et un seul (Sherbrooke) est en région.

Il semble que votre programme ne parvient pas à attirer plus d’électeurs. Les Québécoises et les Québécois ne se reconnaissent pas dans une gauche extrême. Votre rêve de former l’opposition officielle ne s’est pas réalisé et le réveil pourrait être brutal.

Au cours des quatre prochaines années, vous devrez vous mettre à l’écoute des électeurs des diverses régions du Québec et adapter votre programme afin d’éviter de demeurer un tiers-parti.

PAUL ST-PIERRE PLAMONDON

Ceux qui avaient annoncé la mort du PQ devront patienter. Presque méconnu au début de la campagne, vous avez su piloter avec habileté, menant l’une des meilleures campagnes parmi tous les chefs de parti. 

D’accord, votre élection dans Camille-Laurin tient probablement au fait que la candidate de Québec solidaire a été «démissionnée», mais l’important, c’est que vous serez présent à l’Assemblée nationale au cours des quatre prochaines années. Et vous serez accompagné de deux de vos Députés. 

Reste à savoir si les autres partis sauront faire preuve d’une certaine grandeur d’âme en vous accordant un statut spécial vous permettant d’intervenir lors de la période des questions et d’obtenir un financement approprié.

Pour l’instant, vous êtes parvenu à garder le PQ en vie, mais il me faut admettre que le patient est toujours sous respirateur artificiel aux soins intensifs. Vous disposez de quatre ans pour le sortir de l’hôpital.

ÉRIC DUHAIME

Comme prévu, vous êtes le seul chef qui n’est pas parvenu à se faire élire dans son comté. Malgré la désolation, il importe de reconnaître que vous avez fait franchir tout un bond au PCQ en récoltant 13 % des voix, alors qu’en 2018, il avait dû se contenter d’un faible 1.5 %.

En ne disposant d’aucun Député à l’Assemble nationale, il vous sera beaucoup plus difficile d’assurer une présence du PCQ dans l’actualité sur une base régulière. Mais j’imagine que votre talent de communicateur vous permettra de trouver une solution.

De votre côté, le défi se situe au niveau du recrutement d’un électorat qui ne se limite pas aux mécontents, aux complotistes, aux opposants aux mesures sanitaires. Ce sont là des éléments négatifs. Vous devrez mettre de l’avant des éléments de votre programme qui pourraient soulever de l’enthousiasme auprès des électeurs qui ne voudraient pas se contenter d’exprimer un vote négatif.

UN SYSTÈME ÉLECTORAL INEFFICACE 

J’aurai l’occasion ultérieurement de revenir sur notre système électoral uninominal à un tour qui, comme on est à même de le constater ce matin, donne lieu à des incongruités qui, à la longue, pourraient menacer notre démocratie.

Avec 41 % des votes et 72 % des Députés, j’aimerais rappeler à François Legault qu’en 1973, Robert Bourassa a fait élire 92,7 % des Députés avec 55 % des votes et que, quatre ans plus tard, il ne faisait élire que 23,6 % des Députés avec 33,8 % des votes. 

BEAUCE-SUD ET BEAUCE-NORD

Pour l’instant, il semble que les comtés de Beauce-Sud et de Beauce-Nord auront résisté à la vague conservatrice qui a déferlé sur notre région.

Si un recomptage judiciaire aura probablement lieu dans Beauce-Nord, je ne prévois pas que cela se produise dans Beauce-Sud.

Mais les majorités de 425 votes de Samuel Poulin et de 202 de Luc Provençal, si elles sont maintenues, indiquent tout un bouleversement par rapport aux énormes majorités de 2018 (13 978 dans Beauce-Sud et 14 388 dans Beauce-Nord.)

*Notez que le nombre de Députés élus pour chacun des partis pourrait varier au cours des prochaines heures.
 

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PENSÉE DE LA SEMAINE

En ce lendemain d’élection, je dédie la pensée de la semaine aux candidates et candidats élu.es ou défaits.es :

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