Les jeux sont-ils faits?
Pier Dutil
LES JEUX SONT-ILS FAITS?
Préparez-vous car, que vous aimiez ou non la politique, vous allez en entendre parler au cours des 35 prochains jours au Québec suite au déclenchement de l’élection en vue du scrutin du 3 octobre prochain.
À en croire le sondage Léger publié dans le Journal de Québec et le Journal de Montréal samedi de même que les prévisions du site Québec 125, on serait porté à croire que les jeux sont faits et que nous assisterons à une victoire facile de la CAQ de François Legault.
Personnellement, je préfère me garder une petite gêne avant de proclamer un gagnant. Mes études en science politique et mon intérêt pour les campagnes électorales depuis une soixantaine d’années m’ont appris que tout peut arriver au cours d’une élection. Il suffit du dérapage d’un chef ou d’un candidat, d’une glissade sur une pelure de banane pour que le courant s’inverse. J’ai trop souvent vu un parti en tête dans les sondages lors du déclenchement de la campagne électorale se faire devancer et se retrouver dans l’opposition le soir du scrutin.
À la dissolution de l’Assemblée nationale hier, la position des partis était la suivante : CAQ : 76 députés, PLQ : 27, QS : 10, PQ : 7 et PCQ : 1.
CAQ
Depuis son élection en 2018, le parti de François Legault n’a cessé de dominer dans les sondages. Il est très rare de voir un parti demeurer le favori auprès de l’électorat durant ses quatre années au pouvoir.
Élu avec un programme ambitieux, la CAQ a vu son agenda lourdement perturbé par la pandémie due à la COVID-19, cela à peine 18 mois après son élection. La gestion de la pandémie est devenue prioritaire et a pris presque toute la place, bousculant également l’agenda des partis d’opposition.
Le défi qui guette la CAQ dans la présente élection est de vouloir adopter une position défensive avant tout, évitant les faux pas. Dans les semaines qui ont précédé le déclenchement de l’élection, François Legault a fait preuve d’arrogance à plusieurs occasions, refusant de participer à une rencontre des chefs avec des jeunes et en rejetant l’invitation de plusieurs médias qui voulaient rencontrer chacun des chefs.
Monsieur Legault devrait savoir qu’un parti qui commence la campagne au sommet des sondages risque de connaître une baisse de popularité. Et quand ça commence à baisser, personne ne sait où cela s’arrêtera. Évidemment, la situation actuelle fait en sorte que la CAQ tire une grande partie de sa force dans la faiblesse et la division des oppositions. Mais cela ne suffit pas pour garantir la victoire.
PLQ
La situation du PLQ est presque triste à voir. Sa cheffe, Dominique Anglade, ne parvient pas à s’imposer. Avec seulement 7 % d’appui auprès de l’électorat francophone et une certaine insatisfaction auprès de ses alliés traditionnels anglophones, les 35 prochains jours risquent d’être un vrai calvaire pour la cheffe libérale.
Les nombreux députés libéraux qui ont décidé de ne pas se représenter devaient permettre à Madame Anglade de renouveler l’image du parti. Or, le recrutement de nouveaux candidats et candidates n’a pas été facile et les vedettes se font rares.
De plus, la situation financière du parti est à ce point critique que le PLQ a dû hypothéquer deux de ses immeubles pour plus de 4 M $ afin d’avoir les fonds nécessaires au financement de la campagne.
Elle-même menacée dans son comté, Dominique Anglade est en position précaire. Les analystes politiques se demandent même si le parti sera en mesure de former l’opposition officielle le 3 octobre prochain.
QS
Chez Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois s’est autoproclamé la véritable opposition officielle à l’Assemblée nationale au cours du dernier mandat.
Malgré tout, le parti plafonne dans les sondages. Sa clientèle se retrouve principalement auprès des 18-34 ans, mais c’est également la clientèle qui vote le moins.
Au cours des derniers mois, Nadeau-Dubois a tenté d’amenuiser les propositions radicales de gauche de son parti pour le rendre plus acceptable à l’ensemble des électeurs, mais cela a créé du mécontentement auprès de l’aile d’extrême gauche, un groupe qui s’identifie comme «collectif antiraciste décolonial».
Pour maintenir son nombre de députés et espérer faire des gains, QS devra attirer une nouvelle clientèle sans déplaire à son électorat de base, soit la gauche québécoise.
PQ
Tout porte à croire que les jours du PQ sont comptés. Son nouveau chef, Paul St-Pierre-Plamondon, a beau se débattre comme un diable dans l’eau bénite, la partie ne sera pas facile. Le PQ pourrait se retrouver avec un seul député élu le 3 octobre prochain, soit Pascal Bérubé dans Matane-Matapédia.
Chose certaine, le PQ ne parviendra pas à obtenir le statut de parti reconnu lors de la prochaine session parlementaire. Il est peut-être trop tôt pour publier son avis de décès, mais on ne peut s’empêcher de constater que le parti de René Lévesque est présentement sous un respirateur artificiel.
PCQ
Le Parti Conservateur du Québec d’Éric Duhaime est sans aucun doute le joueur à surveiller au cours de la campagne. Même s’il plafonne dans les sondages, même si ces appuis se limitent principalement aux régions de la Capitale nationale et de Chaudière-Appalaches et même s’il a fait le plein de votes auprès des anti-vaccins et des complotistes, il faudra voir s’il sait rallier d’autres supporters.
Son chef, Éric Duhaime, est un très habile communicateur et cela pourrait jouer en sa faveur lors des débats. Par contre, le chef conservateur devra se méfier de ses déclarations à l’emporte-pièce parfois contradictoires.
Alors qu’il prône la liberté d’expression, il n’a pas hésité à montrer la porte à sa candidate dans le comté de St-Jérôme, Jessica-Victoria Dubuc, pour avoir prononcé des «propos déplacés». Madame Dubuc avait-elle droit à la liberté d’expression prônée par son parti?
LA SITUATION EN BEAUCE
Si je me fie aux prévisions de Québec 125, les luttes s’annoncent serrées dans Beauce-Sud et Beauce-Nord entre caquistes et conservateurs. Les députés Samuel Poulin et Luc Provençal ne sont pas assurés d’obtenir un renouvellement de mandat.
Dans Beauce-Sud, malgré un espoir du côté conservateur, on n’a pas été en mesure d’aller chercher un candidat connu. On a dû dénicher un avocat de Montréal qui a comme mérite d’avoir été élevé à St-Honoré. Du côté des Libéraux, au moment d’écrire ces lignes (dimanche), on ne connaît toujours pas le nom du candidat ou de la candidate. Triste constat pour un parti qui a élu des députés libéraux durant des décennies.
Chose certaine, les luttes en Beauce seront fort intéressantes à suivre et, en ce début de campagne, les jeux sont loin d’être faits.
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PENSÉE DE LA SEMAINE
Je dédie la pensée de la semaine à toutes les candidates et à tous les candidats aux présentes élections :
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