Le Vatican et ses pédophiles
Pier Dutil
LE VATICAN ET SES PÉDOPHILES
Des allégations d’agressions sexuelles portées par une femme contre le cardinal Marc Ouellet a ramené dans l’actualité la gestion des cas de pédophilie et d’agressions sexuelles de l’Église catholique.
LES ALLÉGATIONS ET LA DÉFENSE
Dans une lettre expédiée au pape François, une femme, identifiée par la lettre «F» afin de protéger son identité, affirme avoir été victime d’agressions sexuelles et de propos déplacés de la part de Marc Ouellet entre 2008 et 2010.
La plaignante écrit : « Chaque fois que Monseigneur était présent, j’avais le droit à des embrassades avec des caresses du dos.» Elle poursuit ainsi, faisant référence à un deuxième évènement : « Cette fois-là, il m’a embrassée avec la main qui a glissé dans mon dos et qui s’est arrêtée juste là où le dos se mélange aux fesses.»
De son côté, le cardinal Ouellet a catégoriquement nié ces allégations en déclarant : « Ayant pris connaissance des fausses accusations portées contre moi par la plaignante «F», je nie fermement avoir fait des gestes déplacés sur sa personne et je considère diffamatoires l’interprétation et la diffusion de ces allégations comme agressions sexuelles.»
Comme c’est généralement le cas lors de situations similaires, la victime présumée accuse et le présumé agresseur nie fermement. Donc, rien de nouveau pour l’instant. Cependant, peu importe qui dit vrai dans les deux versions, le cardinal Ouellet, comme toute autre personne accusée, a droit à la présomption d’innocence comme le veut la justice.
LA RÉACTION DU VATICAN
Là où je ressens un malaise, c’est dans la réaction du Vatican. Suite à la réception de la lettre de la plaignante en janvier 2021, le pape François a demandé à un membre du clergé de lui donner un avis après analyse des versions.
Or, la personne chargée de faire la lumière est le père Jacques Servais, un membre d’un comité d’experts qui ont aidé le cardinal Ouellet à organiser un symposium sur le sacerdoce. Jacques Servais est donc un proche du cardinal Ouellet. On peut penser que la neutralité du père Servais laissait à désirer lorsque, dans son avis au pape, il recommandé de ne pas tenir une enquête officielle parce qu’il ne disposait pas « d’éléments suffisants.»
Jusqu’en juin dernier, la plaignante n’a jamais été informée de cette décision. Avant de transmettre son avis au pape François, le père Servais n’a jamais daigné contacter la présumée victime.
Une enquête concernant un membre du clergé menée par un autre membre du clergé est toujours susceptible de créer un doute dans mon esprit. Surtout lorsque le prétendu accusé et l’enquêteur sont des proches. C’est comme lorsque la police enquête sur la police.
Marc Ouellet est un personnage important au Vatican. Âgé de 78 ans, le cardinal est préfet de la congrégation pour les évêques. C’est lui qui est à la source de la nomination de tous les évêques au sein de l’Église catholique. Lors du dernier conclave, il était considéré comme un candidat sérieux à la papauté.
L'HISTOIRE SE RÉPÈTE
Au sein de l’Église catholique, les cas d’agressions sexuelles et de pédophilie ont été largement documentés depuis des décennies. Qu’il y ait des agresseurs sexuels au sein de l’Église n’est pas plus surprenant qu’il y en ait chez des médecins, des avocats, des policiers, etc.
Plusieurs de ces cas au sein de l’Église ont d’ailleurs fait l’objet de nombreuses poursuites au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Des congrégations religieuses et des diocèses ont fait l’objet de recours collectifs qui se sont soldés par des ententes dans lesquelles des dizaines de millions de dollars ont été versés en compensation aux victimes.
Un cas d’action collective touchant quelque 80 membres du clergé du diocèse de Québec est présentement en cours de procédure. Là encore, on parle d’indemnités de plusieurs millions de dollars.
L’année dernière, l’archidiocèse de Montréal a procédé à la nomination d’un ombudsman, Me Marie-Christine Kirouak, chargé de recevoir et d’analyser les plaines du public. En un peu plus d’un an, Me Kirouak a reçu 123 plaintes et elle dit recevoir plusieurs appels depuis que le cas concernant le cardinal Ouellet a été porté à la connaissance du public.
ON NE VOULAIT PAS SAVOIR
Ce qui me choque dans l’attitude de l’Église catholique, c’est que, depuis toujours, on a tenté de nier l’existence de tels cas. Lorsque des plaintes étaient déposées, au lieu d’enquêter, on tentait de camoufler le tout. Au pire, on déplaçait d’une paroisse à une autre le membre du clergé impliqué.
On aurait pu démontrer sa bonne volonté et sa compassion à l’égard des victimes en confiant à une entité neutre le soin d’enquêter. De plus, au lieu de se contenter de transférer le problème d’une paroisse à une autre, on aurait pu obliger le coupable à suivre une thérapie et, au pire, l’expulser tout simplement du clergé. On a excommunié des laïcs pour moins que cela.
Malheureusement, l’Église ne semble pas avoir appris. Oui, on fait de belles déclarations, mais les bottines ne suivent pas toujours les babines. Pourtant, lors de sa récente visite au Canada, François a déclaré avoir reçu comme une «gifle» les témoignages de victimes d’agressions sexuelles de la part de membres du clergé.
En refusant de confier à une entité neutre une enquête pour faire la lumière sur les allégations portées contre le cardinal Ouellet, le pape François est fidèle à la position traditionnelle de l’Église qui préfère enterrer les cas litigieux plutôt que de faire la lumière.
Je m’en voudrais de ne pas mentionner que ce ne sont pas tous les membres du clergé qui se sont livrés à des agressions sexuelles et/ou à de la pédophilie. Comme partout ailleurs dans la société, il y a des pommes pourries qui ont souvent le don d’attirer davantage l’attention que toutes les autres pommes saines du verger.
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