Le pays où on assassine ses enfants
Pier Dutil
LE PAYS OÙ ON ASSASSINE SES ENFANTS
Il y a des pays où on lapide les femmes adultères, où on interdit aux femmes d’aller à l’école, où on emprisonne des gens qui ne pensent pas comme les dirigeants, où on coupe la main d’un voleur, où on interne dans des camps des gens à cause de leur religion, etc. En Occident, on dit souvent de ces pays qu’ils sont non civilisés.
Mais, dans le monde, il y a un pays où on assassine ses enfants sur les bancs d’école. Ce beau et grand pays, c’est notre voisin, les États-Unis, le pays que l’on dit le plus puissant au monde. Ce pays, il est tellement puissant qu’il ne parvient pas à exercer un contrôle sur les armes à feu.
DES TUERIES À RÉPÉTITION
Au cours des dernières semaines, deux tueries ont attiré l’attention de la planète. À Buffalo, un suprémaciste blanc tue 10 personnes dans un marché d’alimentation. À peine 10 jours plus tard, à Uvalde au Texas, une petite municipalité de 15 000 habitants, un adolescent tire sur des jeunes de 9 et 10 ans et des enseignantes, faisant 21 innocentes victimes, dont 19 enfants dans une école primaire.
Les tueries dans des écoles américaines se succèdent. En 2012, à Newton, au Connecticut, 20 enfants et six adultes sont victimes d’un tireur. En 2018, à Parkland, en Floride, 17 personnes sont tirées à bout portant.
Depuis le début de l’année 2022, 643 enfants de moins de 18 ans ont trouvé la mort, tués par des armes à feu dans ce beau et grand pays que sont les États-Unis.
En 2021, croyez-le ou non, on a recensé 45 000 décès par arme à feu aux États-Unis (ce chiffre inclut les suicides), ce qui donne une moyenne de 123 décès par jour.
On se fait tirer dessus à l’épicerie, à l’école, en pleine rue, même à l’église, en somme à peu près n’importe où.
PAROLES, DES PAROLES
En 1973, la chanteuse Dalida interprétait une chanson intitulée «Paroles» dont le couplet disait : «Paroles et paroles et paroles, et paroles et paroles et encore des paroles que tu sèmes au vent.» On jurerait que cette chanson a été écrite pour décrire ce qui se passe aux États-Unis après chacune des tueries.
La semaine dernière, parmi les nombreuses déclarations suite à la tuerie texane, j’en ai retenu trois. Le Président Joe Biden déclarait : «Quand, au nom de Dieu, allons-nous nous opposer au lobby des armes à feu? ». Sa Vice-Présidente, Kamala Harris, y allait pour sa part ainsi : «Nous devons avoir le courage d’agir.» Enfin, Steve Kerr, entraîneur-chef des Warriors dans la NBA, s’écriait : «Quand est-ce qu’on va faire quelque chose?»
J’ai une réponse pour ces intervenants : JAMAIS!
Après chacune des tueries, on assiste au même scénario. On met les drapeaux en berne, on se rassemble à proximité du lieu de la tuerie, on pleure, on prie, on montre les photos des victimes, le Président vient faire son tour et enlace les familles des victimes, on érige des parterres de fleurs et de toutous, on dit «Plus jamais» et ainsi de suite. Cela dure quelques jours, généralement jusqu’aux funérailles des victimes et, lentement, mais sûrement, la vie reprend son cours jusqu’à la prochaine tuerie.
RIEN NE CHANGERA
Malheureusement, rien n’a changé au cours des ans et rien ne changera dans un avenir prévisible, cela même si près de 70 % des Américains souhaitent que leurs élus rendent plus difficile l’achat d’armes à feu semi-automatiques.
Je ne parle pas des armes de chasse, mais plutôt des armes d’assaut comme les fameux AR-15 et AK-47 qui peuvent tirer des dizaines de balles en quelques secondes. Les gens qui se produisent ce genre d’armes ne se préparent pas à chasser la perdrix.
Comment expliquer qu’un jeune ado de 18 ans puisse se procurer deux armes d’assaut et 375 cartouches en toute légalité, alors qu’il ne peut même pas commander une bière au restaurant avant 21 ans?
La réponse est pourtant simple : la National Rifle Association (NRA), ce puissant lobby faisant la promotion des armes à feu, finance à coup de millions de dollars des politiciens américains. Au cours des dernières années 19 sénateurs républicains américains ont bénéficié chacun de plus d’un million de dollars pour financer leur campagne électorale. Il y a un adage qui dit : «Ne mords pas la main qui te nourrit.» Voilà qui explique nettement pourquoi les lois portant sur la possession des armes à feu ne changent pas et ne changeront pas de sitôt chez nos voisins Américains.
L’un des arguments mis de l’avant par les opposants au changement est le suivant : ce ne sont pas les armes qui tuent, mais plutôt les fous qui les manient. Je suis d’accord pour dire qu’il faut être fou pour entrer dans une école et tirer sur des enfants, mais vous admettrez avec moi qu’un fou armé est pas mal plus dangereux qu’un fou non armé. S’il était plus difficile de se procurer une arme à feu, plusieurs vies seraient épargnées.
ET AU CANADA...
Ce qui se passe aux États-Unis finit toujours par avoir un impact au Canada. D’accord, l’achat et la possession d’armes à feu sont beaucoup plus réglementés de ce côté-ci de la frontière, mais depuis quelques années, on assiste à une prolifération d’armes à feu qui font de plus en plus de victimes.
À Montréal et à Laval, on se tire dessus en pleine rue et en plein jour. Des balles ont été tirées sur des résidences privées, sur une garderie, sur des autos en circulation, un peu comme au Far West. Déjà on compte de nombreuses victimes parmi lesquelles se trouvent plusieurs innocents.
Espérons que le Canada saura conserver sa différence en ne cherchant pas à imiter nos voisins du sud comme on tente de le faire dans de nombreux domaines.
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