Mort de rire
Pier Dutil
MORT DE RIRE
Les médias ont l’habitude de mettre l’accent sur les mauvaises nouvelles car, paraît-il, les bonnes nouvelles ne font pas vendre de la copie et n’améliorent pas les cotes d’écoute. Cependant, il arrive que des nouvelles me fassent rire.
La semaine dernière, je suis mort de rire à la lecture de deux nouvelles : la surveillance par le Gouvernement fédéral des prix de l’essence et l’arrivée de Jean Charest dans la course à la chefferie chez les Conservateurs.
LE PRIX DE L'ESSENCE
Avec les années, nous nous sommes habitués à voir les prix de l’essence à la pompe augmenter à des sommets jamais atteints auparavant.
Il suffit d’une tempête dans le Golfe du Mexique, d’un ouragan ici ou là pour que le prix de l’essence connaisse des hausses importantes. Il y a quelques années, on a franchi le cap du 1 $ le litre puis, peu à peu, on s’est rapproché du 1,50 $. Présentement, profitant de l’insécurité due à la guerre en Ukraine, voilà que les pétrolières poussent l’indécence tout près de 2 $ dollars le litre.
Face à la grogne chez les consommateurs, la semaine dernière, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, déclarait : «J’ai saisi le Bureau de la concurrence pour leur demander de mettre des équipes en place pour s’assurer qu’il n’y ait pas de collusion, qu’il n’y ait pas de pratiques déloyales.»
Monsieur Champagne, vous nous prenez pour des valises. Même si seulement quelques rares cas de collusion ont fait l’objet d’accusations dans le passé, le consommateur n’est pas dupe.
S’il n’y a pas collusion, comment expliquer qu’en moins de 10 minutes, toutes les stations-service d’une ville ou d’une région affichent le même prix? Un drôle de hasard, n’est-ce pas?
Personnellement, il y a longtemps que je ne crois plus les discours des dirigeants politiques au sujet des prix de l’essence pour une raison bien simple : les Gouvernements empochent de plus en plus de taxes à mesure que le prix à la pompe augmente. Ça sent le conflit d’intérêts.
JEAN CHAREST, LE SAUVEUR
La troisième course à la chefferie du Parti conservateur du Canada en moins de cinq ans ne s’annonce pas très flamboyante. Même si les éventuels candidats ont jusqu’au 19 avril prochain pour entrer dans la lutte, déjà, tout porte à croire que nous assisterons à une lutte à deux entre Pierre Poilievre, Député de Carleton, en Ontario depuis 2015 et Jean Charest, version 3.0. Quelques autres illustres inconnus entreront probablement dans la lutte, mais leurs chances de l’emporter sont presque nulles.
Si la candidature de Pierre Poilievre ne m’a pas surpris, celle de Jean Charest demeure difficile à comprendre, cela même si, comme tout le monde, je savais que le grand rêve de Jean Charest était de devenir Premier Ministre du Canada.
Le Jean Charest 1.0 a débuté en 1984 à Ottawa et s’y est maintenu jusqu’en 1998, alors que le Jean Charest 2.0 est devenu chef du Parti libéral du Québec. Élu Premier Ministre du Québec en 2003, Jean Charest s’est maintenu au pouvoir jusqu’en 2012, alors qu’il a subi la défaite aux mains de Pauline Marois.
Tant à Ottawa qu’à Québec, le parcours de Jean Charest n’a pas été un long fleuve tranquille. À Ottawa, en 1990, alors qu’il était ministre d’état à la Condition physique et au Sport amateur, il est forcé de démissionner après être intervenu auprès d’un juge pour faire pression dans un dossier opposant un entraîneur d’athlétisme à sa fédération.
À Québec, même si Jean Charest n’a été accusé d’aucun crime, les Commissions d’enquête Bastarache sur la nomination des juges et Charbonneau sur la corruption et la collusion dans l’industrie de la construction ont laissé des doutes au sein de la population.
Comme par hasard, l’UPAC a déclaré mettre fin à son enquête Mâchurer impliquant Jean Charest quelques jours à peine avant que ce dernier annonce sa candidature à la chefferie chez les Conservateurs. Là encore, quel drôle de hasard!
Monsieur Charest peut affirmer avec raison qu’il n’a été accusé d’aucun crime, mais il ne peut nier que c’est sous son règne que le Parti libéral a mis au point un financement illégal d’ailleurs reconnu par des dirigeants de plusieurs firmes d’ingénierie au Québec. Plusieurs de ces firmes ont dû défrayer d’importantes amendes, certains dirigeants ont fait l’objet de poursuites diverses et, pour tenter de se refaire une certaine virginité, la majorité de ces firmes ont changé de nom.
C’est également sous le règne de Jean Charest à Québec que l’on a appris que certains collecteurs de fonds pour le Parti libéral avaient accès au bureau de Chantal Landry, surnommée «Madame Post-it,» la préposée aux nominations au bureau de Jean Charest et tentaient d’intervenir dans la nomination des juges.
Enfin, n’oublions pas qu’en plus de son salaire régulier, Jean Charest recevait secrètement un montant annuel de 75 000 $ versé par le parti.
C’est ce même Jean Charest qui, dans sa version 3.0, postule la chefferie du Parti conservateur en affirmant : «Je vais vous livrer un Gouvernement.»
Le premier défi de Jean Charest sera d’abord de convaincre les militants conservateurs de lui faire confiance, ce qui ne sera pas facile. Et, advenant qu’il réussisse cette première étape, Jean Charest devra convaincre une majorité d’électeurs canadiens d’en faire leur Premier Ministre. Là encore, rien n’est assuré, car les premières prises de positions de Jean Charest favorables à la construction de nouveaux pipelines et l’appui à la contestation de la loi 21 sur la laïcité au Québec devant la Cour suprême ne l’aideront certainement pas à gagner des sièges au Québec, là où il en aura grandement besoin.
D’ici l’élection du nouveau chef conservateur le 10 septembre prochain, beaucoup d’eau coulera dans la Chaudière et il faut s’attendre à de nombreux rebondissements.
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