Le pire est à venir
Pier Dutil
LE PIRE EST À VENIR
Durant les années où les performances des Nordiques de Québec laissaient à désirer, le département des relations publiques avait trouvé un slogan pour aider les partisans à patienter : «Le meilleur est à venir.»
Présentement le monde du travail au Québec, particulièrement en Chaudière-Appalaches, connaît une importante pénurie de main-d’œuvre. Malheureusement, plutôt que d’épouser l’ancien slogan des Nordiques, une analyse approfondie de la situation m’amène à croire que : «Le pire est à venir.»
UN PROBLÈME PRÉVISIBLE
Alors que le bassin de main-d’œuvre disponible est en constante diminution et que le problème semble nous péter en plein visage, comme si cela était une nouveauté, je suis quelque peu surpris de constater que l’on ne l’a pas vu venir. Une simple observation de l’évolution de la population du Québec aurait suffi à voir venir le problème.
En effet, la tranche la plus nombreuse de la population du Québec est formée des «Baby Boomers», celles et ceux qui sont né.es entre 1946 et 1964. Durant des décennies, ce groupe a formé la grande majorité de la main-d’œuvre.
Aujourd’hui, les «Baby Boomers» sont âgés de 57 à 75 ans. Il est donc normal qu’une forte proportion d’entre eux ait déjà quitté le milieu du travail pour prendre sa retraite. Quant à ceux qui sont encore actifs, ils comptent déjà les années qui restent avant de prendre leur retraite. C’est donc facile de prévoir que, d’ici moins de 10 ans, toute cette main-d’œuvre ne sera plus disponible. Vous comprenez sans doute pourquoi je disais précédemment que le pire est à venir.
UNE RELÈVE INSUFFISANTE
Les groupes qui suivent les «Baby Boomers», je parle ici de ceux que l’on appelle les «X», les «Y», les «Z» et les «Milléniaux», sont tous moins nombreux que les «Baby Boomers».
Alors que dans les années 40 et 50 il n’était pas rare de voir des familles de quatre enfants et plus, le nombre d’enfants par famille n’a cessé de diminuer depuis les années 60. Aujourd’hui, on compte un ou deux enfants par famille, parfois trois, mais c’est plus rare. Plusieurs couples, pour des raisons personnelles, décident même de n’avoir aucun enfant.
Cette situation fait en sorte que plus de travailleuses et de travailleurs quittent le marché du travail qu’il y en a qui y font leur entrée. Devant une telle réalité, il est facile de comprendre pourquoi la main-d’œuvre disponible est en constante décroissance et ce problème ne se résorbera pas d’ici 2030.
Dans un dossier portant sur la pénurie de main-d’œuvre publié dans le Journal de Québec samedi dernier, on retrouvait un tableau peu réjouissant, mais fort réaliste.
Le tableau en question indiquait qu’en 2021, alors que la population du Québec est de 8 588 771, on compte 5 484 118 personnes formant la population active (les 15 à 64 ans), ce qui représente 63,9 % de la population totale.
Les prévisions démographiques nous indiquent que si l’on analyse les mêmes données prévues pour 2030, cela donne les chiffres suivants : pour une population de 9 122 974, la population active prévisible sera de 5 513 422, soit une proportion de 60,4 %. Le fossé continue donc de se creuser.
IMPACTS ET SOLUTIONS
Au cours des dernières semaines, des représentants de l’industrie manufacturière et des élus municipaux de Chaudière-Appalaches ont multiplié les démarches auprès de la classe politique. Ce qui m’a plu dans ces démarches, c’est que nos gens d’affaires ne se sont pas contentés de se plaindre de la situation, ils ont également suggéré des pistes de solutions.
Quand des entreprises ne parviennent pas à combler tous les postes disponibles pour assurer le bon fonctionnement de leurs usines, quand on doit refuser des commandes et cesser de recruter de nouveaux clients, c’est frustrant. Des gens d’affaires ont investi des centaines de milliers de dollars voire même parfois des millions pour répondre à la demande du marché et on n’y parvient pas. Les pertes se calculent en milliards de dollars. C’est autant d’argent qui ne circulera pas dans notre économie.
Évidemment, un problème d’une telle ampleur ne se règle pas en se tournant sur un dix cents. Plusieurs entreprises ont déjà entrepris la mise en place d’une nouvelle structure salariale, de nouveaux horaires de travail et ainsi de suite. Mais cela ne sera pas suffisant.
On demande aux Gouvernements impliqués de mettre de l’avant des mesures fiscales incitatives pour encourager les travailleurs à prolonger leur séjour au travail, reportant ainsi leur retraite. Il faudrait également aider les entreprises à s’automatiser et à se robotiser et valoriser la formation professionnelle dans le milieu scolaire.
Enfin, on devra favoriser l’immigration et le recours aux travailleurs étrangers en éliminant la maudite bureaucratie qui ne cesse de mettre des bois dans les roues des entreprises qui ont multiplié les démarches pour recruter du personnel un peu partout sur la planète.
On est loin de l’époque où les immigrants étaient considérés comme des voleurs de jobs. Aujourd’hui, ils aident à combler des postes que les Québécoises et les Québécois refusent de remplir et ils contribuent à résoudre une partie de la pénurie de main-d’œuvre.
Il n’y a pas de solution unique à cet important problème. Alors il faut faire preuve d’ouverture et utiliser toutes les pistes de solutions qui se présentent à nous. C’est l’avenir de notre économie qui est en jeu.
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PENSÉE DE LA SEMAINE
Je dédie la pensée de la semaine à celles et ceux qui cherchent des solutions à la pénurie de main-d’œuvre :
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