Que des perdants
Pier Dutil
QUE DES PERDANTS
Deux jours avant la date butoir du 15 octobre obligeant le personnel de la santé à se faire vacciner, le Ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Christian Dubé, effectue un virage à 180 degrés et annonce que les non-vaccinés bénéficieront d’un délai supplémentaire d’un mois, soit jusqu’au 15 novembre prochain, pour respecter l’exigence gouvernementale.
Pourtant, la veille de cette annonce, Christian Dubé affirmait qu’il n’était pas question d’un recul de sa part. Que s’est-il passé en moins de 24 heures pour l’amener à changer ainsi d’idée?
DES IMPACTS MAJEURS
Le Ministre Dubé avait demandé aux dirigeants des CISSS et des CIUSSS du Québec de lui présenter un plan d’intervention pour contrer les effets de la suspension de milliers d’employés refusant la vaccination.
La compilation de ces plans d’intervention a permis de constater que quelque 600 lits auraient été fermés dans les hôpitaux du Québec. De plus, sur les 470 salles d’opération, 80 sont déjà fermées et il aurait fallu en fermer 35 autres, ce qui signifiait qu’une salle d’opération sur quatre devenait inopérante. Alors que l’on compte déjà 150 000 patients en attente d’une intervention chirurgicale, la situation serait devenue catastrophique. Et il faudrait ajouter à ce triste bilan un recours accru au temps supplémentaire obligatoire tant décrié par tout le monde.
Dans les CHSLD, 35 % prévoyaient devoir procéder à une réduction des services, voire même à refuser l’arrivée de nouveaux patients faute de personnel suffisant pour assurer un minimum décent de services.
Personnellement, je comprenais que la décision de suspendre quelques milliers d’employés de la santé causerait certains bris de services et j’ose imaginer que le Ministre Dubé en était également conscient. Mais comment se fait-il que toutes les informations qui lui ont été transmises soient arrivées ainsi à deux jours de la date butoir? Comme si tout cela sortait d’une boîte à surprise.
UNE DÉCISION RESPONSABLE, MAIS DÉCEVANTE
Lors de l’annonce du report de la vaccination obligatoire au 15 novembre, Christian Dubé déclarait : «Si on continue comme ça, on va foncer dans un mur.» Il ajoutait : «Ce serait irresponsable de jouer avec la santé des Québécois.»
Dans les circonstances, le Ministre de la Santé a su faire passer son sens des responsabilités avant son orgueil, ce qui l’honore. Il aurait pu s’entêter, dire que tout le monde avait été averti et persister dans l’imposition de sa décision.
La crédibilité de Christian Dubé et du Gouvernement Legault sort lourdement affectée par ce recul. Mais le duo Legault-Dubé doit se rappeler que l’on peut perdre une bataille sans pour autant perdre la guerre. L’histoire est riche d’exemples du genre.
Pour l’instant, j’accepte de suspendre mon jugement suite à ce changement de cap, même si j’avoue être fortement déçu. Mon jugement final, comme celui de milliers de Québécoises et de Québécois, je serai en mesure de le porter le 15 novembre prochain. Messieurs Legault et Dubé n’auront alors plus le luxe d’un deuxième recul. Ça passera ou ça cassera.
SO-SO-SO-SOLIDARITÉ
Suite à l’annonce du report de l’échéance au 15 novembre, quelques dirigeants syndicaux et plusieurs récalcitrants au vaccin ont crié victoire. C’est là faire preuve d’une vision à très courte vue.
Depuis que le Gouvernement a annoncé la vaccination obligatoire du personnel de la santé, plus de 8 000 personnes, sur les 22 000 non-vaccinées, ont accepté de redresser leur manche pour recevoir le vaccin prescrit. Sur les 330 000 employés du secteur de la santé, il reste 14 000 irréductibles, soit à peine 4 %. Mais c’est 4 % de trop.
Au lieu de se péter les bretelles et de crier victoire, les dirigeants syndicaux devraient demander à leurs membres de faire preuve de solidarité avec l’ensemble de la population en se faisant vacciner adéquatement.
Depuis le début de la pandémie, les syndicats ont réclamé à plusieurs reprises que les Québécoises et les Québécois se fassent vacciner pour éviter des débordements dans les hôpitaux et l’épuisement du personnel. En retour, les patients qui se retrouvent à l’hôpital pour soigner toute autre maladie devraient être assurés que le personnel soignant ne risque pas de leur transmettre la COVID-19 en étant non-vacciné. Si le vaccin est bon pour pitou, il devrait être bon pour minou.
DE L'ESPOIR DANS L'AIR
Évidemment, certains récalcitrants faisant preuve d’égoïsme persisteront dans leur refus du vaccin en prétendant que le Gouvernement va reculer à nouveau à l’approche du 15 novembre prochain.
Entre-temps, l’appel lancé par Christian Dubé pour recruter 4 300 infirmières semble donner des résultats encourageants. En trois semaines 1 756 postes ont déjà été comblés et 2 400 autres seraient susceptibles de l’être d’ici peu. Plusieurs infirmières à temps partiel ont accepté de passer au temps plein.
Je ne sais pas si ces nouveaux arrivages résultent du versement des primes monétaires ou non, mais cela n’a certainement pas nui. D’ailleurs, les non-vaccinés n’auront pas droit aux primes monétaires offertes par le Gouvernement. Eux aussi sont donc perdants.
Avec l’arrivée de ces nouveaux employés, il deviendra envisageable de réduire, voire même d’éliminer le temps supplémentaire obligatoire. Mais pour en arriver là, ça prend des bras.
Tout ne sera pas réglé le 15 novembre prochain, mais le Gouvernement devra faire preuve d’une grande fermeté face aux non-vaccinés. Un nouveau recul est tout simplement non-envisageable. Le respect de cette nouvelle échéance sera le prix à payer pour que le duo Legault-Dubé regagne sa crédibilité.
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PENSÉE DE LA SEMAINE
Je dédie la pensée de la semaine aux dirigeants syndicaux du domaine de la santé :
1 commentaires
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En revanche, quelques animateurs de la radio locale devraient fortement inviter les récalcitrants à aller se faire vacciner au lieu de, à gorge déployée, déblatérer sur les décisions du gouvernement. La perception de l'écoute alimente le mauvais comportement.