Combien valent nos enseignants(es) et nos infirmiers(ères)?
Pier Dutil
COMBIEN VALENT NOS ENSEIGNANTS(ES)
ET NOS INFIRMIERS(ÈRES)?
Les conventions collectives régissant les quelque 550 000 employés des secteurs public et parapublic et l’État québécois sont échues depuis maintenant un an et, malgré des négociations qui perdurent, il semble que l’on soit encore loin d’une entente.
Dans cette chronique, je me concentrerai sur les secteurs de l’éducation et de la santé et plus précisément sur les conditions salariales des enseignants(es) et des infirmiers(ères)
DES PROFS MAL PAYÉS
Aux yeux du public, les enseignants(es) jouissent de salaires enviables, tout en bénéficiant de deux beaux mois de vacances à l’été. Permettez-moi de crever votre baloune en vous apprenant que nos profs sont les moins bien payés au Canada.
En date du 25 mars dernier, le Journal de Québec, dans un article de Daphnée Dion-Viens, comparait les salaires des profs québécois à ceux de leurs consoeurs et confrères ontariens. En début de carrière, le prof québécois gagne 44 993 $ comparativement à l’ontarien qui gagne 53 606 $, une différence de 19 %. Après 10 ans, le salaire du prof québécois atteint 63 712 $ par rapport à 98 936 $ en Ontario, une différence de 50 %. Et cette différence s’accentue à mesure que les années d’expérience s’accumulent.
Lorsqu’il était dans l’opposition, François Legault affirmait que les salaires des enseignants(es) devraient être augmentés de 20 %. En traversant des banquettes de l’opposition à celles du parti au pouvoir, François Legault semble avoir changé d’idée.
Depuis que les parents sont demeurés à la maison avec leurs enfants suite à la fermeture des écoles à cause de la pandémie, plusieurs capotaient parce qu’ils devaient endurer leurs deux ou trois enfants à longueur de journée. Pourtant, les enseignants(es) au primaire en supportent plus de 20, dont plusieurs présentent des troubles d’apprentissage importants. Au secondaire, les groupes dépassent souvent les 30 élèves.
Si vous êtes sur le bord de la détresse psychologique avec vos deux ou trois enfants à la maison, que pensez-vous de la situation des profs?
Présentement, au Québec, on manque d’enseignants(es). Les plus âgés arrivent à la retraite et on ne forme pas suffisamment de futurs candidats pour assurer la relève. Obtenir toutes les accréditations pour enseigner nécessite un cours universitaire. En début d’année 2020-2021, le milieu scolaire a dû faire appel à plus de 2 000 personnes ne possédant pas toutes les qualifications requises pour combler l’ensemble des postes. De plus, on constate que 25 % des nouveaux enseignants(es) abandonnent la tâche au cours des cinq premières années.
Si l’on veut que les jeunes soient attirés par les carrières dans le secteur de l’éducation, il faudra rendre le métier attrayant en améliorant les conditions de travail : salaires, nombre d’étudiants par classe, etc.
En tant que parents, nous avons tous avantage à ce que les professionnels à qui l’on confie nos enfants soient bien traités et qu’ils adorent leur profession, car ce sont nos enfants qui en seront les premiers bénéficiaires. Et si vous trouvez que les enseignants(es) sont trop payés, suivez leur parcours scolaire et devenez profs.
DES MAUVAISES CONDITIONS POUR NOS « ANGES GARDIENS »
Depuis le début de la pandémie, le manque de personnel dans le domaine de la santé est apparu comme un problème majeur. Pourtant, ce problème existait depuis déjà plusieurs années. De plus, nous avons constaté que les conditions de travail (salaires, responsabilités, etc.) laissaient grandement à désirer. Le temps supplémentaire obligatoire, qui perdure depuis des années, est l’un des éléments qui complique les conditions de travail.
Au cours de la pandémie, des milliers d’infirmiers(ères) ont abandonné la profession ou se sont absentés momentanément pour causes de maladie ou autres.
Selon la convention collective qui prévaut pour les infirmiers(ères), le salaire horaire d’entrée en fonction est de 24,08 $, soit 891 $ pour une semaine de 37 heures et 46 330 $ annuellement. À l’échelon supérieur, il y en a 18, le salaire horaire est de 39,00$, soit 1 443 $ par semaine et 75 000 $ par année.
La rémunération de celles et ceux que notre premier Ministre a baptisé nos «anges gardiens» depuis le début de la pandémie est inférieure à la moyenne canadienne. Comment peut-on justifier une telle situation?
Pourtant, il y a quelques années, le premier Ministre Philippe Couillard et le Ministre de la Santé, Gaétan Barrette, deux médecins spécialistes, ont consenti des augmentations salariales de plus de 25 % à leurs consoeurs et confrères spécialistes afin de combler l’écart des salaires des spécialistes québécois avec ceux de l’Ontario, «cela en toute équité» justifiait-on. Pour l’année 2017-2018, le salaire annuel brut des spécialistes québécois était de 499 708 $.
Si l’on a été capable d’offrir une augmentation salariale de 25 % à des spécialistes qui gagnaient déjà quelques centaines de milliers de dollars, pourquoi ne pourrait-on pas procéder de la même façon pour notre personnel infirmier dont les revenus sont à des années lumières de ceux des spécialistes.
Peut-être que Messieurs Couillard et Barrette, eux-mêmes médecins spécialistes, se sont inspirés de l’adage : «Charité bien ordonnée commence par soi-même.»
Comme en éducation, si l’on veut rendre les professions de la santé attrayantes pour les jeunes de la relève, là également il faudra accepter d’effectuer un rattrapage au niveau des conditions de travail.
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PENSÉE DE LA SEMAINE
Je dédie la pensée de la semaine à celles et ceux qui pensent que les enseignants(es) et les infirmiers(ères) sont trop payés :
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