Attachez-moi, quelqu'un!
Pier Dutil
ATTACHEZ-MOI, QUELQU’UN!
Je ne suis pas violent de nature. Je ne m’emporte pas très souvent. Mais, je reconnais avoir parfois la mèche courte et m’exclamer à voix haute pour exprimer mon exaspération.
Cependant, il y a des situations où, je l’avoue, je sors de mes gonds et il n’en faudrait pas beaucoup pour que mon exaspération se transforme en colère sévère allant même jusqu’à faire un mauvais parti à des gens.
C’est particulièrement le cas lorsque je constate que des humains font subir de mauvais traitements à des êtres vulnérables comme des enfants ou des personnes âgées qui ne sont pas en position pour se défendre.
LE MANOIR LIVERPOOL
Récemment, nous avons appris qu’une résidence pour aînés de Lévis (secteur St-Romuald), le Manoir Liverpool, avait fait l’objet d’une inspection au cours de laquelle on avait constaté des problèmes sérieux : soins d’hygiène déficients, présence de rongeurs et de champignons, insalubrité, sous-alimentation des résidents, etc. Des résidents n’avaient pas reçu de bains depuis trois semaines, avaient été oubliés à l’heure des repas et le personnel ignorait les appels des sonnettes demandant de l’aide. Seulement ça.
Et, fait encore plus choquant, il semble que cette situation durait depuis environ cinq ans, oui 5 ans. Que je l’écrive en lettres ou en chiffre, une telle situation qui dure depuis aussi longtemps est tout simplement révoltante. Surtout qu’il semble que cette situation déplorable ait été constatée et signalée à quelques reprises, sans que des autorités compétentes (?) sentent le besoin d’intervenir. Pas de doute dans mon esprit, il y a des coups de pied au cul qui se perdent.
UN VRAI PETIT PARADIS
Pourtant, lorsque l’on consulte le site internet du Manoir Liverpool, on peut lire ce qui suit : «La résidence pour aînés autonomes et semi-autonomes, Manoir Liverpool, est un milieu de vie chaleureux, sécuritaire et personnalisé avec une équipe de travail passionnée, attentionnée et professionnelle. La dimension humaine est au cœur de ses actions.»
En continuant notre lecture, on découvre ce qui suit : «Un éventail de soins personnalisés s’adaptant à vos besoins particuliers. Vous bénéficiez de repas équilibrés et variés ainsi que des services de qualité.»
Ça donne quasiment le goût d’y louer une chambre ou un appartement pour la modique somme de 1497 $ à 1 625 $ par mois. Notez que le Manoir Liverpool n’est pas un CHSLD, c’est ce que l’on appelle dans le jargon de la santé québécois une RPA (résidence privée pour aînés) et une RI (ressource intermédiaire) à la fois.
QUI A FERMÉ LES YEUX?
Quand on nous apprend que cette situation perdurait depuis plusieurs années, il me vient tout de suite à l’esprit un questionnement à savoir comment cela a-t-il été possible?
D’abord, on parle de résidents autonomes et semi-autonomes, donc des gens capables de se plaindre, de crier à l’aide. Mais je sais qu’il arrive souvent que ces personnes âgées n’osent se plaindre de peur de représailles.
Le personnel travaillant au Manoir Liverpool devait constater que les résidents ne recevaient pas les soins appropriés. Ne venez pas me dire que des résidents ne recevaient pas leurs repas et que l’on ne s’en rendait pas compte. Même chose pour les bains, les sonnettes. Certains me diront que, comme les résidents, le personnel n’osait parler de craindre de représailles.
Si les résidents et le personnel n’osaient élever la voix, on pourrait compter sur les membres des familles des résidents qui, à l’occasion, rendaient visite à leurs proches. J’ai de la difficulté à croire que les visiteurs n’avaient connaissance de rien. Ma mère a séjourné près de trois ans dans un CHSLD et, à chaque jour, mes frères et sœurs lui rendions visite à tour de rôle et je puis vous assurer qu’il était très facile de constater si elle recevait ou non des soins appropriés.
Mais, on nous dit que moins de la moitié des personnes aînées résidant en RPA ou en CHSLD ont la visite de leurs enfants. Au Québec, on ne garde pas ses vieux parents à la maison. On les «parque» dans des résidences et, trop souvent, on les oublie.
Si les résidents, les membres du personnel et les familles n’ont rien vu ou n’ont rien voulu voir, il y avait des vérifications effectuées par des instances du ministère de la Santé. Lors d’inspections au Manoir Liverpool, certaines lacunes auraient été signalées, mais il semble que cela n’a pas été suffisant pour allumer des lumières rouges nécessitant des interventions majeures. Là encore, j’avoue ne rien comprendre.
DES CONTRATS ILLÉGAUX
Comme si tout cela n’était pas suffisant, on a appris au cours des derniers jours, que le CISSS de Chaudière-Appalaches avait octroyé des contrats pour quelque 8,8 M $ au Manoir Liverpool pour héberger des résidents. On signalait des lacunes et, en même temps, on dirigeait des personnes âgées dans ce nid à problèmes.
Et, pour ajouter une dernière couche, le Manoir Liverpool n’avait pas reçu l’accréditation nécessaire de l’Autorité des Marchés Publics (AMP) pour soumissionner pour l’obtention de tels contrats. Ces contrats étaient illégaux!
Peu importe sous quel angle on regarde ce dossier, on n’y trouve que de la merde pour les résidents, alors que des propriétaires cupides se remplissaient les poches en rognant sur les services. Ça mériterait la prison, rien de moins.
Comme d’habitude, on enquêtera sur ce cas, cela prendra des années et il y a fort à parier que l’on se contentera de blâmes généraux, de recommandations, le tout dans un beau rapport qui se retrouvera sur une tablette dans la morgue des nombreux rapports oubliés au ministère de la Santé.
Quelle tristesse!!!
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PENSÉE DE LA SEMAINE
Je dédie la pensée de la semaine aux diverses instances du ministère de la Santé :
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