Le capitalisme sauvage à la Walmart
Pier Dutil
LE CAPITALISME SAUVAGE À LA WALMART
Une nouvelle qui n’a pas fait tellement de bruit dans les médias récemment, mais qui pourrait toucher le portefeuille de tous les contribuables canadiens, a soulevé la colère auprès des entreprises de l’industrie de l’alimentation.
Le leader mondial du commerce de détail, Walmart, a décrété unilatéralement des diminutions de prix auprès de ses fournisseurs canadiens seulement.
À prendre ou à laisser
À compter de septembre prochain, Walmart entend couper les prix de ses fournisseurs de 1,5 % pour les marchandises vendues en magasin et de 6,5 % pour ces mêmes produits vendus sur le web.
Les fournisseurs ont tout simplement appris la nouvelle dans une lettre. Pas de négociations, pas de pourparlers; c’est à prendre ou à laisser. Si l’on veut continuer à être sur la liste des fournisseurs de Walmart, on doit se soumettre.
Quelques jours plus tôt, Walmart avait annoncé des investissements importants de quelque 3,5 milliards (G) de dollars dans son réseau canadien. Il semble bien que ce ne sont pas les propriétaires de Walmart qui feront les frais de ces investissements, mais plutôt les fournisseurs.
Ce n’est pas la première fois que Walmart agit de cette façon, mais, cette fois, il se pourrait que ce soit la goutte qui ferait déborder le vase des fournisseurs.
La domination de Walmart
Avec ses milliers de magasins à travers le monde et ses centaines de milliers d’employés, Walmart est aujourd’hui le plus grand détaillant au monde. Fondé en 1962 par Sam Walton à Bentonville en Arkansas, Walmart a un chiffre d’affaires de 524 G$ et son bénéfice net atteint près de 14 G$. Ces chiffres sont en dollars américains. Sa capitalisation boursière est présentement l’une des plus importantes au monde.
Je tiens à préciser que je n’ai rien contre les entreprises qui prennent de l’ampleur et qui réalisent des profits. C’est l’essence même du capitalisme. Tu investis dans l’espoir d’obtenir un rendement sur tes investissements. Avec tes profits, tu peux réinvestir dans ton entreprise, payer adéquatement tes employés et tes fournisseurs et, ainsi, l’ensemble de la société en profite.
Plusieurs personnes contestent ce système économique, mais, à date, dans l’histoire du monde, c’est encore le système qui a le mieux réussi, malgré ses défauts. Il suffit de se remémorer la brève histoire du système communiste et de son échec magistral pour mieux comprendre.
Cependant, il y a des limites à la recherche du profit maximum qui peut vite prendre la forme d’un capitalisme sauvage qui permet aux plus gros de mater les plus petits, quitte même à les écraser pour réaliser de meilleurs rendements.
La famille Walton, propriétaire majoritaire de Walmart, compte trois membres parmi la liste des personnes les plus riches au monde publiée annuellement par le magazine Forbes. Trois des héritiers Walton, Alice, Jim et S. Robson possèdent des fortunes totalisant plus de 163 G$ américains. Ils n’ont certainement pas de problèmes avec leurs fins de mois.
Je tiens encore à préciser que je n’ai rien contre le fait qu’une famille réussisse en affaires et qu’elle s’enrichisse. Sam Walton a misé gros lorsqu’il a lancé son premier magasin et, à mesure qu’il réalisait des profits, il investissait dans l’ouverture de nouveaux magasins. En offrant des bas prix suite à son immense pouvoir d’achat auprès des fournisseurs, il a gagné le cœur des consommateurs toujours à la recherche d’aubaines.
Mais ce succès a aussi son revers. L’arrivée de Walmart dans une communauté a occasionné la fermeture de nombreux petits commerces incapables de soutenir la compétition avec ce géant et plusieurs employés ont ainsi perdu leur gagne-pain.
Effet d’entraînement
La récente décision de Walmart de serrer une fois de plus la vis à ses fournisseurs risque fort d’avoir un effet d’entraînement auprès des autres détaillants dans le monde de l’alimentation.
Déjà, un regroupement d’achats, UGI, qui négocie au nom de détaillants comme Métro, Super C, Dollarama et Couche-Tard, pour ne nommer que ceux-là, a dit vouloir bénéficier des mêmes prix auprès de ses fournisseurs afin de demeurer concurrentiels.
Il faut également s’attendre à ce que Loblaw (Provigo et Maxi), Sobeys (IGA) et Costco exigent des baisses de prix identiques auprès de leurs fournisseurs.
Regroupés au sein de divers organismes : l’Association canadienne des boissons, l’Association des transformateurs laitiers, l’Association canadienne de la boulangerie, la Fédération canadienne de l’agriculture et le Conseil canadien de l’horticulture, les milliers d’entreprises concernées et les quelque 200 000 familles agricoles canadiennes souhaitent que le Gouvernement canadien intervienne pour mettre en place un code de bonnes pratiques commerciales comme c’est le cas au Royaume-Uni, en Irlande et en Australie, à titre d’exemples.
En coupant les vivres aux petits producteurs et aux transformateurs qui doivent déjà se contenter de faibles marges de profits, Walmart et ses semblables abusent de leur situation dominante au Canada.
Quand le consommateur bénéficie d’un bas prix lors de l’achat d’un article, il devrait penser que cet avantage résulte des bas prix payés aux producteurs, aux fabricants, aux transformateurs et à leurs centaines de milliers d’employés au pays ou ailleurs dans le monde.
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PENSÉE DE LA SEMAINE
Je dédie la pensée de la semaine à celles et ceux qui recherchent le profit à tout prix :
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