Témoignage d’une épileptique
Oui je suis épileptique, mais je vis ma vie !
En cette Journée Lavande, je ne m’adresserai pas à vous en tant que journaliste, mais en tant qu’épileptique.
J’ai envie d’être positive en ne m’attardant pas sur les moments difficiles, mais sur ce que j’ai accompli malgré ce que la science, les inconnus ou mes proches m’ont dit à de nombreuses reprises.
Bien entendu, j’ai appris avec le temps que si je voulais vivre les mêmes expériences que les personnes de mon âge, je devais connaître mes limites. J’ai dû m’inculquer une routine de sommeil et accepter de demander de l’aide aux gens qui m’entourent lors des journées plus difficiles. Mais, c’est si peu cher payé pour vivre plus sereinement avec la maladie. Ainsi, voici une partie de mon histoire.
Je fais partie du 1% de la population mondiale
J’avais 18 mois lorsque les médecins ont appris à mes parents que j’avais fait ma première crise d’épilepsie. Le premier souvenir que j’ai d’une crise fut à l’âge de 7 ans à l’école. J’avais la sensation d’avoir déjà vécu ce moment, j’ai senti une odeur particulière et un goût ferreux dans ma bouche. La fatigue qui a suivi était si grande que je m’étais endormie sur mon bureau devant le professeur qui fut celui qui a prévenu mes parents. À 27 ans, je suis toujours sujette aux crises de type « absence ». Lors de ces crises qui sont d’une durée de quelques secondes, je n’arrive plus à parler avec les gens, mais je les entends. C’est exactement les mêmes sensations que lors de ma crise 20 ans plus tôt. Alors, non je ne fais pas le « bacon ».
Dans une piscine, tu n’iras plus
À 7 ans, je me suis retrouvée à la Clinique d’épilepsie accompagnée de ma mère ne sachant pas trop pourquoi nous étions là. Nous étions devant un vieux monsieur qui disait des mots étranges. La seule chose que j’ai retenue et comprise était : « elle ne doit plus faire de la nage synchronisée et aller dans une piscine ». Ma mère n’a pas supporté mes cris et mes larmes décidant de me mener à mes cours et ce, même contre l’avis médical. Pour se rassurer, elle a passé deux semaines sur le bord de la piscine à garder ses yeux sur moi.
En me laissant vivre ma vie, je suis devenue double championne canadienne 10 ans plus tard. La solution fut simple pour éviter les risques. Mes entraîneurs et mes coéquipières connaissaient ma condition et ont toujours su comment agir en cas de souci. Ce sentiment de sécurité tout en étant libre de vivre ma passion m’a beaucoup aidé dans l’ensemble de mon cheminement.
Réussir ma scolarité: quelle bonne blague!
Tout le long de mon parcours scolaire, j’ai entendu des professeurs ou des personnes affirmer que je ne réussirais pas à terminer mon primaire, mon secondaire, mon cégep et au final à obtenir mon baccalauréat. Certes, je manquais des heures de classe pour aller à mes rendez-vous médicaux, pour aller me reposer suite à une crise ou lorsque j’avais l’impression que je pourrais en faire une en classe. Je me suis toujours organisée pour rattraper mon retard, soit en demandant des notes ou en discutant avec les professeurs qui, en grande majorité, se montraient compréhensifs et accommodants pour trouver une solution.
Vivre seule tu n’y penses pas ?
Moi-même je n’aurais jamais cru que je pourrais vivre seule loin des miens, de mon médecin et même à l’extérieur du Québec. À 19 ans, je suis partie faire mes études à Matane à quatre heures de chez moi. J’y ai habité pendant 4 ans, en chambre. J’ai eu 16 colocataires durant cette période, que j’ai dû informer. J’ai eu le droit à toutes les réactions possibles : de la peur, du jugement, de la compréhension, de la curiosité et de l’insignifiance.
À deux reprises pour un travail d’été, je suis partie à l’extérieur de la province, soit Edmonton et Souris à l’Île-du-Prince-Édouard. Bien entendu dans ma valise je devais ajouter une quantité de pilules qui auraient pu faire croire à la sécurité des aéroports que j’étais une trafiquante de drogue, mais j’étais prête à ajouter ce poids additionnel dans ma valise pour vivre ces expériences uniques.
Qui voudrait m’engager ?
Depuis que j’ai l’âge de travailler, le plus difficile a été d’expliquer à mes employeurs que j’étais une fille bien ordinaire, mais qui avait une maladie neurologique.
Un été, j’étais responsable d’un camp de vacances. Après avoir informé mon employeur, les mots reçus furent : « Voyons t’es bien irresponsable. Tu vas être un danger pour les enfants. T’aurais dû me le dire avant. » Je me souviendrai toujours de ces mots prononcés avant que je n’aie le temps d’expliquer quoi que ce soit. Depuis, ma crainte demeure de le dire à mes employeurs sachant que je peux avoir de bonnes ou de mauvaises surprises. Heureusement, certains se sont montrés ouverts et compréhensifs. C’est grâce à eux que j’ai décidé d’annoncer, dès les entrevues, que j’avais une condition particulière.
Avec le recul, j’ai réalisé que petite, je n’avais pas de difficulté à vivre avec ma maladie, car ça ne m’a jamais empêché de faire quoi que ce soit. En vieillissant, j’ai dû réapprendre à accepter ma maladie, car de nombreux adultes m’ont fait ressentir ma différence, en particulier sur le marché du travail. Sans l’ensemble de ces personnes compréhensives, je serais revenue à la case départ et je n’aurais pas écrit ce texte.
Sans eux je ne serai pas là où je suis
Depuis 27 ans, ma mère vient à tous mes rendez-vous, me supporte et me rappelle que rien n’est impossible et qu’il y a toujours des solutions. Sans elle, je n’aurai pas fait cette réflexion de ne pas laisser la maladie dicter nos vies. Mes parents ont adaptés leur horaire en fonction de moi et jamais je n'ai senti de jugement de leur part. Ma sœur et mes deux frères ne m’ont jamais traité de manière différente. À travers leurs yeux, je ne suis pas la sœur malade, mais simplement la sœur qui a tendance à trop parler lors des soupers de famille.
Et depuis trois ans, j’ai mon conjoint qui s’est ajouté à la liste de ceux qui me supportent sans condition. Il l’a su, à notre première rencontre, j’ai eu la chance qu’il n’ait pas pris ses jambes à son cou.
En cette journée de sensibilisation, la meilleure chose que vous pouvez faire c’est de vous informer et de laisser vos préjugés de côté tout comme plusieurs ont fait autour de moi durant ces 27 dernières années.
Plus d’informations :
Article informatif d’EnBeauce.com
**Il faut comprendre qu’ici je m’exprime en mon nom et je parle de mon expérience. Je ne parle pas au nom de tous les épileptiques, chaque personne vit et ressent la maladie de manière différente.
16 commentaires
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Merci encore de ce beau message et que rien ne vous arrête dans vos prochaines aspirations et réalisation! :)
Le plus difficile est de garder espoir alors que depuis 6 ans, elle n'est pas stabilisé, mais votre message est un réel espoir. Votre texte sera notre lecture de ce soir :)
Bonne continuation.!
C'est un très beau texte qui décrit le courage, la persévérance et la détermination d'une jeune femme positive et intelligente. C'est très inspirant de te lire.
lache pas.
effectivement les employeurs ont souvent peur car je leur disais des le debut et jai jamais eu une job de 14 ans à 28 ans .A 28 ans jai appliqué sur un poste de préposé au bénéficiaire sans le dire a mon employeur jai été engagé malheureusement 2 mois après jai fait une crise d'épilepsie au travail et jai été congédié 3 semaines apres.Aucun resident n a été blessé heureusement.