Dans son nouveau livre
Détresse psychologique des aînés : le cri du coeur de l'autrice Line Lachance
Depuis 20 ans, Line Lachance travaille aux côtés des personnes aînées en tant que préposée aux bénéficiaires pour leur venir en aide et les accompagner du mieux possible dans leur nouvelle vie en résidence.
Véritable vocation depuis son plus jeune âge, Line Lachance a choisi il y a quelques années de raconter, sous forme de fiction, les histoires de celles et ceux qui font son quotidien. Avec « Une prison de verre », l'autrice beauceronne signe son troisième écrit invitant ses lecteurs à réfléchir sur la maladie de Parkinson.
Pour ce nouvel opus, l'autrice originaire de La Guadeloupe raconte l'histoire de Claire, une femme âgée vivant en résidence ayant la maladie de Parkinson.
« C'est sûr que le personnage de Claire est très écorché, parce que je voulais faire comprendre la détresse psychologique que ressentent ces personnes. Le monde ne réalise pas, mais quand on les emmène dans les résidences, c'est très dur pour eux. Avec Claire, c'est l'extrême, elle n'a pas de famille, etc. Mais je voulais ça pour sensibiliser les gens. Je trouve qu'il n'y a pas beaucoup d'écrits sur tout ça. Je voulais aussi une personne avec la maladie de Parkinson pour parler de ce sujet-là », a décrit Line Lachance en entrevue avec EnBeauce.com.
Des histoires inspirées des scènes de son quotidien
Dans ces livres, Line Lachance se sert évidemment beaucoup de son expérience professionnelle afin de construire ses personnages. En plus de 20 ans, les scènes difficiles ont été nombreuses dans son quotidien en résidence et se les remémorer peut être une tâche très compliquée.
« Je pleure quand j'écris mes histoires. Il y a des grosses larmes qui coulent parce qu'il y a des parcelles d'un petit peu tout le monde dans mes personnages. Une pensée me revient d'un patient puis d'un autre. La scène me revient aussi. C'est certain qu'on devrait ne pas être trop proche de nos patients, c'est la profession qui le demande. Mais quand tu t'occupes de quelqu'un pendant une dizaine d'années, c'est impossible de ne pas t'attacher à cette personne-là. Eux aussi s'attachent à nous parce qu'on devient quasiment leurs familles », a insisté l'autrice.
« Donc oui, c'est difficile, car je me replonge dans ma vie de préposée pour écrire et je suis quand même quelqu'un de sensible. Mais ça ne m'arrête pas, car dans le fond, c'est vraiment ma mission de leur donner une voix ».
Une volonté de sensibiliser sur la vieillesse
Évidemment, le sujet de la vieillesse est assez difficile à traiter et comme Line Lachance le répète souvent : « Ce n'est pas très vendeur ». Pourtant, pour elle, c'est naturel d'en parler et de sensibiliser le public sur ce thème.
« Ces gens-là ont construit notre société et on les met dans des résidences. Pour le personnage de Claire, c'est une femme qui avait une compagnie et d'un coup, elle se retrouve dans une chaise gériatrique à ne plus pouvoir rien faire. Oui, c'est une fiction, mais c'est vrai pareil. Il y en a des gens comme ça qui se retrouvent du jour au lendemain à ne plus pouvoir rien faire », a-t-elle ajouté
Ce livre s'adresse finalement aussi bien aux familles, à l'entourage de ces personnes, mais aussi aux professionnels qui travaillent dans cet environnement. En effet, avec le personnage de Claire, Line Lachance cherche à démontrer tout le mal-être que peuvent ressentir certains patients lorsqu'ils perdent l'usage de la parole à cause de leur maladie, ou de leur état général. Le cri, que certaines personnes peuvent trouver dérangeant durant les visites en centres d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD) ou autres maisons pour aînés, est finalement l'unique moyen restant à la personne diminuée pour dialoguer.
« Je l'ai vécu aussi dans mon quotidien. Mais la personne qui ne peut plus parler, le son qui sort de sa bouche est le son qui sort de sa bouche. Pour les gens autour, et même pour les résidents, ça devient dérangeant et certains vont dire qu'elle fait juste crier. Mais c'est sa seule façon de pouvoir encore communiquer. Il faut essayer de le comprendre », a complété Line Lachance,
« Avec Claire, c'est par exemple quelqu'un de très pudique et elle ne pas dire ce qu'elle ressent. Elle représente donc ça par des cris. Je voulais montrer à quel point ça les atteint psychologiquement ».
Mieux comprendre ces personnes pour mieux les aider
L'entrée en résidence pour aînés est très souvent synonyme de déchirement pour les personnes âgées. Selon Line Lachance, il y a plusieurs phases de deuil qu'il faut comprendre pour mieux les aider.
« Le premier deuil est justement l'arrivée, car souvent, leur maison est encore là, ils vont parfois aller la visiter. Ensuite, la maison se vend et c'est un nouveau deuil. Moi, je les vois diminuer petit à petit, parce qu'ils perdent toute leur identité. Du jour au lendemain, tout ce que tu t'es construit, tu le perds. C'est vraiment quelque chose à réfléchir ».
De plus, le regard que l'on peut porter sur les autres est aussi une donnée qui n'est pas à prendre à la légère. Ce n'est pas parce qu'une personne est très fortement diminuée ou qu'elle ne semble pas comprendre, que c'est réellement le cas. Avec le personnage de Claire, l'autrice a souhaité montrer que même à un certain âge, l'intimidation est présente.
« Dans le livre, à un moment donné, Claire est avec une personne âgée qui a le cancer dans la chambre. Puis cette dame lui fait souvent subir de l'intimidation. Mais c'est subtil et le personnel ne peut pas toujours être là. J'ai voulu mettre ça de l'avant, car ça arrive souvent », a-t-elle expliqué.
« Le regard des gens aussi, même nous, sans s'en rendre compte, on va voir un fauteuil roulant et il faudrait vraiment faire attention à notre regard. Il faudrait les regarder comme toi et moi, on se regarde. Mais beaucoup ne sont pas capables de faire ça ou sont méchants. On peut entendre parfois " je n'aimerais pas devenir de même " ou " ce n'est pas drôle d'être de même ", mais là, la personne l'entend ce que tu viens de dire. Je l'ai souvent entendu et je pense l'entendre encore. Mais là, vous ne réalisez pas comment ça peut faire mal à la personne qui l'entend. Et ça, c'est de l'intimidation ».
Les années sont passées et l'envie de Line Lachance d'aider ces personnes n'a jamais diminué. Avec ce nouveau livre, l'autrice souhaite avant tout pouvoir faire réfléchir sur la détresse psychologique.
« C'est pour faire réfléchir la société. Je n'ai peut-être pas un gros impact, mais si on se dit ça, on ne fait jamais rien. Si je fais même réfléchir dix personnes, ça sera dix personnes de plus. Je parle parfois de mes projets avec les résidents dont je m'occupe et quand je vois dans leurs yeux qu'ils sont contents car c'est d'eux dont je parle, c'est déjà une victoire pour moi » a-t-elle conclu.
Le livre « Une prison de verre » de Line Lachance sera disponible dans toutes les librairies dès la mi-novembre.
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