Pier Dutil
J'ai fait un beau rêve (2)
Par Pier Dutil
Depuis hier, 1er décembre, les opérations du réseau de la santé québécois sont sous la responsabilité d’une nouvelle société d’état, Santé Québec, dirigée par la «Top Gun» Geneviève Biron.
Il ne faut pas s’attendre à des changements perceptibles à court terme, surtout que, comme premier mandat, on demande à cet organisme de couper 1,5 milliards de dollars (1,5 G$) dans le budget d’opération d’ici le 31 mars prochain.
En agissant ainsi, le Gouvernement vient enlever toutes les chances à Santé Québec de faire une première bonne impression auprès des intervenants du réseau de la santé. Quand ton premier mandat consiste à utiliser une scie à chaîne pour couper les dépenses, il est difficile de rallier les intervenants.
C’est en considérant cette situation que je choisis aujourd’hui de réutiliser une chronique datant du 15 novembre 2021 qui est encore pertinente dans les circonstances.
Chronique recyclée
Je ne rêve pas à toutes les nuits. Mes rêves sont généralement joyeux, mais parfois tristes. Et même lorsque je rêve, il m’arrive de ne plus me souvenir avec précision du contenu de mes rêves lors de mon réveil.
Présent, mais invisible
Récemment, j’ai fait un rêve à la fois beau et étrange. Je me trouvais dans une salle où des gens se livraient à une session de remue-méninges portant sur la santé. Jusque-là, rien d’anormal.
Mais, ce qui rend mon rêve étrange, c’est que je pouvais assister à cette session et entendre toutes les discussions tout en étant invisible. Les participants ne pouvaient me voir. Ils ignoraient ma présence.
Autour de la table, il y avait le ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, les dirigeants syndicaux représentant toutes les professions reliées à la santé (préposés.es, infirmiers.ères, personnel de soutien, médecins omnipraticiens, spécialistes, etc.)
L’animateur de la réunion expliquait aux participants qu’ils étaient là pour soumettre des idées permettant d’améliorer le système de santé québécois en tenant compte d’une seule personne : LE PATIENT. Et, tout au long de la réunion, un seul règlement prévaudrait: à chaque fois que quelqu’un soumettrait une idée, les autres n’auraient pas le droit de dire «NON». On pourrait seulement se permettre de bonifier l’idée soumise pour la rendre encore meilleure pour le bien du PATIENT.
Début cahoteux, mais…
Au début de la réunion, l’animateur a dû rappeler à l’ordre plusieurs participants qui s’empressaient de rejeter l’idée soumise par un autre participant aussitôt qu’elle était émise. On n’avait pas l’habitude de travailler ensemble. Mais, peu à peu, les participants ont pris plaisir à se lancer dans la suggestion d’idées susceptibles d’améliorer le sort du PATIENT.
Petit à petit, on a commencé à suggérer des idées pour que tous les PATIENTS du Québec puissent compter sur un médecin de famille, obtenir un rendez-vous avec un omnipraticien et/ou un spécialiste dans un délai jugé raisonnable, tout en respectant le besoin du PATIENT.
Des solutions fort intéressantes sont également ressorties pour réduire le temps d’attente dans les urgences, pour que le PATIENT se sente bien accueilli et traité durant son hospitalisation et ainsi de suite.
Et, croyez-le ou non, on a même vu poindre des idées sur la façon de se répartir les soins à offrir au PATIENT entre les diverses professions. En tant que PATIENT invisible qui assistait à cette réunion, je jouissais.
Je me disais, enfin, tous les cerveaux réunis autour de la table semblaient vouloir faire front commun pour répondre aux besoins du PATIENT. Plusieurs se plaisaient à revenir à l’époque où ils avaient choisi d’exercer leur profession, se rappelant que l’objectif premier était de rendre service au PATIENT. Pas à faire de l’argent, pas à avoir de belles et longues vacances et un fonds de pension intéressant à l’issue de sa carrière. On disait que l’on avait la vocation car, il est vrai que consacrer sa vie professionnelle à offrir des soins au PATIENT, c’est vraiment une vocation.
Nombreuses solutions
Après quelques heures de discussions, parfois animées, l’animateur a pris soin de faire un retour sur les nombreuses idées soumises. Les participants souriaient, déclaraient être fiers d’avoir, tous ensemble, contribué à trouver des solutions pour améliorer le sort du PATIENT.
Certains disaient avoir hâte de retourner au boulot le lendemain pour mettre en application ces solutions qui, en même temps qu’elles contribueront à améliorer le sort du PATIENT, rendront le travail de tous les intervenants en santé beaucoup plus gratifiant.
Et tout le monde sait que, lorsque l’on accomplit un travail gratifiant, lorsque l’on est conscient que l’on aide le PATIENT à mieux s’en sortir, même si l’on ressent une fatigue à la fin de sa journée, on est satisfait, car on a le sentiment d’avoir rempli sa mission.
Dans un tel climat, nul doute que la relève se fera nombreuse, que plusieurs jeunes Québécoises et Québécois souhaiteront participer à cette belle tâche qui consiste à offrir des services adéquats au PATIENT.
Et ce PATIENT, il ne craindra plus de se sentir oublié par le système. Évidemment, tout ne sera pas parfait. Il y aura encore des problèmes à l’occasion, mais étant donné que l’on aura appris à travailler ensemble, au lieu de chercher à rejeter le blâme sur quelqu’un d’autre, on collaborera, tous ensemble, pour solutionner les problèmes.
Pénible réveil
Lorsque mon réveil a sonné à la fin de ma nuit, j’avais l’impression d’avoir passé une très belle nuit, cela jusqu’au moment où j’ai ouvert mon téléviseur pour écouter les plus récentes nouvelles.
Et, comme d’habitude, j’ai entendu le Gouvernement critiquer le personnel de la santé, j’ai aussi entendu les chefs syndicaux rejeter toutes les propositions venant du Gouvernement sans même avoir pris le temps de les analyser, j’ai aussi entendu le personnel de la santé crier son malheur sur la place publique, contribuant ainsi à dénigrer sa profession et décourager les jeunes à vouloir faire carrière en santé. Et, comme si cela n’était pas suffisant, tout ce beau monde tirait la couverte de son bord pour obtenir plus d’argent, cet argent que le Gouvernement vient chercher dans la poche du PATIENT.
Et, pendant ce temps-là, le PATIENT continue de se sentir oublié, d’attendre pour avoir un médecin de famille, de patienter des mois pour avoir accès à un spécialiste, d’attendre des heures dans les urgences de nos hôpitaux et des mois, voire même des années pour subir une intervention chirurgicale.
J’ai aussitôt fermé ma télé et tenté de me rendormir pour me replonger dans mon beau rêve.
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Pensée de la semaine
Je me permets d’utiliser à nouveau une pensée citée dans une précédente chronique, pensée que je dédie à tous les intervenants du monde de la santé au Québec :
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