Pier Dutil
Les milliards en subventions sont-ils justifiés?
Par Pier Dutil
Au cours des derniers mois, les gouvernements fédéral et provinciaux ont annoncé l’octroi de nombreuses subventions à des entreprises étrangères qui ont choisi de s’établir au Canada.
Avant, quand il était question de subventions, on parlait de millions de dollars. Aujourd’hui, ce sont des milliards que l’on distribue.
Attachez vos tuques
Pour bien comprendre la situation actuelle, permettez-moi d’énumérer quelques chiffres qui vous feront probablement dresser les cheveux sur la tête. Attachez vos tuques, car on parle de gros sous.
En Ontario, coup sur coup, on a annoncé des subventions de 13 milliards de dollars (13 G$) pour une usine de Volkswagen à St-Thomas et 15 G$ pour une usine de Stellantis (anciennement Chrysler) à Windsor. L’arrivée de ces deux usines vient renforcer la présence de l’industrie automobile en Ontario.
Au Québec, pour ne pas être en reste, on a opté pour le secteur des batteries qui équiperont les futurs véhicules électriques. Et c’est à Bécancour que l’on accueillera ces nouvelles usines. Ainsi, Ford recevra 640 millions de dollars (640 M$) et GM Posco 300 M$ pour l’implantation de nouvelles usines.
Et, il y a une dizaine de jours, l’annonce des annonces nous est tombée dessus avec l’arrivée au Québec, plus précisément en Montérégie, de la super-usine de l‘entreprise suédoise Northvolt, un projet qui pourrait récolter jusqu’à 7,3 G$ des gouvernement canadien et québécois. À ma connaissance, il s’agit là d’un record de tous les temps.
Le projet Northvolt
Le projet Northvolt est, à date, le plus important investissement privé au Québec. Pour bien comprendre en quoi consiste la participation des gouvernement fédéral et provincial, permettez-moi de décortiquer la répartition des subventions.
Dans un premier temps, Ottawa versera 1,3 G$ répartis ainsi : 900 M$ en prêts et actions et 400 M$ en subvention. De son côté, Québec déboursera 1,37 G$ répartis ainsi : 376 M$ en prêts, 567 M$ en actions et 436 M$ en subvention.
Mais là ne s’arrête pas la contribution des deux Gouvernements. D’autres subventions seront liées à la production des batteries par Northvolt. Aux montants cités précédemment pourraient s’ajouter des subventions de 1,5 G$ de Québec et 3,1 G$ d’Ottawa. Pour chaque batterie qui sortira de l’usine de Northvolt, l’entreprise recevra un montant des deux ordres de Gouvernement. Au total, l’ensemble des subventions pourrait dont atteindre les 7.3 G$.
Pourquoi ces subventions?
Face à de tels montants, le commun des mortels que je suis se pose des questions à savoir si ces subventions sont justifiées ou non.
En premier lieu, il faut reconnaître que les grandes entreprises qui veulent s’établir en Amérique du Nord ont le choix entre le Canada et les États-Unis. Or, l’année dernière, le Président américain Joe Biden a fait adopter un plan d’investissement de plus de 370 G$ appelé «Inflation Reduction Act». Ce plan a pour but d’attirer des entreprises désireuses de s’établir aux États-Unis. Pour lutter contre ce plan, le Canada n’a pas le choix d’offrir les mêmes avantages aux entreprises qu’il souhaite attirer sur son territoire, d’où les subventions considérables dont j’ai fait mention précédemment.
Dans le cas particulier de Northvolt, l’entreprise avait le choix de s’installer en Californie ou au Canada. Si on voulait attirer Northvolt au Canada, il fallait donc lui offrir des conditions similaires. Et une fois que l’entreprise a choisi le Canada, le Québec s’avérait avantagé par la disponibilité de son électricité à bas prix.
En réalité, pour les dirigeants gouvernementaux, la marge de manœuvre était plutôt étroite. Ou bien tu accotes les offres américaines et l’entreprise s’établit ici, ou bien on refuse d’offrir les mêmes avantages et l’entreprise s’établit aux États-Unis.
Retombées et risques
Lors de l’annonce de ces diverses subventions, tant les Premiers Ministres Trudeau et Legault que les Ministres économiques Champagne et Fitzgibon se pétaient les bretelles, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, distribuant cet argent comme s’il sortait de leurs propres poches. Pourtant, cet argent, il provient de nos poches, contribuables que nous sommes.
Pour justifier le versement de telles sommes, on fait ressortir les nombreuses retombées qui accompagneront la réalisation de ces divers projets. On ose même avancer que, à la longue, ces subventions deviendront rentables.
Évidemment, la construction de toutes ces usines fera travailler des milliers d’employés du secteur de la construction. On se procurera également de nombreux matériaux auprès de fournisseurs d’ici. Une fois les usines en opération, les milliers de travailleurs qui s’y activeront paieront des impôts. Si les entreprise réalisent des profits, elles aussi verseront des impôts. Enfin, les municipalités où s’installent ces nouvelles usines retireront des taxes municipales importantes.
J’ajouterais que, pour produire, les usines auront besoin de ressources naturelles comme le lithium, le graphite et le nickel provenant de mines implantées au Québec. Il y aura donc d’importantes retombées dont on doit tenir compte. On n’assistera pas seulement à des sorties d’argent, car il y aura également des rentrées importantes.
Tous ces beaux projets ne sont pas sans risques. Au Québec, on choisit d’investir à fond dans la technologie des batteries lithium-ion. On peut se demander si cette technologie ne sera pas dépassée un jour par une nouvelle technologie plus performante. On peut aussi se questionner sur l’utilisation des batteries électriques pour équiper les véhicules de l’avenir. Dans certains milieux, on parle déjà d’une technologie qui ferait appel à l’hydrogène. Il ne faudrait pas mettre tous ses œufs dans le même panier, aussi attirant soit-il.
Un autre risque concerne les emplois. Northvolt prévoit embaucher 3 000 employés. Où les recrutera-t-on? Est-ce que l’on va les débaucher d’autres entreprises, autrement dit, est-ce que l’on va déshabiller Pierre pour habiller Paul?
Mais, en affaires, il y a toujours des risques et si on se contente de regarder passer la parade, on risque fort de demeurer des spectateurs et de manquer de belles opportunités.
Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine à celles et ceux qui doutent de l’arrivée de nouvelles technologies :
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