On lui doit toutes ces extraordinaires photos de la débâcle monstre de 1896 et du terrible incendie de 1915, qui détruisit plus de 50 maisons au centre-ville. Et aussi de la pire inondation de notre histoire en juillet 1917. Le fameux photographe Joseph A. Gagnon, né en 1862, avait prévu s'établir près de la rivière dans les années 1890, mais les débâcles successives lui ont vite donné le goût de s'éloigner de ce cours d'eau aux humeurs massacrantes et d'aller s'installer plus haut. Il vendit la partie de son terrain près de la rivière à M. Délias Méthot et alla se construire de l'autre côté de la 1re avenue, plus haut, sur le restant de son terrain. Son imposante maison de trois étages fut construite en 1899 et il s'y installa en février 1900 (photo 1). L'argent étant rare à cette époque, son travail de photographe, du moins à ses débuts, ne suffisait pas, de sorte que M. Gagnon devait aller chercher tout ce qu'il pouvait pour réussir à joindre les deux bouts. En plus d'être photographe, il était aussi barbier et marchand. Remarquez bien la 1re photo, il y avait au rez-de-chaussée un petit magasin général du côté gauche, qu'on appellerait aujourd'hui un dépanneur, et du côté droit, son salon de coiffure, annoncé par son «poteau de barbier» rayé blanc et rouge. On entrait par la porte du milieu, et son studio de photo était au troisième étage, dans la section droite en avant, là où on peut apercevoir d'immenses fenêtres vitrées, pour laisser passer le maximum de lumière. Avant que l'électricité arrive en ville, en 1911, on devait utiliser des lampes artificielles pour l'éclairage. Et même après 1911, les systèmes d'éclairage électrique étaient loin d'être aussi performants que de nos jours. C'est pourquoi M. Gagnon avait aménagé cette pièce lumineuse au 3e étage, pour mieux réussir ses prises de vue. On voit son édifice sous un autre angle à la 2e photo, très bien situé parmi les autres commerces de la 1re avenue. La 3e photo illustre une forme de publicité qu'il employait pour attirer les clients: un petit kiosque étroit et vitré le long de la rue, dans lequel il affichait bien à la vue ses meilleures photos. Par la suite, tous les photographes en ville utilisèrent pendant plusieurs décennies le même stratagème pour se faire connaitre. Pendant toute sa carrière, M. Gagnon travailla en partenariat avec son épouse Jessie Bilodeau, laquelle figurait fréquemment sur les photos qu'il prenait en différentes circonstances, notamment lors des débâcles, des incendies et des inondations. Ils méritent amplement qu'on sache à quoi ils ressemblaient, alors voila leur photo, datant de 1931 (photo 4). J. A. décéda le 5 juin 1937 à l'âge de 75 ans. Sa fille Cécile, mariée à M. Gérard Roy, prit la relève, puis ensuite la 3e génération, Henri Roy, sous le nom de Studio Gagnon. Mais, vers 1965, le magasin Farmer, situé presque en face, se procura et installa dans son établissement un petit kiosque ressemblant à une cabine téléphonique, où les clients pouvaient prendre eux-mêmes quatre photos différentes, prêtes en 2 minutes, au prix de 0,25$ tandis que le Studio Gagnon chargeait 1,99$ pour 6 exemplaires d'une même photo. Le Studio Gagnon perdit instantanément 90% de sa clientèle, ce qui signa son arrêt de mort et entraina sa fermeture quelque temps plus tard. Son immeuble existe encore de nos jours, juste en face de Chaussures Cameron, c'est maintenant un bloc à appartements. J. A. Gagnon, un artiste de la photo qui a laissé son empreinte sur l'histoire de notre ville.
Photos du fonds J. A. Gagnon. Texte et recherches de Pierre Morin
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J.-C. Veilleux