Un projet unique au Québec
Acériculture et génétique: la Beauce à l’avant-garde avec l’héritage de Marcel Faucher
La Beauce pourrait bientôt se retrouver à l’avant-garde de l’acériculture grâce à un projet novateur, qui marie la science et la tradition.
Lancé en 2023 par l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce (APBB), en partenariat avec l’Université du Québec en Outaouais (UQO), ce projet ambitieux vise à améliorer la résilience et la productivité des érablières grâce aux avancées génétiques.
En effet, face à l’augmentation de la demande mondiale de sirop d’érable et aux défis climatiques, ce projet se veut une réponse à la fois pratique et visionnaire.
Si le projet est possible aujourd’hui, c’est avant tout grâce à l’inspiration d’un technicien forestier de Saints-Anges, Marcel Faucher, il y a plus de 30 ans. Ce dernier avait planté une forêt de « supers érables », issue de son érablière, afin d'améliorer son rendement.
Décédé en 2018, c'est son fils, Alain Faucher, qui est aujourd'hui propriétaire de l'érablière, permettant ainsi de donner une continuité au travail de son père. Le but est d’explorer le potentiel génétique de l’érable à sucre pour améliorer la productivité et la résistance aux conditions difficiles.
« Quand on m'a parlé de ce projet-là, je n'avais pas vraiment le choix d'accepter, car je trouvais que ça allait vraiment dans le sens que mon père avait donné à ce projet au départ. J'ai vraiment hâte de voir les résultats », a expliqué Alain Faucher.
« Aujourd'hui, malgré la grisaille, c'est une belle journée pour le monde acéricole. Nous entrons ensemble dans l’ère de la génétique et de la génomique au service de l’érable. Nous sommes fiers de participer à ce projet qui apportera des solutions innovantes pour la résilience et la productivité de nos érablière », a ajouté Éric Cliche, directeur général de l'APBB.
Appuyé par l'APBB, le Créneau d'excellence acéricole et piloté par l'Université du Québec en Outaouais, le projet est entré dans sa première phase, qui a pour objectif d'avoir une cartographie détaillée et complète de l'érablière de M. Faucher.
« Quand je suis arrivé au Québec, j'ai regardé un peu sur quoi je pouvais travailler. J'ai été très surpris que l'érable à sucre, une espèce emblématique de la région, avait été très peu étudié d'un point de vue génétique. J'ai donc commencé à m'intéresser à cette génétique, et dans mes recherches, j'ai pu voir les expériences réalisées par Marcel Faucher, que j'ai trouvé extraordinaires », a lancé Yann Surget-Groba, professeur en génomique écologique et environnementale à l'UQO.
« Comme ces arbres ont été plantés il y a 30 ans, qu'ils sont matures et qu'ils ont déjà été entaillés, nous avons une avance de 30 ans par rapport à si nous avions voulu commencer l'expérience par nous-mêmes. Le projet lui-même, est une continuité de la vision de M. Faucher qui était de dire, si on peut sélectionner des vaches pour produire plus de lait, on doit pouvoir sélectionner des érables pour produire plus de sucre. On a donc commencé à travailler il y a 2 ans pour échantillonner tous les arbres, où l'on ramasse des feuilles pour en étudier la génétique de chaque individu ».
Ainsi, depuis maintenant deux ans, les équipes de l'UQO et de l'APBB sont sur le terrain dans le but de reconstruire les familles d'érables, afin de détecter d'où proviennent les meilleurs éléments.
« On sait déjà que tous les arbres qui ont été plantés ici viennent de 13 arbres « parents » qui ont été sélectionnés pour de bons taux de sucre. Le problème, c'est qu'on ne sait plus quel arbre est issu de quel parent. Grâce à la génétique, on va faire des analyses de parenté, comme chez les humains, pour retracer la fraternité de chaque individu et retrouver les différentes familles. Une fois qu'on aura ces informations, on va pouvoir, à l'intérieur de chaque famille, lier la génétique avec les différents traits qui nous intéresse », a ajouté le professeur de l'UQO.
Si le travail sur la génétique est une des étapes cruciales du projet, la génomique entre aussi en jeu afin de gagner un temps précieux pour les futures plantations. En effet, le fait d'étudier les gènes d'un individu, va permettre de déterminer le potentiel de ce dernier.
« Grâce à la génomique, nous pourrons sélectionner des arbres, dès le semis, qui auront le meilleur potentiel, sans avoir à attendre 20 ou 30 ans pour en mesurer les résultats », a-t-il expliqué.
Après cette première phase, les chercheurs étudieront les taux de sucre et de croissance ainsi que d’autres caractéristiques qui influencent directement la résistance des forêts au stress, notamment face à la sécheresse ou au gel tardif. L'objectif étant de pouvoir créer, dans le futur, des érablières plus résilientes.
« Marcel Faucher a consacré plusieurs milliers d'heures à la sélection des arbres, à la plantation, au piquage et repiquage et plusieurs autres d'interventions. Il savait très bien qu'il ne faisait pas ça pour lui, et que ce n'était pas lui qui allait récolter le fruit de ses efforts. C'était un legs pour les générations futures, en voyant qu'il y avait un potentiel. Il a lancé un projet qui, malheureusement, à l’époque, n’avait pas été repris par une université ou des chercheurs. Ça me faisait beaucoup de peine de voir ça », a complété Michaël Cliche, ingénieur forestier et expert acéricole à l’APBB.
« Parallèlement à tout cela, j'ai débuté une maîtrise sur l'érable à sucre et Yann faisait partie des gens qui m'ont supervisé. Je me suis ramassé autour de ce monde là et toutes les conditions étaient réunies pour reprendre le travail de M. Faucher ».
Ce projet unique au Québec pourrait bien transformer l’acériculture dans les prochaines années, tout en rendant un très bel hommage au travail de Marcel Faucher.
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.