Dîner-conférence
« Chaque génération a ses propres défis » — Guy Cormier, président de Desjardins
« Chaque génération a ses propres défis », a expliqué Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, lors du dîner-conférence organisé ce mercredi par la Chambre de commerce de Saint-Georges (CCSG).
Invité d’honneur, il échangeait avec le président de la CCSG, Samuel Pépin, autour de la question suivante: Face à ces temps difficiles, comment pouvons-nous concrétiser nos ambitions collectives?
Avant toute chose, Guy Cormier a commencé par revenir sur la situation économique mondiale. « L’inflation à travers le monde est en train de passer de 8-9% à 3%. La cible de 2% qui paraissait inatteignable il y a quelques années est en train de se réaliser. Mais le prix à payer, c’est un ralentissement économique. »
Il relève en ce sens que tout n’est pas négatif et que les années actuelles sont riches d’évolution. « À travers le globe, on est dans un contexte où il se sera passé plus de choses entre 2024 et 2020, que durant les dix années précédentes. Selon moi, cette décennie aura beaucoup plus d’impacts que les 50 dernières années. C’est aussi des sources d’opportunités pour les entrepreneurs, mais c’est clair qu’on va vivre des années encore très turbulentes. »
De l’échelle mondiale à la Beauce, en passant par les États-Unis, le Canada et le Québec, tout est à prendre en compte. « On voit que le monde est interrelié plus que jamais. Peu importe ce qu’il se passe à travers le monde, on voit que ça nous affecte », a précisé Guy Cormier.
Les États-Unis face au Canada
Étant le pays avec la meilleure croissance économique en 2023, les États-Unis ne se préoccupent pas des mêmes enjeux que le Canada. Le problème de main-d’œuvre et la crise du logement ne font pas partie de leurs préoccupations.
D’ailleurs, pour les Américains, les hypothèques sur 20 ou 30 ans ne changent pas. Tandis qu’ici, en 5 ans ça change amplement le prix à payer. « Donc pour eux, que le taux monte vite ou non, ça ne change rien, contrairement au Canada! »
Pour les Canadiens, l’impact de la hausse des taux d’intérêt se fait réellement ressentir. Lorsqu’il monte, la consommation baisse. « Les gens savent que ça va être “tough” donc ils dépensent moins. » Par exemple, dans les dernières années, les gens se sont servis de leurs économies, mais là ça les rattrape alors ils ralentissent les dépenses.
Guy Cormier a ensuite expliqué que, selon Desjardins, 2024 va se passer en deux temps: un premier semestre avec un grand ralentissement économique, puis un deuxième semestre, peut-être dans l’été, où il y aura une baisse des taux d'intérêt qui va stimuler l'intérêt des entreprises, des entrepreneurs, ce qui entraînera une certaine reprise économique au Canada.
Du Québec à la Beauce
Au Québec, l’inflation est plus élevée que dans les autres provinces du pays, la baisse du taux d’intérêt est aussi moins rapide qu’ailleurs. « Mais il faut retenir une bonne nouvelle, les finances publiques sont en bon état! Ce ne sont pas des déficits dont on a perdu le contrôle », a souligné le président du Mouvement Desjardins. Qui plus est, le Québec a plusieurs atouts; les ressources naturelles, la proximité avec les États-Unis et les nouveaux secteurs en développement, comme la technologie par exemple.
Le mieux, selon le conférencier, c’est de ne pas avoir de plan statique. « Nous on a un plan sur trois ans, mais chaque année on se réunit pour l’ajuster. » Il faut regarder loin dans le temps et dans l’espace, tout en étant capable de regarder près et de s'adapter.
Pour ce qui est de la Beauce, ce n’est un secret pour personne, l’enjeu principal actuellement est le manque de main-d'œuvre. « Ici vous avez tellement d’entreprises manufacturières, vous avez tellement d’entreprises au pied carré, vous avez besoin de main d'œuvre et vous y travaillez du mieux que vous pouvez. » Le problème lié à ça, c’est le logement. « Il y a une bonne nouvelle! À Saint-Georges, les mises en chantier en 2023 ont été parmi les plus fortes. On parle de 50 à 60% de progression des mises en chantier. Chapeau! C’est ça qu’il faut faire, construire et développer! », s’est enthousiasmé Mr Cormier.
Ce qui fait la force de Saint-Georges, c’est la construction, la proximité avec le marché américain, la diversification de l'économie et le pôle entrepreneurial très fort.
Cependant, il est une chose de trouver des logements et des employés, mais avec la population vieillissante de la région, les départs en retraite seront bientôt un nouveau point de vigilance. Il faut pouvoir anticiper ces départs et prévoir le repreunariat pour les nombreuses entreprises qui vont être en vente. Pourtant, dans la conjoncture actuelle, il est difficile d’imaginer qu’il y aura assez de jeunes pour tous les projets de repreunariat disponible.
Le défi pour les jeunes
Les générations précédentes étaient capables d'acquérir des propriétés dans la vingtaine, maintenant il faut attendre la trentaine. « Quand on compare la hausse de l’immobilier versus la hausse des salaires, ce n’est même pas comparable. L’immobilier a augmenté tellement plus en termes de coût. Donc c’est normal que ce soit dur pour les jeunes aujourd'hui. »
Le patrimoine que les générations précédentes ont pu accumuler entre 25 et 30 ans, aujourd’hui les jeunes vont pouvoir penser à faire ça entre 30 et 40 ans.
Étant lui-même devenu président jeune, à l'âge de 45 ans, il ressent un devoir d’aider les jeunes justement. « On n’a pas les moyens de perdre un jeune au Québec. Un jeune qui décroche c’est un coup énorme pour cet individu qui pourra réaliser ce qu’il veut dans la vie, c’est un coup social parce qu’il va falloir le prendre en charge quelque part et c’est un coup économique parce qu’on ne sera pas allé chercher le plein potentiel de cette personne-là qui aurait pu devenir entrepreneur. C’est pour ça que j'essaie amplement d'apporter ma voix et de contribuer à aider les jeunes », a-t-il conclu.
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.