Dans les années 1920 et '30, Édouard Lacroix fut le plus grand entrepreneur forestier de l'Est des États-Unis. Il s'illustra principalement en obtenant des faramineux contrats de coupes de bois pour les plus grandes compagnies américaines. Son principal avantage est qu'il réussissait à aller chercher le bois dans les forêts les plus reculées et inaccessibles. Mais les quantités astronomiques de bois qu'il devait livrer l'ont obligé à innover et à révolutionner la façon de sortir le bois des forêts et le livrer à ses contractants. il lui était impossible de procéder à l'ancienne mode, avec des «sleights» et des chevaux, il lui fallait trouver autre chose. Non seulement fut-il le plus grand utilisateur des énormes «log haulers», mais il réussit même l'exploit d'ériger une voie ferrée de 13 miles dans des recoins inhospitaliers et quasi inaccessibles (500 hommes travaillèrent à la construction de cette voie ferrée), dans les secteurs des lacs Eagle et Churchill.
En 1927, il acheta à New York deux locomotives, une de 90 tonnes et l'autre de 100 tonnes (une fabriquée en 1897 et l'autre en 1901) que ses hommes durent démanteler pour les transporter sur les lieux en pièces détachées. Elles furent ensuite utilisées jour et nuit, ne s'arrêtant que pour faire le plein et l'entretien, transportant 1300 cordes de pulpe par jour. Des travailleurs étaient fiers de se faire photographier devant la locomotive no 2 à cette époque (photo 2). Quand les contrats furent terminés, en 1933, les locomotives étaient rendues obsolètes et trop usagées, ne valant pas la peine d'être démantelées et transportées à nouveau. Elles furent donc abandonnées sur les lieux, dans un grand hangar pas loin du lac Eagle (photo 3).
Au printemps 1969, en raison des actes de vandalisme et d'un usage illégal des vieux camps de bucherons et des anciennes structures de bois dans les forêts du Maine, le Service des Forêts du Maine (SFM) décréta l'ordre de les faire brûler. À cause d'une perception erronée des instructions reçues, le garde-forestier fit aussi brûler le hangar qui abritait les deux locomotives, ce qui n'était pas l'intention de ses supérieurs. En raison de ce malentendu, l'irréparable était fait. Ces deux locomotives furent donc laissées sans toit, à la merci des vandales et des intempéries.
Le 16 août 1969, le SFM a fait repeindre les deux véhicules pour prévenir la rouille. Des années plus tard, elles s'enfonçaient et penchaient dangereusement (photo 4). Dans les années '80, des amateurs de patrimoine réussirent à les soulever (photo 5) et les stabiliser, puis reconstruisirent la section de voie ferrée en dessous. J'ai eu le plaisir d'aller les voir au mois d'octobre 2017 (photo 1). Un voyage dans le temps. Site chargé d'histoire, vraiment impressionnant, même émouvant.
Texte et recherches de Pierre Morin.
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