Vous pensiez peut-être, comme moi, que la pire inondation dans l'histoire de Saint-Georges est survenue à l'occasion d'une débâcle printanière. Hé bien non. C'est arrivé il y a plus d'un siècle, le 31 juillet 1917, à une période de l'année où la rivière coule habituellement avec à peine deux ou trois pieds d'eau dans son lit. Une orage électrique d'une violence inouïe a éclaté vers une heure de l'après-midi. Des pluies diluviennes viennent des quatre coins du firmament et une averse n'attend pas l'autre. Le niveau de la rivière augmente rapidement. Après douze heures de pluies torrentielles, la rivière sort de son lit. C'est un véritable cataclysme. Selon le journal L'Éclaireur du 9 août 1917, plusieurs ponts sont emportés, dont ceux de Saint-Côme, ceux de la Du Loup et de la Famine à Saint-Georges et vont rejoindre des dizaines d'autres ponts et bâtisses qui s'écrasent contre le pont de Beauceville. Le pont de Saint-Georges a été ébranlé et fermé pendant plusieurs jours. Selon l'Historien Roger Bolduc, un citoyen de Saint-Georges retrouvera sa maison à deux milles en aval de Saint-Joseph. À cette époque, on transportait le bois coupé par voie de drave sur la rivière, et l'entreprise Brown Corporation subit des pertes d'un million de dollars de bois emporté par le courant. La Breakey perd 400,000 billots de bois. En tout, les autorités évaluent les dommages de l'ensemble de la population à 5 millions de dollars. Au cours de cette terrible tempête, la rivière est montée de trente pieds au-dessus de son niveau normal. Au matin suivant, les citoyens sont éberlués de voir la Chaudière large comme un fleuve, charriant des maisons, des granges, des remises, des ponts, des arbres et des animaux affolés. L'historien Pierre C. Poulin mentionne: «En plus des récoltes perdues, des marchandises détériorées et de plus de 100,000$ de dommages au réseau du chemin de fer du Québec Central, on dénombre 98 bâtiments emportés par les eaux et 113 maisons, hangars ou granges déplacées.»
Je publie les 9 meilleures photos que j'ai retracées illustrant ce drame, photos prises le 31 juillet 1917, attribuées au photographe J.A. Gagnon. Sur la première, à gauche, on peut voir la propriété de François-Xavier Dulac, qui était sur la première avenue, exactement là où se trouve aujourd'hui le marché des Pères Natures, ce qui donne une idée de la hausse incroyable de la montée des eaux en 1917. Les autres photos furent prises dans le même secteur (aux environs de l'aréna et les Pères Natures), sauf la dernière, plus au sud, site en face du cordonnier-sellier Délias Méthot dont on aperçoit le bout de la résidence, à droite de la photo (aujourd'hui le magasin de Chaussures Cameron). Les quatre femmes juchées sur des troncs d'arbre au milieu du chemin sont, de gauche à droite: Louisa Bilodeau, Cécile Gagnon, Marthe Bilodeau et Louisette Gagnon. Cécile et Louisette étaient les filles de J.A. Gagnon. Et Louisa et Marthe, nièces de J.A., perdirent leurs parents lorsqu'elle n'avaient qu'un et trois ans, alors J.A. et son épouse les adoptèrent et les élevèrent. Plus tard, elles devinrent toutes deux religieuses au sein de la congrégation des soeurs du Bon-Pasteur. Les deux hommes assis sur un gros billot sont Francis Lemay et le bijoutier Ephrem Poulin. 7½ ans plus tard, soit le 25 janvier 1925, ce dernier ouvrait sa célèbre bijouterie sur la 1re avenue, là où on trouve aujourd'hui la Librairie Sélect. Superbes photos d'un triste événement.
Photos 1, 2, 3, 4, 7, 8 et 9 du fonds Claude Loubier. Photo 5 du fonds Réjean Giasson. Photo 6 du fonds BAnQ. Texte et recherches de Pierre Morin.
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