Vous vous souvenez de cette vieille maison que l'on apercevait autrefois à chaque fois que l'on circulait sur le boulevard Lacroix, en face du restaurant Chez Charles, près du feu de circulation? (photo 1). Elle faisait partie du paysage et semblait figée dans le temps. Son dernier propriétaire, Laurent Fortin, étant décédé en mars 1995, elle fut démolie dans le journée du vendredi 19 mai 1995, entre 17h et 17h50. Saviez-vous qu'en dépit de son apparence délabrée, cette bâtisse avait une histoire étonnante? Au moment de sa destruction, elle avait environ 100 ans. La 2e photo nous la montre en juillet 1917, mais remarquez plus à gauche les ruines d'une autre maison: probablement celle de l'aïeul Jean Fortin. Ce dernier aurait eu sa maison à l'avant du terrain, plus près de la route. Avant la construction de la première église, elle a servi à l'époque de lieu de rassemblement temporaire pour les fidèles de la paroisse, alors qu'elle appartenait à Jean Fortin, père d'Olivier, grand-père de Sévère et arrière-grand-père de Mathias. Sévère fut fermier d'Édouard Lacroix, son voisin immédiat (la résidence d'Édouard Lacroix fut construite à l'automne 1917, peu après cette photo). Quand à la maison qui nous concerne (celle démolie en 1995), après Sévère, son fils Émile y a habité vers 1935. Puis son frère Mathias a été pendant plusieurs décennies l'avant-dernier propriétaire de cet immeuble, jusqu'à son décès, après quoi c'est son fils Laurent qui en a hérité, dernier a y avoir habité. Autant Mathias que Laurent étaient tous deux surnommés «Solo». Peu de gens connaissent l'origine de ce surnom. Mathias, devenu camionneur, avait acheté un camion Ford 1938 usagé de la compagnie de liqueurs SOLO dont les portières étaient lettrées de ce nom. Comme il a conservé le camion tel quel, avec les écritures sur les portes, c'est ainsi que les gens en sont venus à l'appeler Solo, sobriquet dont son fils Laurent a aussi hérité. Pendant longtemps, Mathias s'est servi de son camion entre autres comme ferrailleur et aussi pour livrer du bois de chauffage un peu partout en ville. Dans sa jeunesse, Laurent a travaillé comme ouvrier pour le CP (Canadien Pacifique) comme on le voit à l'extrême droite (le grand au veston noir) sur une photo de groupe prise près d'un «jigger» (draisine) sur la voie ferrée, photo 3. Par la suite, il a pris la relève de son père avec le camion. Malheureusement, il a manqué de freins alors qu'il circulait en ville sur le pont, en direction Est, vers 1974, causant des dommages à trois autres automobilistes. Cet accident a entrainé la mise au rancart de son véhicule, qui est resté entreposé à la vue dans la cour de sa résidence pendant environ 20 ans (photo 4), jusqu'à ce qu'il soit remorqué en mai 1995, peu de temps avant la démolition de la maison. Mathias et son fils Laurent étaient très attachés à cette résidence où ils ont passé leur vie et où au moins trois générations de leur famille avaient habité. De plus, l'épouse de Mathias (elle s'appelait Aloisia, prononcer Alozia), une dame affable et gentille, était la meilleure couturière en ville, très habile et soigneuse, qui a confectionné de magnifiques vêtements et robes à de nombreuses géorgiennes, ayant son atelier dans cet édifice qui était alors en meilleur état. On la voit sur une ancienne photo vers 1930, enlaçant son époux autour du cou devant leur rutilante voiture (photo 5). On comprend que ces lieux avaient une grande valeur sentimentale pour ceux qui y ont passé leur vie. Ce n'est aujourd'hui plus qu'un souvenir. Connaissant maintenant son histoire, on ne voit plus ce bâtiment du même oeil.
Photos 1, 2 et 3 du fonds Claude Loubier. Photo 4 de Normand De Lessard. Texte et recherches de Pierre Morin.
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