Un vol qualifié est un vol à main armée. Incroyable: il y a une personne encore vivante qui fut témoin d'un vol survenu à la résidence d'Édouard Lacroix il y a 70 ans (grande maison, photo 1, qui se trouvait alors sur la boulevard Lacroix, en face d'où se trouve aujourd'hui le Motel Voyageur). Cette dame, Yvonne Parent, est encore vivante, âgée de 96 ans, très lucide et elle réside à l'Oiseau Bleu. À mon grand étonnement, elle m'a raconté cet événement en détail, sans aucune note et sans aucune hésitation. Elle a travaillé comme domestique chez M. et Mme Lacroix (photo 2) de l'âge de 23 à 28 ans. Le 4 mai 1948, à 10,20h du soir, on a sonné à la porte et Mme Lacroix a ouvert. Trois individus armés ont fait irruption, ils venaient voler. Deux complices les attendaient dehors. Ils avaient coupé le fil de téléphone et avaient des lampes de poche. Ils les ont ligotés solidement sur les chaises de la salle à diner. Ayant demandé où était le coffre-fort, M. Lacroix leur a indiqué l'endroit en ajoutant que celui-ci n'était pas barré puisqu'il ne contenait aucun argent, mais que de la paperasse. Après vérification, la tension a monté car les bandits refusaient de partir les mains vides. M. Lacroix leur donna alors 800$ en argent qu'il avait dans ses poches, qu'un débiteur était allé lui rembourser dans la journée. Finalement, les trois voleurs les ont menacés et intimés de ne pas bouger tant qu'ils ne seraient pas rendus loin de la résidence. Ces malfaiteurs venaient de Montréal, et ils s'en sont retournés en passant par Lac-Etchemin, où ils ont fait une embardée, ayant percuté une maison. Ils se sont fait remorquer à Montréal, ce qui leur a coûté 300$. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que M. Lacroix détenait d'importantes sommes d'argent dans une commode cachée derrière une corde de bois au sous-sol. De plus, M. Lacroix avait l'habitude de toujours noter les numéros de série des billets de 100$ qu'il avait. Il contacta un détective de Saint-Joseph, un M. Pettigrew, qui fit enquête et réussit à retracer ces cinq voleurs. Mme Parent m'a défilé leurs noms sans hésitation: Éthier, Hamel, Delorme, Lavoie et Larche, spécifiant qu'ils furent traduits devant les tribunaux et condamnés à la prison. Mme Parent a ajouté qu'elle avait failli mourir de peur et qu'elle avait eu mal aux bras pendant 2 mois. Parce que les lascars l'avaient attachée trop fort, lui ai-je demandé. Non, a-t-elle répondu «c'est parce que j'ai trop tremblé que ça m'a causé ces terribles douleurs». Wow, une mémoire prodigieuse Mme Parent, toute une mésaventure qu'elle a racontée à brûle-pourpoint, sans hésiter une seconde. Par la suite, j'ai trouvé un article de journal confirmant que ces criminels avaient été condamnés en septembre 1948 à 9½ ans de pénitencier chacun, sauf Lavoie et Delorme qui ont eu 5½ ans. Ce n'était pas encore l'époque des sentences bonbon. Le plus extraordinaire, c'est la fin de cette histoire: en plus du pénitencier, la sentence leur imposa 6 coups de fouet chacun. Édouard Lacroix lui-même en fut sidéré, il trouva cette sentence beaucoup trop lourde, il est même allé jusqu'à aider ceux qui l'ont assailli ainsi que leurs épouses. Auriez-vous cru qu'un tel châtiment existait encore en 1948? C'était avant qu'on élabore la notion de «sentence cruelle et inusitée». Ce châtiment corporel cessa d'être appliqué à partir de 1954 et fut officiellement aboli par la loi en 1972.
Photo 1 du fonds Claude Loubier. Photo 2 du fonds Anne Dutil. Texte et recherches de Pierre Morin.
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