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L'épicerie en folie

durée 18h00
31 octobre 2022
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Pier Dutil

L’ÉPICERIE EN FOLIE

De semaine en semaine, lorsque vous faites votre marché, vous avez l’impression que tout coûte de plus en plus cher. Rassurez-vous, vous n’avez pas la berlue. Effectivement, presque tout coûte de plus en plus cher.

Et, pour nous faire avaler la pilule, on nous sert plusieurs justifications : l’inflation, la guerre en Ukraine, les coûts de transport, etc. Mais, je commence à penser que ces justifications ont le dos large.

DES AUGMENTATIONS EXAGÉRÉES

Selon Statistique Canada, alors que le taux d’inflation se situait à 7 % sur une base annuelle en septembre, le prix des aliments à l’épicerie a subi une hausse de 11 % durant la même période. 

Permettez-moi de mentionner certaines hausses notables : produits de boulangerie : 14,8 %, produits céréaliers : 17,9 %, fruits frais : 12,7 % et légumes frais : 11,8 %.

Où est passé l’argent de ces hausses? Qui en profite? Est-ce que les entreprises en alimentation s’en mettent plein les poches? Selon un sondage récent réalisé par Angus Reid en août dernier, 78 % des Canadiens croyaient que les propriétaires des marchés d’alimentation avaient profité de l’inflation pour hausser leurs prix.

Mais il n’y a pas que les détaillants qui profitent de la situation. De la ferme à la table, le nombre des intervenants est élevé : producteurs, transformateurs, distributeurs, transporteurs et détaillants. Si chaque intervenant prend sa cote, à l’autre bout de la ligne, c’est le consommateur qui en fait les frais.

En scrutant le bilan financier de certaines entreprises d’alimentation cotées en bourse, je constate qu’il y a effectivement eu une hausse importante des profits. Chez Empire, la hausse des profits de 2020 à 2022 est de 27 %. Chez Loblaw, la hausse est de 17,2 % de 2021 à 2022. Enfin, chez Metro, alors que les ventes ont connu une croissance de seulement 1,9 % au cours des trois premiers trimestres de 2022, le bénéfice a connu une hausse de 7,5 %. 

Devant de telles données, il n’y a pas de doute dans mon esprit : les hausses de prix ont été grandement profitables aux propriétaires des marchés d’alimentation.

Il importe de mentionner qu’au Canada, environ 80 % du marché de l’alimentation est contrôlé par cinq joueurs majeurs : Loblaw (Maxi, Provigo et Pharmaprix), Sobeys (IGA et Safeway), Metro (Metro, Super C et Jean Coutu] Costco et Walmart. Avec une si faible concurrence, il est beaucoup plus facile aux cinq majeurs de contrôler les prix.

Y A-T-IL COLLUSION?

La situation décrite ci-haut m’amène à me demander s’il existe un risque de collusion entre les intervenants de la chaîne d’approvisionnement en alimentation. Le risque existe sans doute, mais vous admettrez avec moi qu’il serait difficile d’en faire la preuve.

Mais un événement récent amène de l’eau au moulin de mon doute. Récemment, Loblaw a annoncé en grande pompe qu’elle s’engageait à geler le prix de ses marques maison durant 10 semaines. Reconnaissez avec moi qu’il est facile de décréter un gel alors que les prix sont déjà élevés. J’y vois là avant tout une opération de marketing plutôt qu’une initiative susceptible de profiter aux consommateurs.

En réaction à l’initiative de Loblaw, quelqu’un chez Metro a déclaré : «Il s’agit d’une pratique de l’industrie d’avoir un gel des prix du 1er novembre au 5 février pour tous les produits d’épicerie de marque privée et de marque nationale et ce sera le cas dans tous les points de vente Metro.»

Quand on parle «…d’une pratique de l’industrie,,,» je ne peux m’empêcher de penser que les gens de l’industrie ont convenu ensemble d’adopter une telle pratique. Et si tel est le cas, pourrait-on conclure qu’il y a eu collusion? Évidemment, les porte-paroles de l’industrie vont nier à grands cris.

LE CARTEL DU PAIN

Étant donné que ma mémoire est encore passablement bonne, en entendant parler «… d’une pratique de l’industrie…» je me suis souvenu du cartel du pain qui a été découvert il y a quelques années.

De 2001 à 2015, sept entreprises canadiennes s’étaient entendues pour augmenter le prix du pain. Selon des documents juridiques rendus publics par le Bureau de la Concurrence du Canada, les boulangeries Weston et Canada Bread, de même que les détaillants Loblaw, Sobeys, Metro, Walmart et Tigre Géant auraient été impliquées dans ce cartel.

En guise de compensation à l’égard des consommateurs qui avaient fait les frais de cette entente, Loblaw a offert un bon d’achat de 25 $ à ses clients. Ce n’est pas très cher payé pour une arnaque qui a duré 14 ans, n’est-ce pas? Finalement, ce n’est pas très dissuasif.

UNE ÉTUDE À VENIR

La semaine dernière, le Bureau de la Concurrence du Canada a annoncé son intention de se pencher sur l’industrie des supermarchés. Il ne s’agit pas d’une enquête officielle, mais plutôt d’une simple «étude» dont le rapport sera rendu public en juin 2023. 

Une étude, contrairement à une enquête, ne permettra pas de blâmer les responsables si tel était le cas et de porter des accusations. Même pas une petite tape sur les doigts. 

Si je me fie aux études et enquêtes menées par le Bureau de la Concurrence concernant la collusion possible entre les compagnies pétrolières pour fixer les prix de l’essence à la pompe, je vous avoue que mes attentes ne sont pas très élevées.

On en a encore eu un exemple cette semaine avec une hausse totalement injustifiée du prix de l’essence à la pompe. On nous dit qu’il n’y a pas collusion, mais, si tel est le cas, comment expliquer qu’en moins de dix minutes, toutes les essenceries d’une même ville affichent le même prix? 

On nous prend pour des valises.

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PENSÉE DE LA SEMAINE

Je dédie la pensée de la semaine à toutes les victimes de l’inflation :

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