Le crédit est devenu trop facile
Pier Dutil
LE CRÉDIT EST DEVENU TROP FACILE
À l’approche du temps de Fêtes, parler de crédit, de taux d’endettement et de contrôle des dépenses peut avoir l’air rabat-joie, j’en suis conscient. Mais s’il y a une période de l’année où il peut être utile de se rappeler certaines réalités de base en économie, c’est bien celle-ci.
L’économie dans laquelle nous vivons est basée sur la consommation. À chaque mois, les gouvernements publient des données concernant la progression du Produit intérieur brut, le fameux PIB. Et, si jamais ce dernier est en baisse, on commence à s’inquiéter et on met de l’avant la menace d’une récession.
Au Canada, l’économie dépend à plus de 70 % des dépenses de consommation que vous et moi effectuons au jour le jour. C’est beaucoup. À titre d’autres dépenses, mentionnons les investissements publics des gouvernements (infrastructures et autres) et les investissements privés des entreprises (construction, achat d’équipements, etc.).
Ce n’est pas compliqué à comprendre : si l’on veut que l’économie continue à croître, il faut que les consommateurs, les entrepreneurs et les gouvernements dépensent. Mais, car il y a toujours un mais, pour dépenser, il faut avoir de l’argent que ce soit du cash ou de l’argent emprunté.
Les Canadiens sont endettés
Selon des données fournies par Statistique Canada en septembre dernier, le niveau d’endettement des Canadiens, en proportion du revenu disponible (revenu après impôt et taxes), atteint 177,1 %. Cela signifie que pour chaque dollar disponible, les Canadiens doivent 1,77 $.
Élément encourageant, près des deux-tiers de cette dette sont rattachés à une hypothèque. Une dette reliée à l’achat d’une propriété est moins inquiétante puisqu’elle est appuyée par un actif, la propriété qui, avec les années, risque fort de prendre de la valeur. Cette dette, aussi importante soit-elle, ne m’inquiète pas trop en autant que le consommateur ait acheté une propriété selon ses moyens.
L’autre tiers de la dette des Canadiens m’inquiète davantage, car il s’agit tout simplement d’une dette de consommation. On parle alors de l’achat d’un véhicule, de meubles, de biens divers, de voyages, etc.
Cette dette n’est reliée à aucun actif et, pire encore, les biens ainsi achetés perdent de la valeur à mesure que le temps passe. Une auto voit sa valeur dépréciée dès qu’elle sort de la cour du concessionnaire. Des meubles devront un jour être remplacés à cause de l’usure ou de changement de mode. Le voyage effectué, il n’en restera que des souvenirs et ainsi de suite.
Je ne prétends pas que ces dépenses ne devraient pas être faites. Il faut quand même vivre. Par contre, j’affirme qu’avant d’effectuer ces dépenses, on devrait s’assurer d’avoir déjà l’argent disponible. Mais, aujourd’hui, la plupart des consommateurs préfèrent acheter maintenant et payer plus tard.
La cupidité des institutions financières
Les institutions financières (banques, caisses, compagnies de cartes de crédit, etc.) n’ont pas tardé à saisir cet appétit des consommateurs pour l’achat de biens divers. On nous offre donc des cartes de crédit en abondance, des marges de crédit de toutes sortes, des prêts à taux d’intérêt peu élevés. En somme, tout est fait pour rendre le crédit facile.
Même les commerçants nous attirent avec des promotions où l’on peut jouir de notre bien et retarder le paiement durant 24 ou 48 mois. Les vendeurs d’autos sont même rendus à nous offrir des paiements à la semaine durant 72 ou 84 mois. Avez-vous pensé, acheter une auto et prendre six ou sept ans pour la payer. Votre véhicule risque fort de ne pas durer aussi longtemps.
Aussi alléchantes ces offres puissent avoir l’air, n’allez surtout pas croire qu’elles ne vous coûtent rien. Les coûts reliés au financement ont été calculés dans les coûts de revient des marchands et Baptiste finit toujours par payer la note.
Du côté des émetteurs de cartes de crédit, si vous ne remboursez pas le total de la facture à chaque mois, vous verrez votre compte grimper à vue d’œil à cause des taux d’intérêt avoisinant et même dépassant les 20 %.
On a le contrôle
Tout au long de notre vie, on est appelé à vivre de nombreuses situations sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle et, souvent, cela nous frustre.
Pourtant, quand vient le temps de faire une dépense, nous avons le plein contrôle. Saurons-nous utiliser ce contrôle au cours des prochaines semaines ?
Pierre-Yves McSween a publié un livre intitulé «En as-tu vraiment besoin ?» L’auteur nous incite à réfléchir en se posant cette question avant d’effectuer un achat. Je me permettrais d’ajouter une deuxième question, à savoir : «En as-tu vraiment les moyens ?»
N’oublions jamais que ce n’est pas ce que nous gagnons qui est important, mais plutôt ce que nous dépensons. La personne qui a gagné 100 000 $ au cours d’une année et qui en a dépensé 110 000 $ se retrouve avec une dette de 10 000 $ à la fin de l’année. Son voisin, qui a gagné 60 000 $ et qui en a dépensé 55 000 $, se retrouve avec une épargne de 5 000 $ à la fin de la même année. À vous de choisir votre camp
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Je dédie la pensée de la semaine à tous les consommateurs que nous sommes :
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