Installée en Beauce depuis 2019
Une famille française en voie d'expulsion du Canada
Installée en Beauce depuis l'automne 2019, une famille française fait face à l'expulsion du pays en raison du non-respect des délais d'expiration des permis de travail.
En effet, Céline Bernard et Xavier Rose, ainsi que leurs deux enfants, Chéa, 16 ans, et Mathis, 10 ans, ont reçu le 10 mai dernier une sommation de «quitter immédiatement» le territoire canadien de la part d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), qui a refusé le renouvellement du permis de travail.
«On est pas venu ici juste pour faire un passage, notre but c'est de devenir citoyens canadiens (...) Mes enfants, ça fait quatre ans qu'ils sont ici, ils ont pas envie de repartir. Ils se sont bien adaptés à la vie nord-américaine. Ils vont à l'école ici, ils se sont faits des amis », a fait savoir Céline Bernard, rencontrée samedi matin par EnBeauce.com, dans son restaurant de Saint-Côme-Linière, dont elle est propriétaire. Elle a dû fermer son établissement le 21 mai, en raison de l'avis d'expulsion, mettant à pied du même coup sept employés.
Chronologie des événements
C'est en septembre 2019 que Xavier Rose est arrivé dans la région pour entreprendre un emploi de camionneur, son métier, avec un transporteur de Saint-Côme. Sa femme et ses deux enfants sont venus le rejoindre le mois suivant, avec un visa touristique, valable pour 90 jours.
M, Rose a débuté officiellement son emploi en janvier 2020, ayant obtenu son permis de travail. Ce faisant, le visa touristique de Céline Bernard est devenu un permis de visiteur accompagnatrice.
Puis, la pandémie de COVID-19 est arrivée en mars 2020. Parmi les nombreuses mesures adoptées par les gouvernements pour faire face à la crise, celui de l'arrêt du camionnage trans-frontalier.
Xavier Rose s'est alors retrouvé au chômage, notamment parce qu'il était le dernier embauché dans l'entreprise de transport. Qui plus est, il aurait subi pendant les trois mois de son embauche du harcèlement de nature raciste de la part d'un collègue de travail, indique l'épouse du camionneur. Pour cette raison, il aurait obtenu un «permis vulnérable» qui a été délivré rapidement par l'IRCC, valable jusqu'en avril 2021. Il sera éventuellement prolongé jusqu'en décembre 2021.
La famille se retrouvant sans gagne-pain, Céline Bernard entreprend alors d'y pourvoir, forte de son expérience de femmes d'affaires en France.
Elle reprend à son compte la franchise de La Belle province, du boulevard Lacroix, à Saint-Georges, qu'elle redémarre en mai 2020, en pleine crise sanitaire. La dame obtient son permis de travail ouvert, valable lui aussi jusqu'en décembre 2021.
Mme Bernard mettra fin à son contrat de franchise avec La Belle province en juillet 2022. Elle achètera en novembre de la même année La Gourmandise rétro à Saint-Côme-Linière.
C'est après cette transaction qu'elle réalisera avoir confondu la date de fin de son permis de travail, qu'elle croyait être en décembre 2022 alors qu'il avait expiré l'année précédente. «J'admets que j'ai fait une erreur mais c'est une erreur humaine». de faire remarquer la dame lors de sa rencontre.
Or, après l'expiration de son permis de travail en décembre 2021, la principale intéressée aurait «négligée» de répondre et de donner suite aux multiples messages de l'IRCC, l'avisant de la situation, a confié à EnBeauce.com une source proche du dossier.
Céline Bernard nie catégoriquement que ce soit le cas et selon ses dires et selon un relevé d'appels, elle aurait communiqué «à plusieurs reprises» avec l'IRCC pour expliquer son cas et demander un renouvellement de son permis de travail, ce qui lui sera éventuellement refusé dans l'avis d'expulsion du 10 mai.
Le 6 juin, elle a rencontré à Québec un agent des Services frontaliers du Canada, avec un délégué du ministère de l'Immigration, où on lui a notamment confisqué son passeport français. On lui aurait alors conseillé d'effectuer une «demande d'étude de risque avant renvoi» pour gagner du temps. Les fonctionnaires lui ont également annoncé qu'un citoyen avait formellement dénoncé leur situation «d'immigrants illégaux.» Son mari et ses enfants auront une rencontre semblable le 20 juin « Je me sens maintenant une otage du Canada », de confier Céline Bernard.
Sur le bureau du ministre Fraser
L'immigration étant de juridiction fédérale, le bureau du député de Beauce, Richard Lehoux, a été automatiquement avisé lorsque l'avis d'expulsion de la famille Larose a été émis.
« Nous avons immédiatement acheminé une demande d'intervention au bureau du ministre de l'Immigration [Sean Fraser]. J'ai communiqué à plusieurs reprises avec mon contact au cabinet pour l'état de la situation mais je n'ai pas eu de réponse. Ici, on ne peut plus faire grand chose. Il y a eu une décision administrative de l'IRCC. Maintenant, c'est dans les mains du ministre et je confirme que le dossier est bien sur son bureau », a indiqué dimanche au téléphone le directeur de cabinet du député de Beauce, Stéphane Poulin.
Il a aussi expliqué que lorsqu'un permis de travail est expiré, il faut attendre une année avant de pouvoir refaire une demande et que cette demande doit s''effectuer en dehors du Canada, donc dans le pays d'origine de la personne.
Même si la question relève du fédéral, le bureau du député de Beauce-Sud est aussi intervenu comme «agent facilitateur» des communications entre Québec et Ottawa, pour notamment permettre la rencontre avec l'agence des Services frontaliers «J'ai aussi avisé ma collègue ministre de l'Immigration, Christine Fréchette», a confirmé à EnBeauce.com le député Samuel Poulin.
«Garder nos bons immigrants»
Depuis quelque semaines, la famille Rose peut compter sur l'appui d'un citoyen de Saint-Côme pour les aider à rester au pays et dans la région.
« Avec eux, on peut parler d'immigrants modèles. Ils ont jamais coûté une "cenne" à l'État. Ils ont commencé à travailler dès qu'ils ont eu leur permis. Ils se sont intégrés rapidement », de dire Jean-Denis Paquet, présent samedi avec Céline Bernard lors de la rencontre.
L'homme, qui est aussi conseiller municipal mais qui fait cette démarche en son nom personnel, ne peut comprendre qu'un «succès d'immigration» aussi probant soit anéanti par un imbroglio administratif. «Si elle [Céline Bernard] part d'ici pour retourner en France, elle perd tout, son investissement dans le restaurant, elle va se retrouver avec sa famille sur le bord de la rue », de dire M. Paquet qui a pu apprécier l'esprit d'entrepreneurship de la Française depuis qu'elle opère son restaurant. Il a d'ailleurs accompagné la dame lors de sa rencontre à Québec avec l'agence des Services frontaliers.
«Je demande le support de la population pour aider cette famille vis-à-vis du ministère de l'immigration. Démontrons que l'on veut garder nos bons immigrants», de conclure M. Paquet qui entend organiser cette semaine un événement de mobilisation citoyenne dont la date et les détails seront communiqués dans les prochains jours.
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