Le deuil périnatal : Comment s’en sortir
Selon Statistique Canada, une grossesse sur cinq se termine par une fausse couche. Cela représente 100 000 fausses couches par années. De plus, 11 000 bébés vont mourir entre la 28e semaine de grossesse et la 28e semaine de vie. Ces pertes occasionneront un deuil plus ou moins important selon le lien affectif que les parents ont créé avec le bébé. Encore tabou, le deuil périnatal est trop souvent banalisé par la société. Selon la croyance populaire, les parents se remettraient plus vite de la perte d’un bébé qu’ils ont peu ou pas connue.
D’entrée de jeu, Amélie Mathieu, psychologue chez Les alternatives éducatives inc., explique qu’il est normal que les parents aient des réactions de deuil. « C’est un vrai deuil », mentionne la psychologue qui a elle-même vécu trois deuils périnataux. Dépendamment du lien affectif que le père et la mère ont créé avec l’enfant, peu importe le stade de la grossesse, le deuil sera plus ou moins difficile à surmonter. L’intensité de la perte peut être influencée également par le contexte entourant la grossesse, par exemple si celle-ci était désirée depuis longtemps, si le couple avait des difficultés à concevoir, si les parents ont pu voir le bébé à l’échographie, s’ils ont déjà vécu un deuil périnatal, etc.
Les cinq étapes du deuil
Pour surmonter cette épreuve, les parents sont donc amenés à traverser les cinq étapes du deuil qui sont le choc, la révolte, la désorganisation, le désespoir et l’acceptation. Lors de la première étape, celle du choc, la femme refuse de croire que le bébé est mort, elle est confuse, elle sent que ce n’est pas réel. À cette étape, la mère peut même avoir l’impression d’être encore enceinte et que le bébé bouge.
Puis, vient la phase de la révolte. Un sentiment de colère envahit la femme. Elle peut alors avoir des émotions intenses comme pleurer et crier. C’est aussi à ce moment qu’elle va rechercher un coupable, qui peut être elle-même ou l’entourage, et la cause de la mort du bébé. Il peut y avoir un grand sentiment d’injustice.
Vient ensuite la phase de désorganisation. La colère laisse alors place au chagrin, à la frustration et aux sentiments de solitude et d’impuissance. « C’est là où on va voir apparaître beaucoup de jalousie envers les autres parents », explique la psychologue.
De la jalousie, Emmye en a ressenti beaucoup après la mort de son bébé. À sa sortie de l’hôpital, elle a dû passer par l’obstétrique où elle entendait les bébés des autres pleurer, puis par la maternité où elle voyait les autres mères avec leurs bébés dans leurs bras. « Quand j’ai passé ce corridor-là, c’était de la jalousie, c’était de l’envie. Je me demandais pourquoi ces femmes pouvaient avoir leurs bébés et pas moi », raconte la mère qui trouvait pénible de voir les bébés des autres alors que le sien venait de mourir.
Après la colère vient la phase de désespoir. Les sentiments de tristesse prennent encore beaucoup de place. Il y a une prise de conscience de la perte, ce qui peut amener des symptômes dépressifs et même des idées suicidaires.
La dernière étape du deuil c’est l’adaptation. « C’est la reprise du goût de vivre. On se refait des projets de vie. On donne un sens à la perte », mentionne la psychologue.
Se refaire des projets de vie, c’est ce qu’Annik et Caroline ont fait. Même si elle a eu beaucoup de difficulté à surmonter le décès de sa fille Mathilde, dont le cœur a cessé de battre quelques heures avant son accouchement à terme, Annik a dû se reprendre en main assez rapidement pour pouvoir s’occuper de ses deux autres enfants. Celle qui continue de rêver d’avoir un autre enfant attend cependant de se sentir suffisamment stable sur le plan émotionnel avant de le concevoir. Mais ce ne sera pas facile pour elle. Bien que la grossesse se passe normalement, elle a eu un suivi médical très serré puisqu’elle a fait beaucoup d’angoisse. Elle a constamment peur qu’encore une fois, le cœur du bébé arrête de battre. « C’est depuis que Ludovic est né que je commence à être bien. C’était la fête de Mathilde la semaine passée. Ça s’est quand même assez bien passé », raconte Anick qui souhaite maintenant aider d’autres parents qui vivent un deuil périnatal.
Pour sa part, Caroline a perdu sa fille une semaine avant la rentrée scolaire. « On a voulu faire la coupure pour nos enfants, pour nous. Oui, elle est décédée. Ça nous a fait de la peine un bon moment après, mais on voulait que la rentrée des enfants soit leur moment à eux. Ils ont eu une belle rentrée. On est allé les inscrire à l’école. Ce n’est pas parce qu’on n’avait plus de peine, mais on se disait que c’était leur journée et qu’il fallait séparer les choses », explique Caroline.
Ces cinq étapes sont communes à tout le monde qui vit un deuil. Ainsi, chaque personne en deuil doit toutes les traverser. Ce qui change d’une personne à l’autre c’est la façon dont elles vont passer d’une étape à l’autre. La psychologue explique d’ailleurs que les étapes ne sont pas nécessairement linaires. « On peut se promener d’une phase à l’autre », mentionne Amélie Mathieu. Dépendamment du lien affectif que le père et la mère ont créé avec l’enfant, le deuil sera plus ou moins difficile à surmonter.
La durée du deuil
Puisque le deuil est personnel à chacun, le temps que ça prend pour le surmonter va varier d’une personne à l’autre. Des recherches montrent néanmoins que les réactions du deuil seront plus grandes durant les six mois qui suivent le décès. « Dans la première année du deuil, il y a des évènements qui vont le rappeler comme la date d’anniversaire de naissance, les dates importantes », mentionne la psychologue. Le Temps de Fêtes est d’ailleurs très propice à raviver la douleur d’un deuil pour les parents qui s’imaginaient avec leur bébé. « Pendant les Fêtes, on rencontre d’autres parents. C’est familial beaucoup. Ça réactive. Ça ramène dans les phases du deuil. Ça peut réactiver certaines émotions », explique Amélie Mathieu.
Si l’intensité du deuil ne diminue pas après six mois, c’est un signe qu’il faudrait peut-être songer à consulter et à demander de l’aide spécialisée.
Des moyens pour surmonter un deuil périnatal
Selon la psychologue, pour réussir à passer à travers la perte, il faut d’abord la reconnaître. Pour aider les parents à surmonter leur deuil, Madame Mathieu recommande d’aller chercher du soutien auprès des gens en qui ils ont confiance et avec qui ils se sentent bien et écouté. « Il faut choisir les bonnes personnes dans l’entourage. Des personnes de confiance avec qui on se sent bien, avec qui on ne se sent pas jugé », mentionne la psychologue qui ajoute qu’il faut aussi se respecter en tant que personne et qu’il reconnaître son droit d’avoir de la peine.
Un dossier à suivre
Le deuil. Personne n’aime y être confronté. Dans cette situation, il arrive que les gens dans l’entourage des personnes vivant un deuil ne sachent pas toujours quoi faire pour les aider ni comment s’y prendre pour leur apporter du réconfort. Dans notre prochain article, des spécialistes et des parents ayant vécu un deuil périnatal présenteront des conseils pour venir en aide aux parents qui y sont confrontés. À lire dimanche.
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En Beauce :
Page Facebook Parents d’anges en Beauce www.facebook.com/pabeauce
Groupe-causerie Facebook de Parents d’anges en Beauce www.facebook.com/groups/pabeauce/
Support psychologique : Amélie Mathieu psychologue chez Les alternatives éducatives inc. www.alternativeseducatives.com/
Partout au Québec
Association Parents Orphelins www.parentsorphelins.org
À Québec
Association Les Perséides (groupe d’entraide) http://acclesperseides.wix.com/perseides
Sur internet
Nos petits anges au Paradis http://www.nospetitsangesauparadis.com/
Livre
Isabelle Clément et Manon Cyr, Fausse couche, vrai deuil, éditions Caractère, 2013
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