Assermentation le 20 janvier
À quoi s'attendre de l'an un du retour de Donald Trump?
Par La Presse Canadienne
Le président désigné Donald Trump sera de retour le 20 janvier à la Maison-Blanche pour offrir son deuxième acte et bien que son premier passage laisse des indices sur ce qu'il fera dans les prochaines années, les Américains pourraient vivre un mandat bien différent sous le règne de l'homme d'affaires républicain.
La Presse Canadienne s'est entretenue en fin d'année avec des spécialistes de la politique américaine pour entrevoir ce qui devrait nous attendre pour la première année de ce mandat de quatre ans.
– Une plus grande expérience
À son arrivée au pouvoir la première fois en 2017, Donald Trump et son équipe n'étaient pas aussi bien préparés que maintenant, a suggéré Graham G. Dodds, professeur de science politique à l'Université Concordia. Maintenant, ils sont prêts, et son administration risque d'être d'autant plus efficace que radicale, selon lui.
«Et je dis ça, parce qu'il y a un historique. Il y a un modèle de dirigeants populistes conservateurs qui sont élus, puis démis de leurs fonctions, puis reviennent une deuxième fois, et quand ils reviennent une deuxième fois, c'est très différent», a expliqué M. Dodds en entrevue téléphonique.
«Selon certains, il ne s'attendait pas à être élu en 2016 et ne comprenait pas vraiment le travail à accomplir et n'était pas prêt à se mettre au travail dès le premier jour. Cette fois-ci, il est prêt. Son équipe est prête, donc je pense qu'il le sera.»
Christophe Cloutier-Roy, directeur adjoint de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand à l'UQAM, souligne également que M. Trump risque cette fois-ci de s'entourer de davantage d'employés loyaux, plutôt que des personnes d'expérience comme il l'avait fait lors de son premier mandat – cela avait d'ailleurs mené à un haut roulement de personnel dans l'administration.
«Ça s'est traduit par des mauvaises relations, le cas le plus connu étant celui de James Mattis à la Défense. Trump ne veut pas ramener ça», a-t-il indiqué.
«Étant donné que jusqu'à maintenant il nomme beaucoup des fidèles, des gens loyaux, il y aura peut-être moins de gens qui vont être poussés vers la sortie.»
– Des décrets présidentiels
On peut s'attendre à ce que, comme en 2017, M. Trump prenne ses premiers instants pour s'asseoir à un grand bureau et poser sa signature sur une kyrielle de décrets présidentiels. Pensons notamment aux tarifs douaniers qu'il a menacé d'imposer sur les importations du Canada et du Mexique.
«Dès le premier jour, juste après son investiture et après qu'il se soit rendu aux bals d'investiture, peut-être ce jour-là ou le lendemain, je m'attends à ce qu'il émette de nombreux décrets qui annuleront les décisions de Joe Biden», a indiqué M. Dodds.
«Je pense qu'il émettra également très tôt un certain nombre de pardons, notamment pour les personnes reconnues coupables de délits pour l'attaque du 6 janvier contre (le Capitole).»
Christophe Cloutier-Roy mentionne également le retrait prévisible de l'Accord de Paris sur le climat, duquel il avait déjà retiré les États-Unis lors de son premier mandat. Le président sortant, Joe Biden, avait annoncé le retour des États-Unis dans l'accord au premier jour de sa présidence en 2021.
M. Cloutier-Roy prédit d'ailleurs que le président utilisera beaucoup des décrets, qui entrent en vigueur beaucoup plus rapidement que des lois, où il faut faire appel aux deux chambres législatives. «J'ai l'impression que c'est vraiment une présidence qui va se gérer à partir de la Maison-Blanche.»
– Des frictions inévitables avec le Congrès
En plus de son pouvoir présidentiel d'adopter des décrets, Donald Trump commence ce nouveau mandat avec un atout important dans sa manche: son parti détient la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat. Mais M. Cloutier-Roy y appose un bémol: ce sont de courtes majorités.
«À la Chambre, ça va être très serré, surtout si on commence à nommer des gens de la Chambre pour être dans l'administration, a-t-il expliqué. S'il y a deux ou trois défections, ça va devenir extrêmement difficile pour les républicains.
«C'est certainement mieux d'avoir la majorité que le contraire, (mais) ça vient quand même avec la nécessité de contrôler ses votes et de savoir compter.»
Graham G. Dodds abonde dans le même sens. «Il a besoin du Congrès. Il n'a pas carte blanche, a-t-il soutenu. Les républicains à la Chambre ont eu une petite majorité ces deux dernières années et ont eu beaucoup de mal à se mettre d'accord entre eux.»
M. Dodds rappelle cet épisode en octobre 2023, lorsque les républicains avaient eu du mal à s'entendre pour élire un président de la Chambre des représentants.
– D'autres contestations légales
Avec des promesses parfois controversées, Donald Trump peut s'attendre à voir une fois de plus ses opposants aller devant les tribunaux pour contester ses politiques, selon MM. Dodds et Cloutier-Roy.
M. Dodds croit que les décrets présidentiels sur l'immigration ou le retrait de protections pour les fonctionnaires pourraient entraîner des poursuites et paralyser partiellement son champ d'action. En 2017, les contestations de l'interdiction d'entrée aux États-Unis pour les ressortissants de pays à majorité musulmane avaient marqué les premiers mois de sa présidence.
«Oui on peut arriver, faire un décret de dire: "Je veux qu'on fasse la déportation massive", mais mettre ça en place, s'assurer que la bureaucratie est capable de gérer ce genre de dossiers-là, ça va être plus compliqué, et il va y avoir toutes les poursuites qui vont commercer aussi assez rapidement.
«Il va y avoir des blocages à différents niveaux. Tous les opposants à Trump (...) tout ce qu'ils vont pouvoir faire pour le bloquer, ils vont le mettre de l'avant.»
– Et les démocrates dans tout ça?
Dans la foulée de la victoire décisive de Donald Trump et de la défaite tout aussi décisive de la démocrate Kamala Harris, le parti traversera certainement une période plus difficile.
«Aux États-Unis, contrairement au Canada, il n'y a pas d'opposition officielle, a expliqué M. Dodds. Et quand vous perdez une élection, et quand vous n'avez plus le pouvoir au Congrès, ni à la Chambre ni au Sénat, il n'y a vraiment personne vers qui se tourner.»
Selon lui, il faudra encore attendre un peu, notamment les élections de mi-mandat, et au-delà pour apercevoir ceux qui voudraient représenter le parti à l'élection présidentielle.
Mais Christophe Cloutier-Roy affirme que les démocrates pourront aussi profiter du fait de ne pas être au pouvoir en ce moment.
«Le programme politique qui va être mis de l'avant par Trump risque d'être très impopulaire auprès des Américains modérés, donc il va y avoir plusieurs opportunités à saisir pour les démocrates, dans des élections partielles, dans des élections aux postes de gouverneur, les élections de mi-mandat qui s'en viennent en 2025», a-t-il indiqué.
Vicky Fragasso-Marquis, La Presse Canadienne
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