Saint-Philibert digère mal la perte de son église
Le feu qui a ravagé en moins de deux heures l'église de Saint-Philibert samedi soir dernier est depuis lors de toutes les conversations, autant en Beauce qu'ailleurs au Québec. Espérons seulement que derrière le geste incompréhensible d'un individu, la volonté de rebâtir qui anime déjà la petite localité ne passera pas sous silence.
On connaît depuis lundi l'identité de l'homme de 52 ans arrêté samedi soir relativement à l'incendie de l'église de Saint-Philibert. Il s'agit de Michel Fournier, résidant de Saint-Philibert étant ironiquement né dans une maison voisine de l'église, à en croire les gens du coin.
Un individu bien connu
Il avait été interpellé par la police le soir même du drame, alors qu'il faisait du pouce à un endroit inhabituel non loin de l'église. « On a arrêté l’individu à près d’un kilomètre des lieux. C’est un résidant de Saint-Philibert, bien connu des gens d'ici. Il a des antécédents criminels et il y a des éléments qui nous permettent de croire qu'il est lié aux événements d'ici », a déclaré Daniel Desmarais, de la Sûreté du Québec sur les lieux de l'incendie dimanche après-midi.
Lors de son arrestation, l'homme était en possession de plusieurs objets religieux et selon diverses sources, sentait le diesel. Plus tard lors de son interrogatoire, il serait vraisemblablement passé aux aveux. Il venait de sortir de prison après avoir purgé une peine de deux mois pour possession de drogues, vol et introduction par effraction et est considéré par la police comme suspect dans trois autres incendies survenus dernièrement sur le territoire.
M. Fournier a été formellement accusé d'introduction par effraction, de vol, d'incendie criminel et de bris de probation lors de sa comparution lundi matin au palais de justice de Saint-Joseph. Alors que les enquêteurs poursuivaient leur travail dimanche après-midi pour bâtir la preuve, le directeur du service des incendies de Saint-Prosper, Régis Morin, avait déjà sa petite idée de ce qui s'était probablement passé la veille. « L'enquête n'est pas complétée, mais... il y a eu des accélérant et le gars connaissait bien la bâtisse », s'est contenté de dire M. Morin.
Rien à faire
Aux dires ce dernier, l'intensité du feu n'a laissé aucune chance aux pompiers. « Quand je suis arrivé ici, la fumée sortait par le clocher de l'église. On voyait que le feu de l'église était avancé beaucoup et j'avais une décision à prendre, alors on s'est mis en défensif pour protéger les bâtiments voisins. Il y avait des tisons qui revolaient loin. On a même eu très peur de perdre le presbytère, fallait pas manquer d'eau! », a raconté M. Morin,
Au plus fort de l'incendie, une quarantaine de pompiers de quatre municipalités voisines combattaient les flammes. Entièrement faite de bois et datant de 1919, l'église a été réduite en cendre en moins de deux heures. Les pertes sont évaluées à au moins 700 000 dollars.
Sous le choc
Le triste événement a touché non seulement les citoyens de Saint-Philibert, mais aussi ceux des alentours qui ont défilé toute la journée dimanche pour constater les dégâts. « C'est un choc! On a pas dormi de la nuit », disaient plusieurs gens de l'endroit. « Je me suis fais baptiser ici, maintenant où est-ce que je vais me marier? », lançait un adolescent.
Ce matin là, 230 personnes s'étaient réunies à l'OTJ de Saint-Philibert pour un déjeuner prévu depuis déjà quelque temps afin d'amasser des fonds pour la Fabrique de l'église. « On préparait ça pour l'église et on arrive ce matin et il n'y a plus d'église! Un village pas d'église, ça fait pitié hein. Mes parents se sont mariés ici, j'ai été baptisé ici... », relatait Sylvain Boucher, résidant du village. Selon lui, l'argent amassé pourra possiblement être utilisée pour l'effort de reconstruction. L'église était assurée pour la somme de 500 000$.
« Drame d'horreur », « cauchemar », Chantale Robitaille, secrétaire de la Fabrique de Saint-Philibert, ne savait trouver les mots justes pour décrire ce qui s'était passé la veille. « Je pense que le plus dur a été quand le clocher est tombé. Tout le monde qui était là a ressenti vraiment une désolation profonde », se remémore avec beaucoup d'émotions Mme Robitaille.
Une communauté qui se tient
Cette dernière souligne que plusieurs des résidants de Saint-Philibert ont mis sueurs et efforts afin de creuser au pic et la pelle le sous-sol de la sacristie de l'église. « Tout le monde est pas mal très atterré de ce qui se passe à Saint-Philibert. Une église, c'est le coeur du village, alors quand tu n'as plus d'église, ça fait sec un peu hein. C'est impensable de perdre son église. Sans nécessairement venir à la messe à tous les dimanche, il y a beaucoup de personnes au village qui étaient attachées à l'église », continue-t-elle.
La secrétaire de la Fabrique s'explique mal qu'un individu ait voulu voir brûler une église. « Que ce soit dans n'importe quelle circonstance, c'est toujours déplorable comme incident, mais de savoir qu'il y a quelqu'un qui... on se demande ce qui se passe dans la tête des gens hein. C'est aberrant! », lance Mme Robitaille.
Quoi qu'il en soit et malgré le drame que cela représente, on distingue dans le discours de la dame une pointe d'espoir et de force bien représentative du caractère beauceron. « Saint-Philibert, c'est une communauté qui est très unie. Sur le terrain aujourd'hui, on a déjà senti une volonté de rebâtir. On va se retrousser les manches et on va aller de l'avant », termine Mme Robitaille.
Une perte inestimable pour la communauté.
Après une longue nuit, les pompiers ont pu laisser les enquêteurs faire leur travail.
Chantale Robitaille, secrétaire de la Fabrique de Saint-Philibert, regarde avec tristesse son église réduite en cendres.
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