L'affaire Paul Busque : un proche collaborateur accepte de parler
Au Québec, la campagne électorale a connu plusieurs rebondissements en matière d’éthique. Si l’issue de l’enquête qui vise le député de Beauce-Sud, Paul Busque, n’est pas encore connue, EnBeauce.com détient des informations additionnelles dans cette affaire, qui, sans interférer dans l’enquête de la commissaire à l’éthique et à la déontologie, sont néanmoins d’intérêt public.
Rappelons que la commissaire à l’éthique et à la déontologie, Ariane Mignolet, a, le 11 mai dernier, annoncé son intention d’ouvrir une enquête « concernant de potentiels manquements au Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale de la part du député de Beauce-Sud, monsieur Paul Busque ». L’enquête a démarré quelques jours après, soit le 16 mai.
La chronologie des événements
En vertu de l’article 92 du Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale, ci-après nommé le « Code », le député de Beauce-Sud avait été avisé, la veille de la déclaration de la commissaire, que son bureau de circonscription, situé à Saint-Georges, ferait l’objet de vérifications administratives.
Le 10 mai, après que M. Busque ait reçu un préavis de la commissaire, il a informé la présidente du caucus de l’aile parlementaire libérale, Filomena Rotiroti, qu’il se retirait temporairement du Parti libéral du Québec (PLQ). En soirée, l’aile parlementaire du PLQ a confirmé le retrait du député par voie de communiqué.
Le député avait alors déclaré qu’il avait travaillé « avec la conviction d'avoir toujours agi avec honnêteté et diligence ». Le 11 mai, il avait déclaré à EnBeauce.com s’être retiré du caucus libéral afin de ne pas être « une distraction pour le gouvernement ».
Le député de Beauce-Sud était même prêt à se présenter comme candidat indépendant. Le député s’était retiré du caucus libéral afin que la lumière soit faite dans cette affaire.
Promettre une chose et faire le contraire
Or, celui qui a été député indépendant pendant 37 jours a réintégré le PLQ sans que la lumière soit faite dans cette histoire. Le 15 juin dernier, le jour même de la venue du chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) à Saint-Georges, Paul Busque avait déclaré en entrevue téléphonique qu’il avait été réintégré au sein des troupes libérales.
Au bout du fil, il avait dit : « Aujourd’hui, mes collègues ont décidé que la présomption et les principes de justice naturelle devaient s’appliquer. C’est pourquoi je suis fier d’annoncer mon retour au sein de l’équipe libérale qui forme le gouvernement. »
En philosophie, le droit naturel s’oppose au droit positif. Le premier est une conception idéale du droit, qui existe en fonction de droits censément intrinsèques à l’humain et séparément des conventions. Le deuxième, le droit positif, est le droit tel qu’il est établi, par exemple les lois issues du législateur. Le Code relève du droit positif et non du droit naturel, puisqu’il a été écrit par le législateur québécois.
En clair, Paul Busque a été réintégré dans les troupes libérales sans tenir compte du point de vue de la commissaire à l’éthique et à la déontologie, puisque son enquête n’était pas terminée à ce moment. Au moment d’écrire ces lignes, les conclusions de l’enquête n’ont toujours pas été révélées. D’ailleurs, la commissaire ne formulera aucun commentaire jusqu’au dénouement du processus d’enquête.
Le « contexte » entrait-il en ligne de compte ?
Lors d’une rencontre de fin de session au bureau de circonscription de Paul Busque, qui s’est tenue le 20 juin 2018, le député avait été questionné par les journalistes au sujet de l’éthique. Il avait déclaré : « Dans cette histoire, il y a tout un contexte. » De même, il avait lancé une question à voix haute : « Pourquoi ouvrir une enquête quatre jours avant mon investiture ? » Le député avait alors laissé entendre qu’il était possible qu’il ait été la cible d’attaques politiques.
Pourtant, il n’existe que deux voies qui mènent à la création d’une enquête de la part de la commissaire à l’éthique et à la déontologie. La première est la suivante : en vertu de l’article 91 du Code, un député peut demander à la commissaire d’ouvrir une enquête s’il a « [...] des motifs raisonnables de croire qu’un autre député a commis un manquement aux dispositions des chapitres I à VII du titre II ». Or, dans l’affaire Paul Busque, c’est la commissaire elle-même qui a initié l’enquête en vertu de l’article 92 du Code. À preuve, elle l’a écrit dans sa communication du 11 mai. Rien dans cette déclaration ne peut être une mise en scène, puisque les enquêtes de la commissaire ne peuvent être initiées par un citoyen quelconque.
Les manquements potentiels
Les manquements potentiels sur lesquels la commissaire se penche sont l’utilisation des biens et services de l’État et les conflits d’intérêt. Le 11 mai, elle écrivait : « Par cette enquête, la commissaire cherchera principalement à déterminer si le député [Paul Busque] a respecté les règles relatives à l’utilisation des biens et services de l’État et aux conflits d’intérêt. » Pour ce qui est de la première investigation, précisons qu’un bureau de circonscription est un bien de l’État. Pour ce qui est de la deuxième, tout le monde le sait : Paul Busque a embauché sa nièce pour une période déterminée. Dans ce cas-ci le député dit qu’il s’est assuré de la légitimité d’une telle embauche ; il aurait même reçu un avis de l’ancien commissaire à l’éthique et à la déontologie abondant dans ce sens.
L’utilisation des biens loués par l’État à des fins partisanes
Ce qui est au cœur de l’affaire Paul Busque, outre l’embauche de sa nièce, c’est véritablement la façon dont le député a utilisé un bien loué par l’État, en l’occurrence le bureau de circonscription de Beauce-Sud. Tout bureau de circonscription est financé par les contribuables. À l’article 36 du Code, il est écrit en toutes lettres : « Le député utilise les biens de l’État, y compris les biens loués par l’État, ainsi que les services mis à sa disposition par l’État et en permet l’usage pour des activités liées à l’exercice de sa charge. »
Un proche collaborateur de Paul Busque, dont l’identité est tue à des fins de sécurité et d’intégrité, a confirmé à EnBeauce.com, hier (le 26 septembre 2018), qu’il a participé à deux ou à trois reprises à des activités militantes de l’association libérale de Beauce-Sud dans les locaux mêmes du député de Beauce-Sud. Il faut saisir le sens de l’article 36 : les biens loués par l’État et qui sont mis à la disposition d’un député doivent servir à des « activités liées à l’exercice de sa charge ».
En interprétant l’article 36, on comprend que la tenue de rencontres partisanes dans un local loué par l’État ne relève pas directement de l’exercice de la charge du député. « Je suis prêt à le dire : on s’en est servi [des biens de l’État, NDLR]. Par la suite, quand on a eu l’avis, on a tout de suite changé de local », a affirmé le collaborateur de Paul Busque. « J’y ai déjà participé [à ces rencontres, NDLR]. Au début, ça induit un doute. Après ça, tu te fais dire : ‘’On pense que c’est correct’’. C’est correct, on vérifie ça. Finalement, ça sort au grand public. » L’individu a néanmoins diminué la portée d’un tel geste : « Je n’ai pas pris l’avion de l’État pour aller faire un voyage à un million. »
8 commentaires
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L'art de minimiser les gestes posés encore une fois par nos Libéraux ayant pris la mauvaise habitude de piger.
Manger une poignée de bonbon ou vider la boite, lorsque ce n'est pas ta boite de bonbon tu n'a pas le droit de piger dedans. Est-ce que cela demande un baccalauréat en jugement et discernement pour comprendre cela? Lorsqu'un député ne comprends pas cela, on lui dit Bye bye. M. Busque, votre contrat se termine le 1er octobre prochain.
- Machiavel