Rencontre avec une artiste qui pratique le fléché depuis plus de 40 ans
Catherine Lessard : traductrice d'émotions
Avec son exposition Je suis mémoire, je suis avenir, qui est présentement en cours au Centre culturel Marie-Fitzbach, Catherine Lessard souhaite davantage faire connaître au public le fléché, une pratique des plus traditionnelles, mais qu'elle présente de manière contemporaine, actuelle et audacieuse. Rencontre avec une artiste de tradition, de passion et d'émotions.
De façon autodidacte, l'artiste s'est intéressée très tôt aux métiers d'art textile et a réalisé de nombreuses créations au crochet et des courtepointes paysages. Ses courtepointes ont d'ailleurs décoré de nombreux restaurants Coq rôti à travers la province. C'est en 1976 que Catherine Lessard découvre le fléché grâce au livre LE FLÉCHÉ, l'art du tissage au doigt, de Françoise Bourret et Lucie Lavigne. Elle a d'ailleurs ressenti un véritable coup de foudre pour cette technique, sa passion l'accompagnant depuis maintenant plus de 40 ans.
Sa pièce Parfois j'oublie, qui fait partie de l'exposition et est relativement récente, lui a permis d'approfondir et de comprendre pourquoi elle pratiquait cet art et pourquoi elle réalisait des œuvres aussi actuelles. « Je flèche par devoir de mémoire, pour ces hommes et femmes, ces artisans québécois, qui ont créé un métier d'art unique au monde, et il faut qu'il reste vivant. Si on oublie le fléché, on perd aussi une partie de notre identité profonde comme Québécois. »
Selon elle, le fléché offre d'infinies possibilités de création. Dans ses œuvres, l'artiste utilise diverses fibres, compose ses coloris et agrémente celles-ci de perles ou de coquillages. Les thématiques de l'humain et des rencontres entre les gens l'interpellent également. Elle reste cependant sensible à d'autres sujets.
« L'été dernier, une copine qui revenait de Kamouraska, de Notre-Dame-du-Portage, m'a dit : "On a assisté à un magnifique coucher de soleil. On a vu le pont d'or." Je le connais, le coucher de soleil de Notre-Dame-du-Portage. Et le pont d'or, moi, tout de suite ça a allumé une inspiration. Ce pont d'or-là, c'est un chemin de moi vers toi, c'est aller à la rencontre des gens avec beaucoup d'ouverture », a-t-elle évoqué à propos de cette œuvre sur laquelle elle travaille présentement.
Dans la composition de cette pièce, Mme Lessard a eu d'ailleurs le privilège d'acquérir et d'utiliser des fibres provenant de l'atelier de Micheline Beauchemin, une figure majeure de l'art tapissier, qui est décédée il y a 10 ans.
Le bonheur de créer
Bien qu'elle travaille en solitaire, l'artiste ressent un besoin de partage. Au cours de l'entrevue, Catherine Lessard a fait référence à plusieurs reprises à l'émotion à travers les mots qu'elle utilisait : « sensible » « émue » « touchée » ou « rendre justice aux sentiments ». Et cela transparaît très bien dans ses créations. Si traduire un sentiment ou une émotion représente pour elle un défi, sa motivation profonde demeure le besoin de communiquer.
Ses œuvres contiennent chacune des émotions différentes, selon l'inspiration du moment. Des émotions qu'elle approfondit par des mois de travail. De là également les textes poétiques qui accompagnent ses pièces.
L'artiste laisse cependant à chacun sa libre interprétation. Pour elle, parler d'une émotion est personnel, mais aussi universel. La créatrice qualifie son approche de positive, elle qui aime voir la beauté des gens et de la nature en traduisant le tout du mieux qu'elle peut.
Son travail artistique lui permet d'exprimer le bonheur de créer, en défiant les conventions et en réinventant les codes. Ce plaisir de créer, elle le vit aussi avec ses petits-enfants, à qui elle apprend les rudiments du fléché.
« Je tenais à ce que mes petits-enfants connaissent le plaisir de créer, de manipuler. Je me dis que c'est de la débrouillardise aussi. C'est un cheminement. La plus jeune, depuis décembre, elle me dit : "Mamie, tu dois me montrer à flécher." C'est notre projet pour cette année. Les petits-enfants ont accès à mon atelier quand ils veulent. Deux mains, dix doigts, de l'imagination, tu peux flécher. »
Pour elle-même, flécher a toujours représenté un moyen de s'évader. Bien au-delà du symbole de la célèbre ceinture carnavalesque, Catherine Lessard parvient à traduire sa passion pour ce métier d'art.
« Moi, je me dis que quand on ne connaît pas quelque chose, on ne peut pas l'apprécier. Ce que je souhaite, c'est que le fléché soit connu et continue d'être apprécié. Qu'on ne fasse pas juste le sortir en période carnavalesque. C'est un savoir-faire, une technique, qui est accessible à tout le monde. »
Lorsqu'elle songe à ses œuvres, elle le fait avec affection. Et a-t-elle réalisé tout ce qu'elle souhaitait dans cette discipline?
« Non. C'est pour ça que j'ai toujours des projets », a-t-elle conclu.
Conférence Fléché d'art, partage d'émotions
L'exposition Je suis mémoire, je suis avenir se poursuivra jusqu'au 16 février.
Catherine Lessard devait également donner la conférence Fléché d'art, partage d'émotions, au Centre culturel Marie-Fitzbach, le vendredi 7 février. Celle-ci a été remise au lundi 17 février et se déroulera de 10 h à 11 h 30, à la salle des Découvertes. La conférence sera suivie d'une démonstration et d'une visite guidée de son exposition. Une artiste à découvrir.
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