Vivre ou mourir de l'art
Hugues Nolet-Voyer, le chaman artiste de métier
Un meuble peint en transparence du bois.
Banc de légende de Saint-Victor.
Série de tableaux sur la vie d'Édouard Lacroix.
Série de tableaux sur la vie d'Édouard Lacroix.
Série de tableaux sur la vie d'Édouard Lacroix.
Série de tableaux sur la vie d'Édouard Lacroix.
Série de tableaux sur la vie d'Édouard Lacroix.
Au sortir d'une conférence de presse, j'arrive en trombe et légèrement en retard dans l'atelier d'Hugues Nolet-Voyer pour mener l'entrevue que je lui avait demandée tout juste avant le temps des Fêtes. Du seul fait de sa présence et de sa voix grave, douce et un peu éraillée, cet homme, que je connais maintenant depuis quelques années, a tôt fait de ralentir la tornade que je suis pour me permettre de me déposer.
Cet ancien camionneur, natif de Saint-Romuald et élevé dans la région de Québec, s'est amené en Beauce au débit des années 1980 pour ne plus jamais repartir. Il est installé avec sa conjointe, Louise, dans une belle vieille maison de Beauceville, à un jet de pierre de la rivière du Moulin, où il aime bien aller contempler de temps en temps le débit inspirant du cours d'eau.
Adolescent, il s'expatrie à Saint-Jean d'Iberville pour entrer dans l'armée de l'air. « L'AIr Force, c'était ben l'fun mais c'était loin de mes t'chums ». Il revient sur Québec puis prend « une run sur les trucks de liqueur », un travail dont il aime bien l'aspect physique de la tâche. Le tout évolue vers le camionnage de longue distance, un boulot gagne-pain qui l'occupe pendant de nombreuses années. « Mais le côté artiste a toujours été là ».
Un trait définitivement familial. D'abord par le grand-père paternel, Joachim-Ulric Voyer, qui a composé L'Intendant Bigot, considéré comme l'un des premiers opéras canadiens. Par le père aussi, un sergent-major devenu comptable qui a travaillé au service des douanes pour le Port de Québec. Un père travaillant le bois, particulièrement en ébénisterie, et aussi un fabricant... d'aquariums! « C'était magnifique de le voir travailler ça. C'est difficile de faire un aquarium bien étanche mais lui, là-dedans, il était fantastique », se souvient-il dans un timbre vocal un peu nostalgique.
Et par la mère bien sûr, une artiste de l'art amérindien, une dimension culturelle très importante dans le parcours de vie d'Hugues Nolet-Voyer. « Ma mère tressait des raquettes et des mocassins. C'est elle qui m'a montré comment travailler de mes mains. Surtout la patience qu'elle avait de m'enseigner ». Son père aussi tressait, des tapis, à partir de lanières de vieux linge.
Tout petit, il s'adonnait au dessin, notamment par des portraits de sa mère. Jeune adulte, sa passion est telle qu'il passait parfois des heures à crayonner les beaux paysages qu'il voyait le long de ses parcours en camion. Pendant ce temps-là, la livraison ne se faisait pas et il accumulait les blâmes de son employeur.
Puis, un accident de la route au début des années 80 l'éloignera de ce métier et c'est à partir de ce moment qu'il devient « un artiste à 100% »
Vivre ou mourir de l'art
À cette époque, il commence à présenter ses oeuvres et ses dessins à certaines galeries d'art, dont celle du Vieux Port de Québec. Ses amis, qui étudient en art, trichent en lui faisant faire des dessins avec lesquels ils gagnent des concours!
Lorsqu'il entreprend son virage artistique, sa mère, toujours vivante à ce moment-là, lui demande au cours d'une conversation s'il sait dans quoi il s'embarque. « Mon avenir à moi, c'est l'art. J'en vie ou j'en meurs. Ça vient de s'éteindre ». Elle devient sa toute première cliente en lui commandant quatre petites toiles, les quatre saisons.
Pendant des années, il participe à plusieurs symposiums nationaux et internationaux pour se faire connaître, se faire un nom.
ll est inspiré par son père qui « examinait et flattait le bois », à trouver dans le geste la connexion entre le matériau et l'âme de l'artiste. « C'est pour cela que je me présente aujourd'hui comme un artiste de métier et non pas comme un peintre, ou un sculpteur ou un ébéniste ».
Avec le bois, il développe d'ailleurs une technique pour faire ressortir le grain, une méthode que ses amis artistes qualifient de « tatouage »: la transparence sur bois. C'est le résultat de plusieurs années de recherche alors qu'il se consacrait à la restauration de fresques et de bas-reliefs, un travail qu'il a effectué dans plusieurs églises du Québec. Il a utilisé sa technique principalement pour peindre des meubles haut-de-gamme, dont un exemplaire est exposé à l'École Polytechnique de l'Université de Montréal.
Je m'aperçois que pour Hugues Nolet-Voyer, le résultat final importe moins que la démarche de création de l'oeuvre. « Peindre c'est la cerise sur le gâteau. Il reste tout le gâteau à faire avant. Le gâteau, la préparation, monter tout ça, le faire cuire, mettre le crémage, pis là, le cerise, c'est la finition, mettre la peinture là-dessus », dit-il allumé.
Cette dimension de la recherche, il la doit à sa mère par la transmission des valeurs amérindiennes, en grande partie iroquoiennes, où l'agencement des symboles, dans toutes les peintures qu'il produit, sur bois ou sur toile, s'inscrit dans une spiritualité de rassemblement des éléments terrestres.
Tout-à-coup, je vois l'homme devant moi comme un chaman, un être humain qui se présente comme l’intermédiaire entre l’humanité et les esprits de la nature, avec une perception holistique du monde. Un chaman artiste qui, s'il n'arbore pas les parures, sauf sa longue chevelure, les transcende.
Les toiles qu'il produit aujourd'hui sont entièrement sur commande, c'est pourquoi il ne tient plus d'exposition depuis plusieurs années.
Par contre, dans la région, il est possible de voir la série de tableaux qu'il a peints sur la vie d'Édouard Lacroix qui se trouvent dans les corridors des résidences de l'École d'entrepreneurship de Beauce à Saint-Georges.
Il a aussi peint deux des dix bancs de légende réparties dans les municipalités de la MRC Robert-Cliche tout comme une toile de l'ancienne gare de train de Beauceville qui sert comme fond de décor pour le tournage de certaines émissions de la télévision communautaire TVCB.
À 71 ans, Hugues Nolet-Voyer se considère comme un éternel apprenti pour qui le plus stimulant dans son travail, « c'est le commencement ».
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