La situation est urgente, rappelle le maire Claude Morin
Pénurie de main-d’œuvre: Chaudière-Appalaches se mobilise
Depuis deux jours, les élus municipaux et les industriels de Chaudière-Appalaches ont mené une mobilisation sans précédent dans laquelle ils ont demandé au gouvernement du Québec d’implanter rapidement un plan d’urgence qui permettra aux entreprises manufacturières de cette région de lutter contre les effets de la pénurie de main-d’œuvre.
Hier, la quarantaine de représentants, constitués majoritairement de maires, de chefs d'entreprise et de responsables de services de développement économique, ont rencontré à Québec les quatre députés du caucus régional de la CAQ (Samuel Poulin, Luc Provençal, Marie-Ève Proulx et Isabelle Lecours), puis aujourd'hui, deux ministres, soit celui du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, et celle déléguée à l’Économie, Lucie Lecours, pour présenter une série d’actions concrètes afin d'assurer la pérennité de l'économie et de la vitalité des milieux du territoire administratif. Ils ont également eu des entretiens avec la cheffe du Parti Libéral et de l'opposition officielle, Dominique Anglade.
L'opération a été menée dans la foulée d’un rapport d’enquête, réalisé par Deloitte et E&B DATA, dévoilant les impacts économiques de la crise de la main-d’œuvre sur les entreprises manufacturières en Chaudière-Appalaches.
Une enquête qui relève qu'en 2021, c’est 2,1 G$ de production manufacturière qui ont échappé à la région de Chaudière-Appalaches, sans compter des millions de dollars d’investissements non réalisés. « La pénurie de main-d’œuvre cause aujourd’hui une perte d’opportunités, d’innovation et de croissance dans la région », peut-on lire dans le document.
La plus forte création de richesse manufacturière par habitant au Québec
Le rapport indique que Chaudière-Appalaches est la troisième plus importante région manufacturière au Québec avec un PIB sectoriel de 5,3 G$.
Le secteur de la fabrication est bien ancré dans la région et représente la plus forte création de richesse manufacturière per capita au Québec avec un PIB de près de 12 500 $ par habitant, contre 8 400 $ à Montréal et 6 800 $ en Montérégie. C’est 28 % de son PIB qui provient du secteur manufacturier, la prépondérance de l’industrie dans l’économie y est d’ailleurs plus importante qu’en Chine (26 %).
Voici un tableau des principaux faits saillants:
Parmi les éléments qui ressortent du tableau, on remarque que près de 60 % des entreprises manufacturières de la région ont déclaré avoir abandonné la fabrication de certains produits et diminué la recherche de nouveaux clients; elles prévoient consacrer moins de ressources dans le développement de nouveaux produits.
Jusqu’à 76 % d’entre elles ont même eu à refuser des contrats faute de capacité à livrer, notamment à l’exportation. La contribution économique et fiscale actuelle des entreprises est en jeu, et pourrait se voir éroder du fait d’une réduction des activités génératrices de ventes futures.
Simplifier les processus
Pour Louis Veilleux, fondateur-actionnaire du Groupe Mundial et président-directeur général de Métal Bernard — un fabricant de pièces et d'assemblages métalliques installé à Saint-Lambert-de-Lauzon, « il faut simplifier les processus d'accès aux programmes [financiers] et éliminer le besoin de paperasse pour faire venir des travailleurs étrangers ici », a-t-il déclaré en entretien téléphonique avec EnBeauce.com, à l'issue des rencontres à Québec de la délégation régionale dont il faisait partie.
Le groupe a présenté au milieu politique une série de mesures qui s’articulent autour de cinq axes d’intervention, qui ne sont pas nouvelles en tant que telles concède M. Veilleux, mais qui constituent néanmoins le coeur de l'approche qui doit être adoptée par le gouvernement québécois:
- Adapter les programmes aux petites et moyennes entreprises qui souhaitent s’automatiser et se robotiser;
- Pour le recrutement international, favoriser l’augmentation et la rétention des bassins de main-d’œuvre dans les régions en plein emploi;
- Favoriser la croissance des bassins d’étudiants, valoriser la formation professionnelle en alternance travail-études et améliorer la fiscalité des travailleurs pour favoriser la rétention;
- Pour l’occupation du territoire et les services aux collectivités, trouver rapidement des solutions à la création de nouveaux logements et favoriser le transport collectif en région ;
- Accélérer la régionalisation de l’immigration en favorisant les régions en plein emploi.
« Notre mémoire présente des mesures et des actions spécifiques pour aider les entreprises de notre région. Nous souhaitons faire partie de la solution, collaborer avec notre gouvernement et avoir plus de talents dans nos régions », de dire Louis Veilleux, qui ne se cache pas d'avoir dû délocaliser de la production dans d’autres régions hors Québec et abandonner ou diminuer de manière significative de la fabrication de certains produits pour éviter des retards trop importants, dommageables pour ses relations avec des clients.
Cette délocalisation des entreprises en dehors de la région inquiète au plus haut point le maire de Saint-Georges, Claude Morin, qui faisait lui aussi partie de la délégation de Chaudière-Appalaches.
« Bien des manufactures d'ici ont des installations ailleurs, comme aux États-Unis. J'ai bien peur que s'ils décident de déménager leur production parce qu'ils ne sont pas capables de la faire chez-nous, ils ne reviendront pas », a confié M. Morin en entretien avec EnBeauce.com.
Il s'inquiète également du phénomène de « cannibalisation de la main d'oeuvre » alors que des entreprises mieux nantis « recrutent » des travailleurs par de la surenchère de salaires et d'avantages sociaux.
« Nous ne pouvons plus attendre. Nos entreprises doivent ralentir leur cadence, voire refuser des contrats, faute de main-d’œuvre. Nos entrepreneurs ont besoin de nous. Plus encore, nous avons des opportunités de développement et de croissance économique, mais si nous ne posons pas des actions concrètes, nous serons obligés de regarder passer le train et ça, ça risque de nous coûter cher. Arrêtons de pelleter par en avant et agissons maintenant », de dire le maire Morin qui a signalé que la prochaine étape sera de rencontrer les politiciens fédéraux.
Réactions de François Legault
Le message des représentants de la région semble avoir atteint sa cible puisqu'en mêlée de presse en fin d'après-midi aujourd'hui, le premier ministre du Québec, François Legault, a pris acte des problèmes du manque de main-d'œuvre, que ce soit en Chaudière-Appalaches ou ailleurs dans la province. « On voit que le monde du travail a changé. Pendant longtemps il y avait plus de personnes qui cherchaient du travail que de postes, maintenant c’est l’inverse. »
Cependant, il estime normal que les travailleurs aillent au plus offrant, cherchant le meilleur salaire et les meilleures conditions de travail. C’est pour cette raison que, d’après lui, les entreprises vont devoir évoluer en s’équipant notamment de nouvelles technologies pour offrir des emplois de meilleure qualité.
« Ça va être des années dures pour les entreprises, mais c’est une bonne nouvelle pour les Québécois. Après tout, ce qui est important, c'est la richesse par habitant, pas la richesse totale. En tant que premier ministre du Québec, j’aime mieux avoir une pénurie d’employés que d’emplois. »
Avec la collaboration de Léa Arnaud.
4 commentaires
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Ici ont nous dit que 18$de l heure est un bon salaire,
Manque de main d œuvre vous me faite pleurer...
Sa ville a fait quoi pour aider les entreprises ? Donner des terrains? Des crédits de taxes ? Des rabais aux activités de la ville pour des travailleurs? Il n'a même pas été en mesure de déposer des projets de logements sociaux ou travailler à des parcs d'appartements avec des entrepreneurs pour les immigrants. Morin = zéro vision. Je suis un entrepreneur de stgg et la ville met de batons dans les roues.