Une semaine du dépistage pour l'encourager et prôner un meilleur accès
Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — L'accès au dépistage du VIH et des autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) est toujours laborieux au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde. La Semaine internationale du dépistage qui débute lundi prône un meilleur accès et encourage la population à risque à aller se faire dépister.
Cette initiative internationale prend la forme d'une campagne de promotion du dépistage du VIH, des hépatites et des ITSS et elle rejoint une cinquantaine de pays. Elle a été lancée en 2020 dans le contexte du retard pris durant l'épidémie de COVID-19 sur le nombre de tests réalisés dans le monde.
La Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) participe pour une quatrième année à cette initiative. L'objectif est de sensibiliser les Québécois à l'importance du dépistage. «On ne prétend pas qu'en une semaine on va trouver tout le monde qui a un cas de VIH non détecté, mais on souhaite démontrer que c'est faisable», soutient le directeur général de la COCQ-SIDA, Ken Monteith. Il veut envoyer le message que c'est facile de se faire dépister et que les organismes communautaires ont un rôle important dans cette démarche de dépistage.
La COCQ-SIDA demande que les intervenants communautaires puissent administrer des tests rapides de dépistage du VIH et autres ITSS. Ils agiraient ainsi comme une porte d'accès alternative au réseau de la santé.
Le nombre de tests de dépistage du VIH enregistré en 2020 a été inférieur de 18 % en comparaison de 2019. Cela a eu un impact sur la propagation de l'infection. Selon les plus récentes statistiques du Québec, qui datent de 2022, 78 % des nouveaux cas de VIH trouvés étaient leur premier dépistage. «Presque la moitié des personnes pour qui on a des données étaient considérées comme des cas de dépistage tardif. Cela veut dire qu'ils l'avaient contracté depuis plusieurs années et que cela avait commencé à affecter leur système immunitaire», explique M. Monteith.
Il précise que certaines personnes ont le VIH sans le savoir et donc, elles n'ont pas la possibilité de contrôler leur charge virale. Elles peuvent propager le virus sans le savoir. «La clé, c'est le dépistage», souligne-t-il.
Inégalité dans l'accès
L'accès au dépistage est inégal selon les régions, affirme la sexologue Audrey Morabito. «Étant donné que c'est un sujet tabou, je pense qu'il y a des gens qui ne savent pas trop où aller pour se faire dépister», dit-elle.
Lors d'un rendez-vous médical annuel, le patient ne se fait pas offrir d'emblée un test de dépistage. «Il y a une barrière à cet égard, car ce n'est pas quelque chose qui va se faire systématiquement. [...] Il y a aussi une question de méconnaissance de où aller», constate-t-elle.
Les gens peuvent se rendre à une des cliniques de dépistage, qui sont surtout situées dans les grands centres, ou encore se présenter à un CLSC, à certains Groupes de médecine familiale (GMF) ou demander un test à leur médecin de famille.
Selon Mme Morabito, cela faciliterait l'accès si le dépistage était offert systématiquement lors d'une visite chez son médecin de famille.
La sexologue a par ailleurs fait savoir que la syphilis était en recrudescence au Québec depuis quelques années. La gonorrhée est aussi en augmentation et avec la chlamydia, elles sont les ITSS les plus répandues au Québec.
Mme Morabito a également soulevé que ce ne sont pas uniquement les jeunes qui sont concernés par le dépistage. Au cours des dernières années, les personnes âgées sont devenues une population grandissante qui contracte de plus en plus les ITSS.
Un outil qui aiderait grandement l'accès au dépistage du VIH est le kit d'autotest. En 2022, à l'occasion de la conférence internationale sur le sida, Jean-Yves Duclos, alors ministre de la Santé du Canada, avait annoncé la mise en place d'un programme d'accès gratuit à l'autotest du VIH par l'entremise des organismes communautaires canadiens de lutte contre le VIH. Mais cette initiative a pris fin en mars dernier.
«Nous souhaitons toujours que ça soit remis en place. Nous avons sensibilisé le nouveau ministre de la Santé au fédéral au fait que nous souhaitons que ça soit remis en place», a mentionné M. Monteith. Pour l'instant, il dit ne pas avoir eu d'indication comme quoi ce programme est reconduit.
Rappelons que si elles reçoivent un traitement et des soins adéquats, les personnes atteintes du VIH peuvent vivre longtemps et en bonne santé.
La sexualité toujours taboue
Les ITSS, le VIH et la sexualité de manière plus large sont toujours des sujets sensibles. «Je pense que dans notre société, parler de sexualité est toujours tabou. Parler de l'utilisation de drogue est toujours tabou. C'est dommage, commente M. Monteith. Il faudrait nous débarrasser de la honte et des réticences pour pouvoir en parler ouvertement afin de pouvoir rejoindre tout le monde et freiner la propagation du VIH.»
Mme Morabito abonde dans le même sens en affirmant que «tout ce qui tombe sous le parapluie de la sexualité demeure tabou en 2024».
Selon elle, c'est un sujet dont on discute peu et par conséquent, un sentiment de honte peut accompagner un résultat positif de dépistage. La sexologue constate aussi que de fausses croyances persistent, notamment l'idée qu'on peut détecter une ITSS chez son partenaire. «La plupart des gens ne savent pas que la majorité des ITSS sont asymptomatiques, donc il n'y a pas de façon visuel ou physique de le savoir dans plusieurs cas», explique-t-elle.
Elle considère la Semaine internationale du dépistage comme une initiative qui a le potentiel de déstigmatiser les ITSS et d'encourager le dépistage.
—
Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.
Katrine Desautels, La Presse Canadienne