Une riposte «dollar pour dollar» n'est pas souhaitable, croient des experts


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le Canada s'est gardé, depuis des mois, d'augmenter ses droits de douane sur des produits américains dans le but de répliquer à chaque nouvelle salve tarifaire de la Maison-Blanche, une stratégie appropriée selon deux experts.
Riposter dollar pour dollar «peut avoir été approprié aux stades initiaux où il y avait une élection et après une période électorale (au cours de laquelle) vous voulez montrer vos muscles», convient l'avocat spécialisé en négociation et en commerce Jacques Shore.
Or, l'approche a changé et il faut continuer de «jouer intelligemment» plutôt que jouer du coude et provoquer, croit celui qui est partenaire au cabinet d'avocats Gowling WLG.
«Parfois on montre mieux ses muscles en étant discipliné et pas en cherchant des façons de donner un coup de pied à son opposant ou lui faire mal, dit-il. Ce que je pense qu'il faut faire, si je peux me permettre une analogie de hockey, est de garder sa tête haute et patiner vigoureusement jusqu'au but.»
Le but, ici, est de conclure une entente économique avec les États-Unis qui mettrait fin à l'incertitude de nouveaux droits de douane qui peuvent constamment s'ajouter les uns aux autres.
Ottawa et Washington n'ont pas réussi à s'entendre d'ici à la date butoir de ce vendredi et la Maison-Blanche a donc mis à exécution sa menace de hausser de 25 % à 35 % sa surtaxe sur les importations canadiennes.
Or, les marchandises conformes à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) sur le commerce ne sont pas touchées, ce qui équivaut à une vaste exemption.
«L'ACEUM (...), je dirais presque que c'est le Saint Graal. Ça représente 93 % de notre commerce. Alors nous sommes, dans ce contexte, dans une bonne posture», ajoute M. Shore.
L'expert ne manque pas de nuancer que le Canada est toutefois durement touché par les droits de douane sectoriels sur l'acier, l'aluminium et les automobiles.
À cela s'est ajoutée, dans la nuit de jeudi à vendredi, une surtaxe sur les produits intermédiaires de cuivre.
Le gouvernement de Mark Carney fait donc face à des pressions pour hausser, en retour, ses droits de douane imposés aux États-Unis. En Ontario, le premier ministre Doug Ford a été particulièrement insistant dans ses appels à ce que le Canada réplique dollar pour dollar, plaidant que le président américain Donald Trump comprend bien les démonstrations de force.
Or, le professeur chancelier à l’Université Carleton et expert en négociations internationales Fen Osler Hampson souligne que des droits de douane équivalents imposés par le Canada entraîneraient des coûts supplémentaires pour les manufacturiers et, par conséquent, des prix plus élevés pour le consommateur canadien.
«Pendant que tu négocies, tu ne veux pas causer une escalade et faire mal à ton propre camp en faisant la chose stupide que les Américains font avec leurs propres tarifs», a-t-il dit au cours d'une récente entrevue.
Jeudi soir, l'organisation Consumer Choice Center a mis en garde contre l'idée de riposter par des «contre-tarifs».
«Bien que c'était une erreur que l'administration Trump ravive cette guerre commerciale, le Canada ne devrait pas faire de même puisque des tarifs plus élevés sur les biens américains ici signifient seulement des prix plus importants pour les consommateurs», a déclaré par communiqué le directeur pour les affaires canadiennes de l'organisation, Jay Goldberg.
En contrepartie, le syndicat des Métallos, lui, demande au fédéral de «prendre des mesures de représailles intelligentes et ciblées», en plus d'exiger un soutien bonifié pour les travailleurs touchés.
Jusqu'à présent, le gouvernement canadien a mis en place des mesures de représailles à trois reprises depuis le début de la guerre tarifaire, ce qui totalise des importations américaines évaluées par Ottawa à 95,4 milliards $.
Le gouvernement a toutefois changé de trajectoire en juin puisqu'il n'a pas augmenté sa riposte depuis que Washington a doublé ses droits de douane sur l'acier et l'aluminium, les faisant passer de 25 % à 50 %.
Émilie Bergeron, La Presse Canadienne