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Un rapport tire la sonnette d'alarme sur la loi relative aux grands projets

durée 20h13
23 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Un nouveau rapport d'un groupe de réflexion s'interroge sur l'impact potentiel de la course effrénée des gouvernements fédéral et provinciaux à la construction de grands projets d'infrastructure sur les droits des peuples autochtones, et prévient que cela pourrait aboutir à une opposition entre les communautés autochtones.

Le rapport du Yellowhead Institute, intitulé «Buried Burdens», examine les grands projets à travers une étude de cas du projet de gazoduc de Prince Rupert et de l'installation de Ksi Lisims, en Colombie-Britannique, qui devraient transporter des millions de tonnes de gaz par an.

Appartenant en partie à la Nation Nisga'a, le projet a suscité une vive opposition de la part d'autres communautés de Premières Nations qui ne l'ont pas approuvé ou consenti.

Le rapport Yellowhead, publié cette semaine, s'inscrit dans un contexte de mobilisation nationale pour le lancement rapide de grands projets, notamment de pipelines, afin de soutenir l'économie face à la guerre commerciale du président américain Donald Trump.

La Loi sur l'unité de l'économie canadienne, récemment adoptée, confère à Ottawa le pouvoir d'accélérer le lancement de projets qu'il juge d'intérêt national en contournant les protections environnementales et autres lois.

Les gouvernements encouragent les dirigeants des Premières Nations à soutenir de tels projets en leur offrant des garanties de prêt et en leur promettant des incitations financières. Nombre d'entre eux craignent cependant que leur mode de vie soit irrémédiablement compromis si les gouvernements contournent les normes environnementales.

«Actuellement, le débat sur l'exploitation des ressources bat son plein», a souligné Hayden King, membre de la Première Nation de Beausoleil et directeur général de Yellowhead.

«De plus en plus, cela inclut les partenaires autochtones, mais la dynamique d'investissement dans des projets comme ceux-ci est peu abordée, et il existe un risque à prendre en compte, a-t-il ajouté. Les Premières Nations ne sont pas nécessairement les seules touchées par ces projets, mais elles sont encouragées à investir dans ces projets, à en être partenaires et à accorder l'acceptabilité sociale nécessaire à leur réalisation.»

Certaines provinces ont adopté des lois similaires à la Loi sur l'unité de l'économie canadienne, notamment le projet de loi 5 en Ontario, qui fait maintenant l'objet d'une contestation judiciaire par neuf Premières Nations.

En Colombie-Britannique, le gouvernement du premier ministre David Eby a adopté les projets de loi 14 et 15, des mesures législatives visant à accélérer le développement de l'énergie et des infrastructures, qui ont été critiquées par les Premières Nations.

Le premier ministre Mark Carney a souvent souligné la participation des Autochtones aux grands projets comme un moyen d'en assurer le succès et d'éviter les retards. Il a cité le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones, doté de 10 milliards $, comme preuve de l'engagement d'Ottawa à garantir une participation significative des communautés autochtones.

Le rapport conteste cet argument dans son ensemble, le qualifiant de «discours dicté par l'industrie.»

«Si la participation au capital présente des avantages potentiels par rapport aux accords sur les répercussions et les avantages à court terme et aux contrats de service, elle comporte également des risques plus importants», indique le rapport.

«Cette philosophie particulière de la “réconciliation économique” imagine les communautés autochtones reprenant le contrôle de leur économie, en vue de l'autosuffisance, de la durabilité et de l'autodétermination. Il s'agit d'un discours dicté par l'industrie qui présente l'extraction des ressources comme la seule voie pour atteindre ces objectifs», est-il précisé.

Des craintes de divisions

Ce discours pourrait également créer des divisions entre les communautés autochtones qui soutiennent des projets spécifiques et celles qui s'y opposent, selon le rapport.

«Bien qu'inconfortables, les conflits et les désaccords font partie intégrante des relations de nation à nation, et l'ont toujours été. Cependant, il est tout aussi important de reconnaître que, dans de véritables relations de nation à nation, les droits à l'autodétermination d'une nation ne peuvent primer sur les droits inhérents d'une autre», est-il souligné.

D'après M. King, les conflits potentiels entre les communautés favorables au développement et celles plus hésitantes se prêtent à des discussions sur les types de développement qui correspondent à leurs valeurs.

Mais ce débat porte également sur les droits, a ajouté M. King, et sur la manière dont les tribunaux trouveront un équilibre entre les Premières Nations qui ne s'entendent pas sur les propositions de projets.

«Ne laissons pas les tribunaux trancher ces questions, mais travaillons plutôt par la diplomatie et trouvons des solutions selon nos propres conditions, en utilisant notre propre droit autochtone», a-t-il avancé.

M. King a souligné que cette discussion devrait «alimenter le débat sur le type d'économie souhaitée», rappelant les économies antérieures au contact avec l'homme qui ont autrefois soutenu les peuples autochtones.

«Nous avions ces économies, et nous les avons encore dans une certaine mesure. Alors, à quoi ressemblerait une refonte de ces politiques et une reformulation de ces politiques face au discours disant que nous n'avons qu'une seule option : l'exploitation des ressources ?» s'est-il interrogé.

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne

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