Trump n'attendra probablement pas 2026 pour réexaminer l'ACEUM, selon les experts
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Par La Presse Canadienne, 2024
WASHINGTON — La promesse du président élu américain Donald Trump d'imposer des droits de douane de 25 % au Canada et au Mexique a provoqué une onde de choc chez les voisins les plus proches des États-Unis, mais il s'agit probablement seulement d'une première étape dans son plan visant à ébranler un pacte commercial trilatéral crucial.
L'accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) doit être révisé en 2026. Greta Peisch, une ancienne avocate générale du cabinet de la représentante au Commerce des États-Unis, a déclaré qu'elle ne s'attendait pas à ce que le chef républicain attende aussi longtemps pour réexaminer l'accord.
«Étant donné l’accent mis par la nouvelle administration, et par le président élu lui-même, sur les relations commerciales en Amérique du Nord, je pense que nous pouvons nous attendre à ce qu’il n’attende pas une année entière pour s’attaquer à ces questions», a avancé Mme Peisch lors d’une récente entrevue.
Donald Trump a démontré à quel point le Canada est vulnérable aux caprices des États-Unis lorsqu’il a abandonné l’Accord de libre-échange nord-américain lors de sa première administration.
Les États-Unis sont le voisin le plus proche du Canada et son plus grand partenaire commercial. Plus de 77 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis.
La négociation de l’ACEUM, communément surnommé «le nouvel ALENA», a été un test clé pour Ottawa après la première victoire de M. Trump.
Lors des négociations de 2018, le milliardaire républicain a lancé l’idée d’un tarif de 25 % sur le secteur automobile canadien, mais cette idée n’a jamais été mise en œuvre. Mais il a utilisé ses pouvoirs en matière de sécurité nationale pour imposer un tarif de 25 % sur l’acier et un tarif de 10 % sur les importations d’aluminium.
L’ancien représentant américain au commerce, Robert Lighthizer, a écrit dans son livre que ces droits de douane ont envoyé une menace à l’industrie automobile canadienne. «Un signal sans équivoque que le statu quo est terminé.»
«L’administration Trump était prête à froisser les plumes diplomatiques pour faire avancer son programme commercial.»
Après avoir administré leurs propres tarifs ciblés, le Canada et le Mexique ont pu négocier des exemptions et le nouvel accord commercial trilatéral a été signé.
L'ACEUM, un héritage clé
Meredith Lilly, professeure à l’Université Carleton à Ottawa, qui étudie le commerce international, a souligné que l’accord était une réussite importante pour Donald Trump et son équipe. Elle a dit espérer que le leader républicain ne voudra pas démanteler un élément clé de son héritage.
Mais Carlo Dade, directeur du commerce et de l’infrastructure commerciale à la Canada West Foundation, est moins optimiste. Pendant la campagne présidentielle, M. Trump a déclaré: «dès ma prise de fonction, je notifierai officiellement au Mexique et au Canada mon intention d’invoquer la clause de renégociation de six ans de l’ACEUM que j’ai mise en place.»
M. Dade a averti à plusieurs reprises que le mantra de Donald Trump «Make America Great Again» n’incluait pas le Canada.
«Les négociations consistent autant à s’asseoir à la table qu’à fixer les conditions de la réunion», a-t-il fait valoir.
Le président élu américain a déjà commencé à façonner l’opinion publique en s’en prenant aux partenaires commerciaux des États-Unis, a relevé M. Dade.
Il a déclaré que la révision de l’ACEUM pourrait avoir l’une des trois issues suivantes. Les trois pays partenaires pourraient soumettre des recommandations de modifications, modifier l’accord et signer pour une nouvelle période de 16 ans. Les États-Unis pourraient également se retirer complètement de l’accord.
Le troisième résultat possible – celui que Carlo Dade a déclaré être le pire pour le Canada – verrait l’administration Trump retarder le renouvellement américain, repoussant la question de 12 mois.
«Ce qui signifierait que les Américains nous tiennent par les bijoux de famille pendant une année entière», a expliqué M. Dade.
En fait, l’administration Trump pourrait continuer à retarder le renouvellement de l’ACEUM pendant des années, jusqu’à ce que l’accord soit entièrement abandonné, ce qui entraînerait une insécurité des investissements au Canada en cours de route.
Manque de préparation?
Le Canada n’est que partiellement préparé à ce qui s’en vient, a pointé Carlo Dade. Les négociateurs canadiens, dont l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, ont établi des liens avec les républicains à Washington et dans tout le pays depuis un an.
Mais Ottawa a fait des erreurs sur d’autres plans, a-t-il dit. Un comité spécial du Cabinet sur les relations canado-américaines, relancé par le premier ministre Justin Trudeau après la victoire de Donald Trump, n’aurait jamais dû être laissé en sommeil, a déploré M. Dade.
Ottawa aurait également dû faire appel plus largement aux entreprises et à l’industrie canadiennes pour obtenir des informations et des conseils bien avant l’élection présidentielle, a-t-il ajouté.
«Je perds un peu de patience et de politesse avec le gouvernement fédéral», a-t-il confié.
La professeure Meredith Lilly a plutôt soutenu que le gouvernement fédéral avait fait les préparatifs appropriés. Ottawa a ouvert des consultations publiques l’année dernière et continue de communiquer avec divers intérêts canadiens.
«Je dirais que du côté canadien, ils se préparent à l’examen depuis un certain temps», a-t-elle dit.
De nouveaux défis sont également apparus. La décision de Justin Trudeau de se retirer lorsqu'un nouveau chef libéral sera choisi en mars, et les élections fédérales, qui devraient suivre peu de temps après, ne laissent «pas beaucoup de consensus sur qui parle au nom du Canada pour le moment», a pointé Mme Lilly.
La menace substantielle de Donald Trump en matière de tarifs constituera également un énorme obstacle aux efforts du Canada et du Mexique pour avoir des discussions de bonne foi sur l'accord commercial, a-t-elle ajouté.
«Je pense que cela va en fait être un obstacle considérable.»
Kelly Geraldine Malone, La Presse Canadienne