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Sacrer permet réellement d'y aller d'un plus grand effort physique

durée 10h00
18 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Allez-y, ne vous gênez pas, laissez échapper quelques jurons lors de votre prochaine séance d'entraînement: cela vous permettra réellement d'y aller d'une ou deux répétitions supplémentaires, assure un chercheur britannique qui a publié de multiples études sur la question.

Dans sa plus récente étude, qui a été publiée tout récemment par le Journal of Experimental Psychology, le professeur Richard Stephens, de l'Université de Keele, dans le centre du pays, écrit que cette étude «a confirmé que, par rapport à un mot neutre, la répétition d'un juron entraîne une augmentation des performances dans une tâche de force de préhension, tout en confirmant également les effets du juron sur l'émotion positive, l'humour et la distraction».

«J'ai remarqué dans ma propre vie plusieurs exemples où j'ai sacré à répétition après m'être blessé, raconte-t-il quand on lui demande pourquoi il a choisi d'étudier ce sujet. Et quand ma femme a accouché, vers la fin elle souffrait beaucoup et elle sacrait sans arrêt. Elle était un peu gênée, mais la sage-femme lui a dit que c'était parfaitement normal. J'ai trouvé ça intéressant et en tant que psychologue, j'ai voulu savoir si ça aidait vraiment.»

Ses étudiants et lui ont donc recruté des sujets qui ont accepté de plonger une main dans un seau d'eau glacée ― une expérience douloureuse, mais aucunement dangereuse. Ils ont demandé aux participants de répéter un juron à répétition ou, comme contrôle, un mot entièrement neutre.

Règle générale, les sujets à qui on permet de sacrer tolèrent l'immersion dans l'eau glacée plus longtemps que les autres, «ce qui semble indiquer que sacrer nous aide vraiment à tolérer la douleur», a dit le professeur Stephens.

Il fallait maintenant essayer de comprendre pourquoi.

Les chercheurs ont tout d'abord constaté une association entre les jurons et une accélération du rythme cardiaque, ce qui semblait témoigner d'une réaction émotionnelle et d'une activation de la «réaction de lutte ou de fuite», a dit le professeur Stephens.

«Si les jurons nous donnent ce petit 'kick' émotionnel, on a supposé que ça devrait aussi nous rendre plus forts, a-t-il expliqué. Nous avons tous entendu ces histoires de gens qui soulèvent des voitures pour sauver un enfant.»

Les données dont ils disposent pour le moment portent à croire que l'aspect psychologique de la chose joue un rôle beaucoup plus important qu'ils ne le supposaient jusqu'à présent, ce qui a ouvert la porte à la plus récente étude qui s'est intéressée à l'association entre les jurons et la performance physique.

L'utilisation de jurons, a dit le professeur Stephens, entraînerait un état de «désinhibition», et quand nous sommes désinhibés, «on ne se retient pas autant, on en donne un peu plus».

«On le voit avec les joueurs de tennis qui crient en frappant la balle ou avec les karatékas, a-t-il cité en exemple. On dirait que les gens génèrent plus de puissance quand ils crient.»

L'étude récemment publiée par le Journal of Experimental Psychology «est notre plus sophistiquée à ce jour», a assuré le professeur Stephens.

L'utilisation d'un juron, comparativement à l'utilisation d'un mot neutre, a amélioré la performance des participants dans une tâche de force de préhension (grip strength test, en anglais). Les données ont apporté un peu d'eau au moulin de la théorie de désinhibition, a dit le chercheur, «mais pas autant qu'on l'aurait espéré, mais c'est ça, la science».

Le professeur Stephens participera au cours des prochains jours à une conférence à Helsinki, en Finlande, consacrée aux jurons (oui, ça existe pour vrai, on a vérifié).

La conférence «Swearing in the Nordics: Contemporary Trends, English and media» réunira, le temps d'une «soirée sur les jurons et l'influence de l'anglais et des médias sociaux sur notre utilisation de la langue dans les pays nordiques», des experts que le sujet intéresse, peut-on lire sur la page Facebook de l'événement. Le professeur Stephens en profitera pour présenter les résultats de sa nouvelle étude.

Il admet toutefois qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.

«On ne comprend pas exactement pourquoi ça fonctionne, a-t-il dit en conclusion, mais ça fonctionne, et c'est tout ce qui compte.»

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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