Retrait des accusations contre 4 manifestants propalestiniens arrêtés au prix Giller
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Par La Presse Canadienne, 2024
TORONTO — Les charges retenues contre quatre des cinq personnes arrêtées pour avoir manifesté lors de la remise du prix Giller de l'année dernière ont été retirées, ont annoncé vendredi des organisateurs pacifistes qui se sont engagés à continuer de lutter pour mettre fin aux attaques israéliennes contre Gaza.
Le groupe CanLit Responds a annoncé cette décision lors d'une conférence de presse en face d'une succursale de la Banque Scotia à Toronto vendredi, plus d'un an après que des manifestants ont interrompu le prix littéraire en dénonçant la banque – alors commanditaire principal – pour son investissement dans le fabricant d'armes israélien Elbit Systems. La Banque Scotia est toujours commanditaire de Giller, bien que son nom ne figure plus dans le titre du prix.
«En tant qu'écrivaine et organisatrice palestinienne, je sais que cet acte de protestation est le strict minimum de ce que nous pouvons faire lorsque des bombes anti-bunker tombent sur nos familles restées chez nous», a déclaré Maysam Abu Khreibeh, 26 ans, qui a été arrêtée cette nuit-là.
Elle a indiqué que la décision de retirer les accusations avait été retardée de plusieurs mois, la laissant, elle et ses camarades manifestants, dans un vide juridique plus longtemps que nécessaire.
«Je suis soulagée d’entendre que les tribunaux reconnaissent enfin que ce que nous avons fait n’est pas quelque chose qui devrait être criminalisé, que les accusations ont été retirées», a-t-elle indiqué après la conférence de presse.
Mme Abu Khreibeh était l’une des trois personnes arrêtées le soir de la cérémonie et accusées de méfait criminel et d’utilisation d’un faux document pour accéder à la cérémonie, CanLit Responds a affirmé que deux autres ont été arrêtées plus tard.
Retour sur les événements
La manifestation a eu lieu un peu plus d’un mois après le début de la guerre, lorsque des soldats dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre 2023, tuant quelque 1200 personnes, principalement des civils, et prenant environ 250 autres en otage.
En réponse, Israël a lancé une attaque contre Gaza qui causa la mort d'au moins 44 500 Palestiniens, dont plus de la moitié étaient des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza. Celui-ci ne précise pas combien des morts étaient des combattants. Israël affirme avoir tué plus de 17 000 combattants, sans fournir de preuves.
Cette semaine, Amnesty International a qualifié les actions d’Israël de génocidaires et a déclaré que les attaques du 7 octobre ne le justifiaient pas. Israël rejette ces allégations.
L’avocat de Mme Abu Khreibeh, Riaz Sayani, a indiqué dans une déclaration écrite que les manifestants du prix Giller n’auraient jamais dû être inculpés.
«La Couronne a correctement retiré les accusations. Il n’était pas dans l’intérêt public de poursuivre, étant donné la nature de cette manifestation. À mon avis, il n’y avait pas non plus de perspective raisonnable de condamnation, a-t-il déclaré. Qualifier à tort ce type de manifestation d’acte criminel a un effet dissuasif et porte atteinte au droit de chacun à la liberté d’expression.»
Dans un courriel, la porte-parole de la police de Toronto, Stephanie Sayer, a estimé que la décision de la Couronne d’abandonner les accusations «ne nie pas les motifs raisonnables sur lesquels les accusations ont été portées ni la validité des accusations».
CanLit Responds a affirmé que les accusations contre le cinquième manifestant sont toujours devant le tribunal. La police de Toronto a indiqué que des accusations avaient été portées contre elle en mai et qu'elle avait été arrêtée en septembre 2024.
Le combat continue
Mme Abu Khreibeh a dit qu'elle ne s'attendait pas à ce que la communauté littéraire canadienne se rallie aux manifestants, comme beaucoup d'entre eux l'ont fait. Le lendemain de son arrestation, alors qu'elle se sentait encore paranoïaque et anxieuse, des milliers d'écrivains ont signé une lettre demandant l'abandon des accusations contre les manifestants.
Depuis lors, des dizaines d'auteurs ont retiré leurs livres de la compétition pour le prix et beaucoup se sont engagés à le boycotter.
Ils demandent à la Fondation Giller de rompre ses liens avec la Banque Scotia et à la filiale de l'institution financière de se désinvestir d'Elbit Systems.
Les organisateurs du prix n'ont mis fin à aucun de ces parrainages, mais ont supprimé la Banque Scotia du nom du prix. La directrice générale de la Fondation Giller, Elana Rabinovitch, a déclaré que le conseil d'administration avait effectué ce changement afin de maintenir l'accent sur les écrivains.
Les représentants de la Banque Scotia n'ont pas répondu aux demandes de commentaires.
Invitée à commenter l'abandon des charges, Mme Rabinovitch a déclaré que l'association littéraire à but non lucratif «soutient pleinement et sans équivoque la liberté de parole, d'expression, de dissidence et le droit de manifester».
Fatima Hussain, qui a également été arrêtée en novembre dernier, a déclaré que l'année dernière avait été bouleversante.
La jeune femme de 24 ans n'a pas pu se rendre aux États-Unis pour visiter à un grand-parent malade. Elle n'a pas non plus été autorisée à parler à son coaccusé pendant que les accusations étaient devant les tribunaux. Elle ne peut toujours pas communiquer avec le dernier manifestant qui a été arrêté.
Elle ne dit ne toujours pas regretter de s'être impliquée dans la manifestation.
Ce genre d'action est ancré en elle, a-t-elle déclaré. Née en Irak dans les années entre la guerre du Golfe et la guerre d'Irak, elle a noté que l'un de ses premiers souvenirs était une manifestation contre la guerre.
Ainsi, même si les arrestations ont pu avoir un effet dissuasif sur certains, ce n'est pas le cas pour elle.
«Nous continuons à nous battre parce que le génocide ne s'arrête pas, a indiqué Mme Hussain. Les gens n’arrêtent pas de mourir. Nous, nous continuons».
Nicole Thompson, La Presse Canadienne